
Twitter s’ouvre un avenir incertain dans les mains d’Elon Musk

Fin de l’anonymat, diminution de la publicité, liberté d’expression absolue : les idées distillées par Elon Musk ces dernières semaines à propos de Twitter pourraient totalement bouleverser le réseau social. Au point d’inquiéter les autorités politiques et d’interroger les milieux économiques.
Quelques heures après l’annonce du rachat de l’entreprise par le milliardaire américain, le commissaire européen au Marché intérieur, Thierry Breton, a ainsi prévenu que Twitter devra se conformer aux nouvelles règles européennes en cours d’adoption, quel que soit son actionnariat. Par la voix de son porte-parole, le président américain, Joe Biden, s’est dit «préoccupé par le pouvoir des grandes plateformes de réseaux sociaux».
Pas encore fait
De leur côté, les investisseurs affichent aussi leur méfiance. Si la plupart des analystes financiers ont relevé leur objectif de cours sur la valeur pour l’aligner sur l’offre d’Elon Musk, à 54,20 dollars, l’action a ouvert la séance de mardi en léger repli, à moins de 51 dollars soit 6% sous le prix proposé, pour clôturer en baisse de 3,69%, à 49,80 dollars l’action. L’agence de notation S&P Global Ratings a annoncé mardi avoir placé la note «BB+» sous surveillance avec implications négatives. Elle souligne que cette opération risque de faire augmenter le levier d’endettement du groupe au-delà de la limite de 1,5 associée à la note de crédit «BB+».
Le caractère fantasque du milliardaire pousse le marché à la prudence. En août 2018, il avait par exemple annoncé – sur Twitter – sa décision de retirer Tesla de la Bourse… sans jamais passer à l’acte. Cette fois, il détient le montant nécessaire à l’opération, en tout cas si l’on en croit la déclaration faite au gendarme de la Bourse américaine le 20 avril dernier. Mais la transaction est toujours sujette à un certain nombre de conditions et une volte-face d’Elon Musk ne peut pas être exclue.
Si elle va à son terme, l’opération pose aussi une autre question, celle du modèle économique. Elon Musk souhaite sortir l’entreprise de la Bourse, ce qui la dispensera de rendre des comptes au marché, mais pas de générer du cash. Ne serait-ce que pour rembourser les 25,5 milliards de dollars de prêts souscrits par le nouveau propriétaire auprès de plusieurs banques, dont les français BNP Paribas (pour 1,4 milliard) et Société Générale (pour 875 millions). La volonté du milliardaire de réduire la publicité sur la plateforme risquerait alors de se heurter à la dure réalité économique : aujourd’hui 90% des revenus de Twitter proviennent de cette activité.
-40% en un an
De même, sa vision absolutiste de la liberté d’expression pourrait se traduire par une moindre modération des contenus et… par une fuite des annonceurs. A l’inverse, la fin de l’anonymat que semble appeler de ses vœux Elon Musk pourrait pacifier le réseau et rassurer les marques, mais elle risquerait aussi de faire fuir une partie des 217 millions d’utilisateurs de Twitter attachés à cette discrétion qui a fait le succès de la plateforme.
En contre-champ, le flou qui entoure l’avenir du réseau social met en lumière les difficultés actuelles de l’entreprise. Son résultat net est ressorti dans le rouge l’an dernier pour la deuxième année consécutive, à -221 millions de dollars après -1,14 milliard en 2020. Depuis 2016, la croissance des ventes est poussive avec une progression moyenne de 15% par an quand Facebook a vu les siennes bondir de plus de 30% chaque année. La situation était d’ailleurs bien connue des investisseurs. Avant les annonces d’Elon Musk, l’action Twitter perdait 40% sur un an et grappillait à peine 15% en trois ans. De nombreux analystes voyaient peu de potentiel dans le titre : avant le 26 avril, UBS visait un cours de 37 dollars, Deutsche Bank 35 dollars, Stifel 39 dollars… La rapidité avec laquelle le conseil d’administration a finalement cédé aux volontés d’Elon Musk à seulement trois jours de la publication des comptes trimestriels du groupe illustre sans doute aussi sa confiance modérée dans les perspectives de Twitter.
Le retour de Jack ?
Dans les mains du milliardaire, l’avenir du réseau social n’en resterait pas moins incertain. Elon Musk va-t-il tailler dans les effectifs pour compenser des pertes de revenus publicitaires ? Ou compte-t-il sur un développement du modèle par abonnement «Twitter Blue», lancé par la société en 2021 ? On peut aussi imaginer un rapprochement avec le monde des cryptomonnaies alors que certains spéculent déjà sur un retour aux manettes de Jack Dorsey. Le cofondateur de Twitter, évincé fin 2021, ne cache pas son admiration pour Elon Musk et son attrait pour les monnaies numériques.
En attendant, une entreprise goûte peu l’énergie dépensée par son patron dans cette affaire. Le géant de l’automobile électrique, Tesla, a perdu 16% en Bourse depuis le 4 avril et la révélation de la prise de participation d’Elon Musk dans Twitter. Les investisseurs craignent que le milliardaire, par ailleurs propriétaire du lanceur SpaceX, se disperse au détriment de l’entreprise qui a fait sa fortune. Le financement de l’opération, gagé pour 12,5 milliards de dollars sur des actions Tesla, n’est pas non plus de nature à les rassurer. Le petit oiseau bleu n’a décidément pas fini de faire trembler les géants de ce monde.
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