Bruxelles prépare des lignes directrices en matière d’abus de position dominante

La Commission européenne lance une première consultation ouverte jusqu’au 24 avril, avant de proposer un nouveau texte l’an prochain.
Le siège de la Commission européenne. Source photo: Commission européenne.
Des lignes directrices relatives aux abus de position dominante vont remplacer de simples orientations  - 

Consultation. Pour la première fois depuis 2008, Bruxelles va modifier ses lignes directrices relatives aux abus de position dominante afin qu’elles soient «claires, efficaces et appliquées rigoureusement dans l’intérêt des consommateurs européens et de l'économie dans son ensemble», précise la Commission dans un communiqué. «Un signal important de l’évolution de la Commission, qui n’avait pas bougé en la matière depuis quinze ans et prend conscience du besoin de clarification de son approche, souligne Pierre Zelenko, avocat associé chez Linklaters. D’ailleurs elle ne parle plus de ‘guidance’ (orientations) comme en 2008, mais de ‘guidelines’ (lignes directrices), plus engageantes pour la Commission. Une telle évolution est sans doute à replacer dans le contexte des multiples affaires d’abus de position dominante lancées par Bruxelles concernant les grands acteurs de la tech, tout en tirant les conséquences de ses déconvenues judiciaires récentes (Intel, Qualcomm).» En effet, le doute s’est progressivement immiscé sur l’interprétation à donner de l’article 102 du traité de l’Union sur l’exploitation abusive d’une position dominante. Surtout depuis l’annulation de plusieurs amendes de la Commission par le Tribunal de l’Union européenne.

Notamment, en janvier 2022, le Tribunal avait annulé l’amende de 1 milliard d’euros infligée à Intel pour des rabais jugés abusifs. La justice européenne estimait que l’analyse de la Commission était incomplète et ne permettait pas d’établir que les rabais litigieux étaient capables ou susceptibles d’avoir des effets anticoncurrentiels. Rebelote quelques mois plus tard, dans le dossier Qualcomm. En juin dernier, le Tribunal annulait l’amende de 1 milliard d’euros infligée par Bruxelles pour abus de position dominante sur le marché mondial des puces. Là encore, les juges européens ont estimé insuffisante l’analyse de la Commission, les accords litigieux ne suffisant pas à établir leur caractère anticoncurrentiel.

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Le test du concurrent aussi efficace au centre des débats

«La Commission prend acte de ces revers – bien que ces décisions ne soient pas encore définitives – et manifeste ainsi sa volonté de tenir compte de la jurisprudence du tribunal de Luxembourg, explique Pierre Zelenko. Au centre du débat se trouve le test du concurrent aussi efficace (test AEC) : pour vérifier l’existence d’un abus de position dominante, la Commission peut regarder si un concurrent aussi efficace aurait été ou non évincé du marché en l’absence des pratiques poursuivies. Selon le Tribunal, le recours à ce test n’est qu’une faculté pour la Commission, l’essentiel étant de démontrer la capacité des pratiques à produire des effets d’éviction.»

Comme à son habitude, Bruxelles procédera en trois temps. La Commission vient d’ouvrir cette première consultation, d’une durée de quatre semaines jusqu’au 24 avril 2023 inclus, invitant le marché, essentiellement les juristes et économistes, à faire leurs propositions. Elle émettra un premier texte provisoire, qui sera également mis à consultation au printemps 2024, avant l’adoption d’un texte définitif au quatrième trimestre 2025.

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