L’OCDE regrette une reprise économique trop inégale

Fabrice Anselmi
OCDE, siège Paris
 -  Hervé Cortinat

La reprise est là : après une récession historique en 2020, qui a vu l’économie mondiale se contracter de 3,5%, l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) a relevé ses prévisions lundi. Elle pronostique désormais une hausse du PIB de +5,8% en 2021, alors qu’elle n’attendait «que» +5,6% lors de ses dernières prévisions en mars, et une croissance de +4,4% (au lieu de +4%) en 2022, année qui devrait voir la plupart des économies retrouver leur niveau de 2019.

«Les gouvernements ont administré près de 2 milliards de doses de vaccins» et «jamais lors d’une crise on n’aura vu des politiques publiques aussi rapides et efficaces, que ce soit en matière de santé, de développement d’un vaccin ou sur le plan monétaire, budgétaire ou financier», a expliqué Laurence Boone, chef économiste de l’institution, en insistant sur le caractère extraordinaire de la crise comme de la reprise.

Rebond plus marqué en France

Hausse de la production manufacturière, forte reprise du commerce mondial de marchandises, rebond de la consommation post-confinement : nombre de signaux sont au vert. Globalement, cela amène l’institution à réduire de moitié - à 3.000 milliards de dollars quand même - l’écart au potentiel de PIB (output gap) mondial par rapport à la trajectoire prépandémique fin 2022. Mais «il y a trop peu de coopération internationale et le résultat, c’est que les perspectives de reprise sont trop inégales», a regretté le secrétaire général sortant de l’OCDE, Angel Gurria. La croissance projetée est dès cette année de +8,5% en Chine et +6,9% aux Etats-Unis, deux pays qui ont déjà retrouvé leur niveau prépandémique, mais de seulement +2,6% au Japon ou de +3,3% en Allemagne. La France devrait connaître un rebond de +5,8% en 2021 selon l’OCDE, supérieur à la prévision du gouvernement (5%), après une chute de -8% en 2020.

Pour la plupart des pays, le retour au niveau de revenu par habitant prépandémique prendra entre un an et un an et demi, mais pour une dizaine de pays, il pourrait prendre entre trois et cinq ans ou plus : Argentine, Afrique du Sud, Arabie Saoudite, Mexique, Islande, Espagne, Costa Rica, etc.

Tout en se félicitant de la vigueur de la reprise, l’OCDE s’inquiète de la persistance de «vents contraires», en particulier de la vaccination contre le Covid-19 trop lente dans les pays pauvres où peuvent émerger de nouveaux variants. De nouveaux reconfinements lamineraient la «confiance» dans une reprise durable, et nombre d’entreprises, «bien protégées jusque-là mais souvent lestées d’une forte dette, pourraient faire faillite», a aussi prévenu Laurence Boone.

L’économiste a relevé que la reprise peut être très rapide (production, retail, etc.), en dehors des activités liées au tourisme et aux loisirs, aux Etats-Unis mais également dans certains pays en Europe désormais que la vaccination avance. Avec une accélération des vaccinations, et selon le niveau de dépense de l’épargne accumulée en 2020, le «rattrapage» pourrait être plus rapide encore en 2022. Cela implique notamment d’aider les pays pauvres dans leur accès plus rapide à la vaccination, en particulier par la distribution et la production (la libération des brevets n’aurait pas vraiment d’effet à court terme).

Risque d’inflation

Autre risque majeur, à la baisse en revanche : la nervosité des marchés financiers, prompts à s’alarmer des poussées inflationnistes observées qui, selon l’Organisation internationale, sont un phénomène temporaire lié au rattrapage économique en 2021. Si les marchés se mettent eux à parier sur une inflation durable, ils pourraient faire monter les taux d’intérêt, de quoi compromettre la reprise, analyse encore, vigilante, Laurence Boone.

L’économiste a conclu sur les politiques de soutien public : dans la plupart des pays, il est temps de passer à des soutiens plus ciblés (jeunes et personnes peu qualifiées, entreprises viables…) et de meilleure qualité, avant d’envisager ensuite une troisième phase, qui les amènera à maintenir une politique budgétaire forte pour assurer les transitions nécessaires dans les domaines de la santé, l’éducation, la digitalisation et la transition climatique. Tout en adoptant des politiques fiscales à même de diminuer les inégalités au sein des pays, politiques fiscales qui seraient soutenues par l’harmonisation actuellement négociée par l’OCDE avec plus d’une centaine de pays.

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