
Une Europe maîtresse de ses choix

Même les observateurs britanniques en conviennent, l’Europe a fait un grand pas le 21 juillet. Une fois encore, poussée dans ses retranchements par une crise d’une gravité inédite, cette Union dont les eurosceptiques ont prédit cent fois le naufrage a su dépasser ses différences. Alors oui, les quatre jours et quatre nuits passés à transpirer sur un plan de relance commun ont renvoyé l’image de discussions de marchands de tapis où les plus prompts à manier la menace et le chantage ont été récompensés. Oui, cet accord arraché de haute lutte consacre la primauté d’une institution intergouvernementale, le Conseil européen, sur les représentants d’un véritable fédéralisme, la Commission et le Parlement. Il faudra encore passer les obstacles nationaux, déployer des centaines de milliards en suivant une gouvernance complexe, s’accorder sur des ressources communes. Seul l’avenir dira si cette initiative ne constituait qu’une réponse sans lendemain à un choc historique ou bien le socle d’une mutualisation appelée à se renforcer. Mais la menace existentielle qui revient régulièrement planer au-dessus de l’Europe a été écartée.
Il n’y a pas si longtemps, les Britanniques auraient eu droit eux aussi à leur rond de serviette au Conseil européen, et pesé dans les négociations. Ils ont choisi la voie solitaire du Brexit au moment où le multilatéralisme se dissout dans les logiques de bloc. Or la rivalité croissante des Etats-Unis et de la Chine force chacun à choisir son camp. Pendant que les chefs d’Etat et de gouvernement suaient sang et eau à Bruxelles, Londres suspendait son traité d’extradition avec Hong Kong, pour protester contre la violation des droits de son ancienne colonie. Quelques jours plus tôt, le gouvernement de Boris Johnson avait effectué un virage à 180 degrés en excluant Huawei de son projet de réseau 5G ; l’application TikTok est désormais dans son viseur. Il est loin le temps où le sinophile David Cameron déroulait le tapis rouge à Pékin au nom d’un mercantilisme bien compris. L’argument de la sécurité nationale peut être raisonnablement défendu, mais la diplomatie britannique ne s’est pas moins alignée sur les positions bellicistes des Etats-Unis, au lieu d’articuler sa propre vision du sujet, qu’elle pouvait porter autrefois au sein de l’Union européenne.
L’UE elle aussi va devoir remettre à plat ses relations avec Pékin, sur Huawei comme sur d’autres dossiers. La diplomatie de plus en plus agressive de la Chine exige une réponse ferme qui ménage les intérêts économiques du continent et ses principes fondateurs, sans se laisser entraîner dans l’affrontement stérile voulu par Washington. Il est heureux que l’Europe puisse aborder ce rendez-vous difficile en restant maîtresse de ses choix, avec des institutions plus solides qu’il y a quelques mois.
A nos lecteurs
Ce numéro est le dernier avant la trêve estivale. L’Agefi Hebdo reviendra le 27 août. En attendant, bonne lecture et bonnes vacances.
