La ruée des particuliers nourrit les excès de la Bourse

Le krach de février a ouvert la porte à de nouveaux investisseurs, souvent des millennials. De quoi fragiliser un marché en pleine incertitude.
Xavier Diaz
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En France a été constatée une forte augmentation du nombre de particuliers en Bourse.  - 

Les marchés actions sont revenus à la réalité la semaine passée. Les places boursières européennes ont abandonné entre 5,85% (FTSE 100) et 7,4% (Ibex 35), le CAC 40 cédant 6,9% sur la semaine. Wall Street se reprenait vendredi après sa chute de près de 6% jeudi, sa pire séance depuis mars, mais l’indice S&P 500 cède 4,78% sur la semaine. La volatilité a de nouveau bondi, l’indice VIX (volatilité du S&P 500) progressant de 50%, à 40 points. L’incertitude entourant la trajectoire de la reprise et de la pandémie de coronavirus rend fragile l’impressionnant rebond du marché après le mouvement de panique de février-mars. Un autre facteur risque de rendre les marchés encore plus volatils : l’arrivée en masse de nouveaux investisseurs particuliers ces derniers mois. «De plus en plus d’observateurs voient les investisseurs particuliers américains derrière le bond puis l’effondrement des actions de moins bonne qualité en l’espace de quelques jours», souligne l’équipe de recherche quantitative de Société Générale CIB.

Prévalence de comportements FOMO

Robinhood, l’un des courtiers en ligne les plus populaires outre-Atlantique, qui a enregistré 3 millions de nouveaux comptes au premier trimestre (10 millions au total avec une moyenne d’âge de 31 ans) en pleine tourmente sur les marchés, indique que 96% des lignes détenues (8.000 actions et ETF) ont été augmentées. «C’était clairement un rally vers les titres à la casse et les pennies stocks», note SG CIB. Cette ruée vers la Bourse touche principalement les millennials (génération née entre le début des années 80 et la fin des années 90), qui n’ont, pour la plupart, pas connu de krach boursier en tant qu’investisseur. «Les investisseurs les plus ‘bullish’ sont les millennials, les nouveaux venus sur le marché parmi les investisseurs retail», constate Emmanuel Cau, stratégiste actions chez Barclays. Le rally a vu les valeurs les plus vendues à découvert et les moins aimées par le marché rebondir le plus, ce qui suggère que le comportement FOMO (fear of missing out), qui consiste à acheter les actions sans tenir compte de leur valeur fondamentale par crainte de manquer une occasion, prévaut chez ces investisseurs. Ils ont acheté les titres des secteurs les plus affectés par la crise : les compagnies aériennes, les croisiéristes, les banques et l’énergie. Ces derniers ont dans un premier temps rebondi mais ont aussi enregistré de fortes chutes la semaine passée (-15% pour le secteur aérien américain le 11 juin).

Des ménages américains auraient investi les chèques reçus par l’administration (1.200 dollars) en Bourse, selon CNBC. Le taux d’épargne des ménages américains, généralement autour de 7%, n’a jamais été aussi élevé (environ 33%). Cela s’explique par des économies sur les dépenses durant le confinement mais aussi par une hausse du revenu disponible, les transferts (indemnités chômage…) ayant plus que compensé la perte de salaire, indiquent les économistes de Candriam.

Achats d’actions françaises multipliés par 4

En France également, l’AMF a constaté une forte augmentation du nombre de particuliers en Bourse. Entre le 24 février et le 3 avril, plus de 150.000 nouveaux investisseurs sont intervenus sur les valeurs appartenant à l’indice SBF 120, faisant leur entrée sur ce marché pour la première fois depuis janvier 2018, selon les derniers chiffres communiqués par le régulateur qui précise à L’Agefi que cette tendance haussière s’est poursuivie. «Au total, sur ces cinq semaines, les achats d’actions françaises par des particuliers ont été multipliés par 4 par rapport à la période équivalente en 2019, pour un montant net total de 3,5 milliards d’euros, dans un marché lui-même marqué par des volumes multipliés par 3», indique l’AMF qui ne fournit pas d’explication mais précise que leur profil est sensiblement différent de celui des investisseurs habituels tant en termes d’âge que de montants investis.

Pour Emmanuel Cau, ce nouveau segment de clientèle retail devrait rester minoritaire et si l’ensemble des investisseurs particuliers semble être plus positif sur les actions, son positionnement n’est pas globalement acheteur. Les achats des particuliers commencent à perdre de l’élan, constate SG CIB à partir des dernières données de transactions de Robinhood. «70% des actions ont vu leur détention augmenter. Les mauvaises nouvelles sur le virus et l’alerte de la Fed sur l’économie américaine ont provoqué un regain rapide d’aversion pour le risque, aussi violent que l’euphorie l’a été à la hausse». Un dur retour à la réalité.

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