
DIVERSITÉ - Les quotas sont la loi

En octobre, le Sénat va se pencher sur la proposition de loi visant à accélérer l’égalité professionnelle et économique, approuvé à l’unanimité par les députés en mai 2021. Si elle est adoptée en l’état, les entreprises de plus de 1.000 personnes devront compter au moins 30 % de femmes dans leurs instances dirigeantes – comités exécutifs ou comités de direction – d’ici à 2030. Le texte obligera également les entreprises à publier chaque année les écarts éventuels de représentation entre les femmes et les hommes parmi les cadres dirigeants.
Les entreprises dotées de fortes convictions sur le sujet se jugent déjà prêtes. « La proposition de loi sur la féminisation des instances dirigeantes nous conforte dans notre approche holistique, volontariste, et n’impliquera pas de transformation dans notre politique RH pour répondre aux enjeux contemporains de la parité, indique Alexina Portal, directrice des ressources humaines et membre du comité exécutif de Wendel. La politique de ressources humaines de Wendel vise la parité plutôt que l’égalité, elle s’inspire de l’histoire et de l’héritage d’un groupe familial et s’attache aux individus. Cette approche se traduit par un fort de taux de féminisation, au niveau mondial avec 54 % de femmes dans les effectifs, mais également dans les équipes d’investissement, qui sont féminines à déjà plus de 44 %. »
Pour les autres, le choix d’une politique par les quotas reste discutable. « Le quota suscite parfois des inquiétudes mais il est nécessaire » pour rattraper un retard lié à des inégalités profondément enracinées dans les mentalités, a argumenté Elisabeth Moreno, ministre déléguée auprès du Premier ministre chargée de l’Egalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l’Egalité des chances, lors du vote à l’Assemblée nationale. Contestée il y a dix ans, au moment de l’adoption de la loi Copé-Zimmermann sur la féminisation des conseils d’administration, la politique des quotas a pourtant fait la preuve de son efficacité. En l’espace de dix ans, la part des femmes dans les conseils d’administration a presque triplé, à 46 %, contre moins de 15 % (voir le graphique).
En décembre 2019, le Haut comité à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCE) recommandait l’instauration de quotas – un minimum de 20 % de femmes en 2022 et de 40 % en 2024 – pour accélérer la féminisation des instances dirigeantes des entreprises. Sans attendre la loi, l’Afep-Medef s’est saisi du sujet et a adapté son code de gouvernance dès janvier 2020, rendant obligatoire, à partir de 2021, la définition d’un plan d’action incluant des objectifs en matière de mixité.
Effet de traction
Les recommandations ont semble-t-il été suivies d’effets. La part des femmes dans les comex des entreprises du SBF 120 a progressé de 6 points depuis 2019, selon Russell Reynolds Associates. « Les entreprises ont récemment accéléré le rythme des nominations car elles aimeraient éviter une nouvelle loi », explique Michel Ferrary, professeur-affilié à la Skema Business School et membre du HCE.
Ces efforts restent insuffisants pour le législateur, qui pointe le manque d’effet d’entraînement de la loi Copé-Zimmermann sur la composition des instances dirigeantes (lire ‘La Parole à...’) C’est également l’une des conclusions de la dernière édition de l’Observatoire de la féminisation des entreprises, publié en avril 2021. « Il n’y a pas de corrélation entre le pourcentage de femmes dans le conseil d’administration et le pourcentage de femmes au comité », relèvent les auteurs de l’étude. Si l’on se penche sur la composition des effectifs cadres, le constat est similaire : les femmes représentent près de 34 % des cadres des entreprises du CAC 40, mais seulement 22,9 % des comités exécutifs (source : Russell Reynolds Associates).
Les retombées de la loi Copé-Zimmermann font débat. « En 2017, soit l’année de fin d’application de la loi en France, les entreprises du SBF 120 comptaient seulement 15 % de femmes dans les comex, tandis qu’elles occupaient 42 % des sièges dans les conseils d’administration. L’effet de traction est très clair et témoigne d’une prise de conscience, avec 10 points de gagnés depuis 2017. De même en 2011, les entreprises du SBF 120 ne comptaient aucune femme directrice générale ou présidente du directoire. Elles sont aujourd’hui 12. Les sociétés dirigées par des femmes ont un taux de féminisation de leur comex supérieur à la moyenne, quel que soit le secteur considéré, ce qui tend à faire la preuve de cet effet de traction », nuance Floriane de Saint-Pierre, fondatrice et présidente d’Ethics & Boards (voir le graphique).
Mieux, la France commence à se situer parmi les pays les plus avancés. « La Norvège compte 31 % de femmes, suivie par la Suède (26 %). Les sociétés du S&P 100 sont à 25,8 %, tandis que le FTSE se situe à 24 %. Cela signifie que la moyenne des entreprises françaises sera au niveau du FTSE dès septembre, et s’approche du S&P 100, note Floriane de Saint-Pierre. Seules 15 % des entreprises du SBF 120 n’ont aucune femme ou ne déclarent pas leurs comex ou leurs codir, contre 25 % sur le FTSE et 43 % du DAX en Allemagne. »
Une analyse plus fine des rapports de gouvernance montre des pistes d’améliorations. Ainsi, les stéréotypes de genre liés aux fonctions occupées par les femmes restent une réalité. En 2019, 92 % des directeurs de la communication siégeant dans un comité exécutif étaient des directrices. A l’inverse, 10 % seulement des postes de direction de centres de profits étaient confiés à des femmes, selon l’Alliance pour la mixité en entreprise (AME). La tendance semble en évolution positive. En 2021, 38 % des femmes siégeant dans un comité exécutif exerçaient des fonctions opérationnelles, en hausse de 5 points par rapport à 2020. « A la différence de la loi Copé-Zimmermann, les questions relatives à la diversité et l’inclusion font partie intégrante de la politique ESG (environnement, social, gouvernance, NDLR) des entreprises. Celles qui ne se seraient pas saisies de la question savent qu’elles attireront moins les investisseurs et, surtout, moins de talents », estime Marc Sanglé-Ferrière, managing director chez Russell Reynolds Associates.
Ainsi, certaines sociétés, essentiellement anglo-saxonnes, commencent à adopter des positions fortes sur le sujet, allant au-delà de la seule diversité de genre, pour aborder le sujet plus large de l’inclusion. Par exemple State Street Global Advisors (SSGA) souhaite désormais que les entreprises du S&P 500 et du FTSE 100 publient la composition raciale et ethnique de leurs conseils d’administration. Du côté des proxy advisors, ISS prévoit de recenser les entreprises du Russell 3000 et du S&P 1500 dont les conseils d’administration manqueraient de diversité raciale et ethnique. Les deux sociétés envisagent de sanctionner par leur vote en assemblée générale les entreprises dont les engagements seraient jugés insuffisants. Il n’est pas exclu que ce débat puisse un jour s’étendre à l’Union européenne, si la Commission parvenait à améliorer la collecte de telles données au niveau national dans le cadre de son plan d’action 2021-2027 en faveur de l’intégration et de l’inclusion.
Pour aller plus loin, l’étude « The CS gender 3000 in 2021: Broadening the diversity discussion », Credit Suisse, dans la version digitale de L’AGEFI HEBDO
www.agefi.fr
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