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RDC: à Ntoyo, dans le Nord-Kivu, les survivants des massacres commis par les ADF enterrent leurs morts
Ntoyo - Lundi soir, les habitants de Ntoyo, un village de l’est de la République démocratique du Congo (RDC), s’apprêtaient à assister à des funérailles quand une colonne d’hommes armés a surgi de la forêt. «Parmi eux, il y avait de très jeunes soldats», raconte à l’AFP Jean-Claude Mumbere, 16 ans, rescapé d’un des deux massacres commis par les rebelles ADF (Forces démocratiques alliées) dans la nuit de lundi à mardi, l’un à Ntoyo et l’autre dans un village distant d’une centaine de kilomètres. Le bilan de ces attaques, au moins 89 tués selon des sources locales et sécuritaires, a peu de précédent dans une région pourtant en proie à une instabilité chronique, victime depuis trente ans de multiples groupes armés et conflits. Les ADF, groupe armé né en Ouganda et qui a prêté allégeance à l’Etat islamique, est connu pour une extrême de violence à l'égard des civils. «Ils étaient nombreux et parlaient une langue que je ne comprenais pas. De loin, ils portaient des tenues qui ressemblaient à celles des militaires», se souvient le jeune homme, venu assister mercredi aux funérailles de sa soeur, l’une des victimes de ce nouveau massacre perpétré dans la province du Nord-Kivu. Plus de 170 civils ont été tués par les ADF depuis juillet dans les provinces de l’Ituri et du Nord-Kivu, selon un décompte de l’AFP. Plus au sud, malgré les pourparlers de paix de ces derniers mois, des affrontements se poursuivent entre l’armée congolaise (FARDC) et affiliés, et le groupe armé antigouvernemental M23, soutenu par le Rwanda et son armée, qui s’est emparé des grandes villes de Goma et de Bukavu. A Ntoyo, Didas Kakule, 56 ans, a été réveillé en sursaut par les premiers coups de feu. Il dit avoir fui avec femmes et enfant à travers les bananeraies pour se réfugier dans la forêt voisine, avec d’autres habitants. Tapis dans l’obscurité, les survivants n’ont pu que contempler leurs maisons consumées par les flammes. «Les coups de feu ont retenti longtemps. Ma maison a été incendiée, ainsi que le véhicule qui était garé chez moi. Chez nous, heureusement, personne n’a été tué», dit Didas Kakule. Jean-Claude Mumbere, lui, a été touché par une balle pendant sa fuite. «Ce n’est qu’après m'être caché dans la forêt que j’ai réalisé que je saignais», affirme-t-il. «Inaction» Mercredi, Ntoyo, 2.500 habitants, n'était plus qu’un village fantôme, et la plupart des survivants partis se réfugier dans l’agglomération minière voisine de Manguredjipa. Une dizaine de corps étaient encore étendus sous des draps ou des bâches, battus par une forte pluie. Des volontaires ont creusé des tombes, assistés par des jeunes des environs, et planté 25 croix de bois dans la terre humide. Une partie des dépouilles avait déjà été emportée par les familles, les cercueils ficelés à la hâte sur des motos. Parmi les quelques proches de victimes venus aux funérailles, Anita Kavugho, en larmes devant la tombe de son oncle. Il est mort "à cause de l’inaction des autorités qui ne réagissent pas aux alertes», peste la jeune femmme, une fleur à la main. Des pickups de l’armée congolaise stationnent non loin, devant un véhicule calciné. Le déploiement de l’armée ougandaise (UPDF) aux côtés de l’armée congolaise dans le nord-est de la RDC depuis 2021 n’a pas permis de mettre fin aux multiples exactions des ADF, groupe formé à l’origine d’anciens rebelles ougandais. Quatre militaires congolais étaient présents à Ntoyo au moment de l’attaque. Les renforts stationnés à environ 7 km à Manguredjipa sont arrivés trop tard. «C’est leur faillite, on signale aux militaires que les assaillants sont tout près, et ils n’arrivent pas à intervenir», lâche Didas Kakule, amer. Cette énième tuerie risque d’aggraver la «fissure» entre l’armée et la population, estime Samuel Kakule, président de la société civile de Bapere. Les ADF «se dispersent en petits groupes pour attaquer nos arrières», répond le lieutenant Marc Elongo, porte-parole de l’armée congolaise dans la région, présent à Ntoyo mercredi. Quelques jours auparavant, les forces ougandaises et congolaises s'étaient emparées d’un bastion ADF dans le secteur et avaient libéré plusieurs otages du groupe, selon l’armée. Mais comme souvent, les ADF se sont dispersés dans la forêt, et ont frappé ailleurs. Une stratégie pour attirer les militaires loin de ses bases, selon des sources sécuritaires. © Agence France-Presse -
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