
Une bataille rangée agite le marché actions américain

C’est une nouvelle illustration de l’euphorie voire de la surchauffe de certains segments du marché. Depuis le début de l’année, la valeur de l’enseigne de jeux vidéo GameStop s’est envolée de 465%. Elle a été multipliée par plus de 25 fois depuis fin juillet 2020 sans véritable raison fondamentale. Mardi, elle poursuivait son rebond après un gain de 18% la veille (+145% durant la séance avec neuf interruptions de cotation en raison de la forte volatilité sur le titre).
Cette frénésie cache une véritable bataille rangée entre des investisseurs particuliers américains adeptes des forums boursiers et certains hedge funds spécialistes de la vente à découvert (short selling). Tout est parti du chat boursier WallStreetBets hébergé par Reddit sur lequel les particuliers s’échangent des conseils. Certains participants à ce forum, très au fait des mécanismes de marché, ont lancé une véritable croisade contre ces short sellers, ciblant en particulier GameStop, qui est depuis plusieurs années un des paris favoris de ces hedge funds. L’action n’a cessé de baisser depuis fin 2015, jusqu’à juillet dernier.
6 milliards de pertes pour les hedge funds
Ces investisseurs particuliers ont notamment ciblé Citron Research (qui a depuis décidé de ne plus évoquer la valeur, s’attirant les foudres des internautes) et Melvin Capital. Pour ce faire, les particuliers ont notamment opéré via des options d’achat (calls). Ce qui est grandement facilité par les plates-formes de trading sans frais tels Robinhood mais aussi Charles Schwab et TD Ameritrade, ces deux derniers ayant vu l’activité de leurs clients bondir au quatrième trimestre 2020. «Ces mouvements ont lieu sur le marché des options sur lequel le ratio call/put s’est fortement écarté au cours des trois derniers mois, et plus encore ces derniers jours, rendant les comparaisons avec 2000 fades», souligne Jim Reid, stratégiste chez Deutsche Bank. Les achats de call ont augmenté de 60 millions, soit 20% de plus que l’été dernier. Surtout, une grande partie est due à de petits ordres de particuliers, précise Jim Reid.
Pour contrer les hedge funds, les investisseurs ont acheté massivement des calls avec une échéance très courte et un prix d’exercice très en dehors de la monnaie ce qui oblige les vendeurs des options à acheter encore plus d’actions pour se couvrir (la sensibilité – gamma – étant plus importante). Cela fait encore plus monter la valeur, qui a de plus bénéficié début janvier de l’appui d’un actionnaire activiste, Ryan Cohen, entré au conseil d’administration de GameStop. Les pertes des vendeurs à découvert sont estimées à 6 milliards de dollars, selon Bloomberg. Malgré cela, ces derniers ont renforcé leurs positions vendeuses, aidés par des mains «amies» : elles équivalent à 139% des actions en circulation et les achats de puts (options de vente) ont dépassé ceux de calls sur GameStop au cours des dernières séances. Un positionnement qui commence à coûter cher (23% pour l’emprunt des titres).
Mini-bulles
Les investisseurs cherchant le futur bon coup boursier, plusieurs valeurs telles BlackBerry ou Express ont bénéficié d’intérêts acheteurs, tandis que les autres valeurs shortées par le hedge funds Melvin Capital étaient également en forte hausse (+50% pour National Beverage en deux semaines). Certains intervenants sur le marché proposeraient à leurs clients de parier sur ce phénomène au travers de paniers de valeurs jouées par les particuliers.
Ces positions sont le symptôme d’une situation où la liquidité sans fin crée des dysfonctionnements et des bulles dans certains segments de marché. La valeur Tesla, sur laquelle des vendeurs à découvert ont laissé des plumes, en est un bon exemple. «Cet engouement des particuliers pour les marchés d’actions vient du fait qu’il y a beaucoup de liquidités et d’épargne, et certains de ces investisseurs ont substitué l’investissement en Bourse aux paris sportifs ou autres, décrypte Emmanuel Cau, stratégiste chez Barclays. Et tant que cela fonctionne ils continuent d’investir». C’est ce momentum positif qui explique l’ampleur des mouvements, d’autant que ce sont souvent des petites valeurs avec des flottants réduits ou des prix très faibles (pennies stocks). «Il n’y a pas pour le moment de retournement sur ces valeurs parce qu’à la moindre baisse, des investisseurs sont prêts à racheter», poursuit Emmanuel Cau.
Ces épiphénomènes, s’ils sont spectaculaires, ne concernent toutefois que certaines parties du marché, certains titres, voire des secteurs à la mode, et se limitent au marché américain, pour le moment. Le stratégiste de Barclays n’y voit pas de signe d’une surchauffe généralisée. «Il ne faut pas l’extrapoler à l’ensemble du marché. Le positionnement des investisseurs institutionnels sur les actions, même s’il s’est accru depuis novembre dernier, n’est pas excessif».
