Dérive climatique, Carbone 4 donne le cap aux entreprises

Le cabinet de conseil a mis sur pied une méthodologie pour aider les sociétés à gérer le risque climatique sur l’ensemble de leur chaîne d’approvisionnement.
Valérie Riochet
Innondation Allemagne
L’Allemagne, cet été, face à des inondations dévastatrices.  -  rea

Pluies diluviennes en Allemagne et en Belgique, chaleur extrême inédite en Espagne provoquant des incendies dans le nord-est du pays, précipitations torrentielles au Royaume-Uni... rien qu’en Europe continentale, l’été a été meurtrier. En cause ? Le changement climatique. Et le constat s’observe sur tous les continents. Au-delà des dégâts humains, les incidences pour les entreprises sont gigantesques. « Le risque physique pour les sociétés sera de plus en plus intense, juge Jean-Marc Jancovici, associé fondateur de Carbone 4. Nous sortons d’une stabilité climatique qui ne reviendra pas. » La sécheresse est source de destruction pour les bâtiments, met en péril les équipements électriques... « Une augmentation de température de 1,1 degré suffit à détruire 40 % d’une récolte. C’est ainsi que la Russie a perdu 40 % de sa production de blé en 2010, illustre-t-il. Si les groupes et PME ont conscience des conséquences lourdes que le risque climat fait porter sur leurs actifs propres, l’outil que nous avons développé va plus loin en prenant en compte toute leur chaîne de valeur. Chaque maillon est susceptible d’être perturbé, voire rompu, par un aléa climatique. »

Evolutivité

A l’image du bilan carbone qui permet aux entreprises d’évaluer leur vulnérabilité face aux enjeux carbone, les équipes de Carbone 4 ont mis sur pied une nomenclature de la résilience climatique de l’entreprise : Ocara (Operational Climate Adaptation & Resilience Assessment). Tous les liens de dépendances de la société sont décomposés. « L’étape 1 de notre méthode constitue sans nul doute le travail le plus introspectif de la démarche menée par l’entreprise, détaille Violaine Lepousez, responsable du pôle Adaptation de Carbone 4. Cette étape s’attaque à son périmètre direct (Scope A), aux parties prenantes directes qu’elles soient en amont ou en aval (Scope B) et enfin aux parties prenantes indirectes amont et aval (Scope C). »

Il s’agit d’identifier les objets et flux physiques les plus critiques pour l’activité de l’entreprise, puis d’en évaluer la sensibilité climatique : par exemple, le système de refroidissement est-il dimensionné pour faire face aux vagues de canicule ? Les capacités d’adaptation déjà embarquées sont prises en compte. « A la fin, l’outil fournit une synthèse des résultats sous forme de score de résilience, lui permettant d’identifier les éléments les plus fragiles ou au contraire les plus résilients, résume Violaine Lepousez. Ces résultats sont ensuite confrontés aux scénarios de projections climatiques pour identifier les risques physiques les plus importants pour l’entreprise. »

Inondations, modification de la faune et flore terrestres, fortes chaleurs, sécheresse, réduction du niveau des cours d’eau, fortes précipitations neigeuses... tous les aléas climatiques sont considérés. « Tout au long de l’outil, des métriques sont proposées (niveau d’enjeu, niveau de sensibilité, type de capacité d’adaptation, etc.) et l’utilisateur d’Ocara a la possibilité de faire évoluer son analyse avec l’apport de nouvelles connaissances ou collectes de données », précise-t-elle.

Il a fallu un an de travail aux équipes de Carbone 4 pour établir cette méthodologie ainsi que le concours de neuf entreprises pilotes. Parmi elles, Siemens. Le groupe a déployé l’outil sur son usine d’Haguenau, pour la production des appareils de mesure et de contrôle des flux et débits. Si des plans de continuité d’activité avaient été anticipés en vue d’une hausse de la température, l’augmentation concomitante de l’hygrométrie – la mesure du taux d’humidité dans l’air –, délétère pour son activité, n’avait pas été identifiée, tout comme les glissements de terrain en cas de fortes précipitations. Siemens a par exemple décidé d’intégrer dans les fondations de ses nouveaux bâtiments des colonnes ballastées.

Même problème du côté de l’assureur HDI Global France, un des soutiens du projet. La compagnie indique qu’un tiers des sinistres survenus cette année n’avaient été prévus ni par elle, ni par les clients. L’offre de Carbone 4 permet, selon l’assureur, de mieux cartographier les risques sur le temps long pour accompagner les assurés et surtout d’éviter une hausse des tarifs.

Cette méthodologie, Carbone 4 tient à la rendre publique, donc gratuite pour les entreprises : « Nous ne souhaitons pas être les seuls à détenir cet outil, en revanche nous voulons être les premiers à le créer », justifie Jean-Marc Jancovici.

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