L’océan, dernière frontière : enjeux et solutions pour préserver notre planète bleue

Yannick Ouaknine, responsable de la recherche ESG, et Virgile Haddad, analyste sénior, recherche actions, chez Bernstein Societe Generale Group, dressent pour L’Agefi, les pistes envisageables pour ne pas dégrader davantage les océans.
Yannick Ouaknine et Virgile Haddad, Bernstein Societe Generale Group
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Longtemps considérés comme des remparts face aux effets du changement climatique, nos océans – qui couvrent 70 % de la surface de la Terre – se trouvent aujourd’hui au bord d’un point de bascule. Ils absorbent 25 % du CO₂ d’origine humaine et 90 % de l’excès de chaleur généré par nos activités, mais cet amortisseur naturel paie un lourd tribut. Les températures océaniques augmentent désormais 3 à 6 fois plus rapidement qu’en 1970, tandis que la fréquence des vagues de chaleur marines a connu une hausse de plus de 50 % en 30 ans. Parallèlement, l’acidification des océans, 26 % supérieure aux niveaux préindustriels, risque de doubler d’ici la fin du siècle selon le GIEC. Le niveau des mers s’élève de 3,6 mm par an, submergeant les côtes, dégradant les habitats littoraux et forçant le déplacement de millions de personnes. La désoxygénation, liée aux températures en hausse, étouffe quant à elle la vie marine en favorisant la prolifération d’algues toxiques.

Pourtant, l’urgence environnementale offre une opportunité historique. La préservation des océans est désormais une priorité stratégique moderne, portée par des événements internationaux majeurs comme la conférence des Nations Unies sur les Océans à Nice en juin 2025, le One Ocean Science Congress et les discussions du G20 sur la biodiversité marine. L’enjeu est clair : protéger, adapter et innover pour préserver l’écosystème le plus vital de la Terre.

De l’atténuation à l’adaptation : un virage stratégique

Jusqu’à présent, les politiques climatiques se concentraient sur l’atténuation des effets du changement climatique en agissant sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Mais face aux défis actuels, l’adaptation apparaît comme une nécessité inévitable.

Chaque dollar investi dans l’adaptation rapporte entre 2 et 15 dollars de bénéfice économique, générant des retombées positives pour les territoires et l’économie. Le défi réside désormais dans la diffusion à grande échelle de solutions éprouvées, transformant l’urgence climatique en une opportunité de résilience et d’innovation.

La nature, alliée et non simple ressource

Les solutions « basées sur la nature » offrent un fort levier d’impact à faible coût. Qu’il s’agisse de créer des aires marines protégées, de restaurer des récifs ou de développer une aquaculture durable, ces initiatives s’appuient sur la capacité des écosystèmes à se régénérer naturellement. Miser sur la résilience écologique est la voie la plus sûre vers une stabilité à long terme.

Agir globalement, impliquer localement

Si le changement climatique est un phénomène planétaire, ses effets se ressentent d’abord au niveau local, en particulier dans les zones vulnérables. Les communautés littorales, les peuples autochtones et les États insulaires, souvent les premiers touchés, détiennent des connaissances ancestrales indispensables.

Une transition juste et efficace doit être à la fois globale et territorialisée, combinant technologies modernes et savoir-faire local. La mobilisation de ces acteurs permet de concevoir des stratégies adaptées aux réalités concrètes du terrain et de garantir un développement inclusif.

22 leviers pour préserver nos systèmes bleus

Dans notre rapport « Waterworld Part II » publié en ce début d’année, nous identifions 22 stratégies concrètes pour adapter les systèmes hydriques et protéger indirectement les océans, dont voici cinq points saillants :

Restaurer les zones humides et les mangroves : Ces écosystèmes jouent un rôle crucial en tant que boucliers naturels contre les tempêtes. Bien qu’ils ne couvrent qu’une faible part de la surface terrestre (moins de 5 % aux États-Unis par exemple), ils abritent 70 % des espèces vertébrées et peuvent éliminer jusqu’à 80 % des polluants des cours d’eau. Leur mise en place, grâce à une planification rigoureuse et une coordination multi-acteurs, atténue les inondations, limite la sécheresse et améliore la qualité de l’eau.

Mettre en place des systèmes d’alerte précoce dans les zones côtières à risque : Les systèmes multi-alarmes (MHEWS) détectent et anticipent divers risques climatiques, permettant de réduire les dégâts pouvant atteindre 30 % en cas d’alerte 24 heures à l’avance. Un investissement mondial de 3 milliards de dollars, avec un retour sur investissement dix fois supérieur, permettrait d’assurer une prévention efficace des catastrophes et de sauver des vies.

Moderniser les infrastructures urbaines pour éviter la pollution des littoraux : Près de 80 % des eaux usées ne sont pas traitées, menaçant la qualité des milieux côtiers. La modernisation des infrastructures – via le recyclage et la réutilisation des eaux usées – permettrait d’économiser cette ressource vitale, d’améliorer la santé publique et de restaurer les écosystèmes fragilisés par la pollution.

Réhabiliter les rivières pour améliorer la qualité de l’eau douce en mer : Les rivières, modifiées pour la navigation et l’industrie, nécessitent aujourd’hui un rééquilibrage écologique. La suppression de barrages obsolètes, la restauration de réseaux fluviaux et la ré-naturalisation des habitats offrent des bénéfices multiples : connectivité écologique renforcée, réduction des inondations et amélioration de la qualité de l’eau.

Planifier un usage du sol respectueux de l’eau pour limiter l’érosion et l’eutrophisation : La gestion durable des terres, par des stratégies telles que la recharge gérée des aquifères (RGA) et l’utilisation de pavés perméables, permet de préserver les eaux souterraines qui représentent 99 % de l’eau liquide sur Terre. Cette approche intégrée protège contre l’érosion et assure un approvisionnement durable pour l’irrigation et l’usage domestique.

Certaines entreprises internationales sont positionnées sur ces solutions d’adaptation. Au sein de la recherche actions Bernstein, nous en présentons 79 dans un panier de valeurs baptisé « Climate-proofing Water Systems ».

À l’horizon bleu : un engagement collectif

2025 marque une étape décisive. La science est limpide, les solutions existent et l’heure est venue de passer de la théorie à l’action. Il nous faut du courage politique, des investissements stratégiques et une mobilisation collective sans précédent. La préservation des océans n’est plus un simple enjeu environnemental, mais une condition sine qua non de notre survie et de celle des générations futures. Et nous avons les moyens d’être à la hauteur de ce défi planétaire.

Sources:

  • Bernstein Research, Waterworld Part II, Février 2025
  • GIEC, 6e rapport d’évaluation
  • UN-Water, 2024
  • Stockholm Resilience Centre, 2023

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