Reste à savoir quelle sera leur réaction quand ce phénomène se dégonflera. «Tant que ces investisseurs gagnent, ils risquent de continuer à acheter, estime Emmanuel Cau. Le problème est que ces positions n’ont pas encore été testées. C’est quand il y aura une baisse qu’on commencera potentiellement à voir des problèmes en cascade avec notamment les appels de marge». La correction sur les valeurs technologiques l’été dernier donne une idée de l’ampleur des mouvements. Elle était venue du rachat de positions longues sur le secteur. Mais cette fois il s’agissait d’un investisseur institutionnel : Softbank.
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Immigration clandestine : raid policier dans une usine Hyundai-LG aux Etats-Unis, près de 500 arrestations
Washington - Près de 500 personnes, dont une majorité de Sud-Coréens, ont été arrêtées par la police de l’immigration dans une usine de fabrication de batteries des groupes sud-coréens Hyundai et LG dans l’Etat de Géorgie (sud-est), soupçonnées de travailler illégalement aux Etats-Unis. Le raid, mené jeudi, résulte d’une «enquête pénale liée à des accusations de pratiques d’embauche illégales et à de graves infractions fédérales», a expliqué vendredi Steven Schrank, un agent du service d’enquêtes du ministère américain de l’Intérieur, au cours d’une conférence de presse. Il s’agit de «la plus importante opération des forces de l’ordre sur un même site de toute l’histoire du service des +Homeland Security Investigations+ (+Enquêtes sur la sécurité intérieure+)», a-t-il affirmé, s’exprimant d’Atlanta, dans l’Etat de Géorgie. Les 475 personnes arrêtées dans cette usine, située dans la ville d’Ellabell, se «trouvaient aux Etats-Unis de manière illégale» et «travaillaient illégalement», a affirmé M. Schrank, soulignant que la «majorité» d’entre elles étaient de nationalité sud-coréenne. Sollicité par l’AFP aux Etats-Unis, le constructeur automobile a répondu être «au courant du récent incident» dans cette usine, «surveiller étroitement la situation et s’employer à comprendre les circonstances spécifiques» de cette affaire. «A ce stade, nous comprenons qu’aucune des personnes détenues n'était directement employée par le groupe Hyundai», a-t-il poursuivi, assurant donner «priorité à la sécurité et au bien-être de quiconque travaille sur ce site et au respect de toutes les législations et réglementations». De son côté, LG Energy Solution a affirmé suivre «de près la situation et recueillir toutes les informations pertinentes». «Notre priorité absolue est toujours d’assurer la sécurité et le bien-être de nos employés et de nos partenaires. Nous coopérerons pleinement avec les autorités compétentes», a ajouté cette entreprise. La Corée du Sud, la quatrième économie d’Asie, est un important constructeur automobile et producteur de matériel électronique avec de nombreuses usines aux Etats-Unis. Mission diplomatique Une source proche du dossier avait annoncé quelques heures plus tôt, de Séoul, qu’"environ 300 Sud-Coréens» avaient été arrêtés pendant une opération du Service de l’immigration et des douanes américain (ICE) sur un site commun à Hyundai et LG en Géorgie. De son côté, l’agence de presse sud-coréenne Yonhap avait écrit que l’ICE avait interpellé jusqu'à 450 personnes au total. Le ministère sud-coréen des Affaires étrangères avait également fait d'état d’une descente de police sur le «site d’une usine de batteries d’une entreprise (sud-coréenne) en Géorgie». «Plusieurs ressortissants coréens ont été placés en détention», avait simplement ajouté Lee Jae-woong, le porte-parole du ministère. «Les activités économiques de nos investisseurs et les droits et intérêts légitimes de nos ressortissants ne doivent pas être injustement lésés dans le cadre de l’application de la loi américaine», avait-il poursuivi. Séoul a envoyé du personnel diplomatique sur place, avec notamment pour mission de créer un groupe de travail afin de faire face à la situation. Les autorités sud-coréennes ont également fait part à l’ambassade des Etats-Unis à Séoul «de (leur) inquiétude et de (leurs) regrets» concernant cette affaire. En juillet, la Corée du Sud s'était engagée à investir 350 milliards de dollars sur le territoire américain à la suite des menaces sur les droits de douane de Donald Trump. Celui-ci a été élu pour un second mandat en novembre 2024, en particulier sur la promesse de mettre en oeuvre le plus important programme d’expulsion d’immigrés de l’histoire de son pays. Depuis, son gouvernement cible avec la plus grande fermeté les quelque onze millions de migrants sans papiers présents aux Etats-Unis. Au prix, selon des ONG, des membres de la société civile et jusqu’aux Nations unies, de fréquentes violations des droits humains. D’Atlanta, le Bureau de l’alcool, du tabac, des armes à feu et des explosifs (ATF) a expliqué sur X avoir participé à l’arrestation d’environ 450 «étrangers en situation irrégulière» au cours d’une opération dans une usine de batteries, une coentreprise entre Hyundai et LG. Selon son site internet, Hyundai a investi 20,5 milliards de dollars depuis son entrée sur le marché américain en 1986 et compte y investir 21 milliards supplémentaires entre 2025 et 2028. L’usine d’Ellabell a été officiellement inaugurée en mars, avec l’objectif de produire jusqu'à 500.000 véhicules électriques et hybrides par an des marques Hyundai, Kia et Genesis. Elle devrait employer 8.500 personnes d’ici à 2031. © Agence France-Presse