
L’Italie pourrait retarder la réforme du Mécanisme européen de stabilité

La signature de la réforme du traité du Mécanisme européen de stabilité (MES) n’est pas nécessaire en décembre. Elle pourrait avoir lieu un ou deux mois plus tard», a déclaré lundi un responsable européen, admettant que ce ne serait pas la meilleure option, mais ouvrant aussi la voie à une discussion avec l’Italie. Le principe de cette réforme avait pourtant été entériné en juin par les ministres des Finances de la zone euro, dont le ministre italien Giovanni Tria, qui représentait alors la coalition Ligue-Mouvement 5 Étoiles (M5S), laquelle n’avait rien trouvé à redire. L’Eurogroupe qui se réunit aujourd’hui devait théoriquement finaliser le projet, qui impose une modification au Traité de création du MES, avant que le Conseil de l’Union européenne (UE) ne l’entérine les 12-13 décembre, sachant que chaque pays peut mettre son veto, et que, pour entrer en vigueur, ce texte doit être ratifié par les Parlements des 19 Etats membres concernés – le 11 décembre pour l’Italie.
Réforme inchangée
Or la Ligue «euro-sceptique» de Matteo Salvini a, début novembre, saisi cette réforme pour remonter au front, argumentant que l’Italie perdrait de sa souveraineté, et craignant que la simple évocation d’une procédure de restructuration des dettes souveraines facilitée par cette réforme amène les investisseurs à juger cette éventualité probable, ce qui ferait grimper les spreads des pays plus endettés... Face au risque politique d’être complaisant avec l’Europe, le M5S s’est désolidarisé du Parti démocrate (PD) avec qui il forme une coalition depuis août, et, après avoir menacé d’un veto, a conditionné la ratification à l’avancée d’autres mesures, comme sur l’Union bancaire - avec la création du système européen de garantie des dépôts (EDIS) que les Allemands refusent depuis 2015 – ou sur le budget de la zone euro (BICC). Une réponse au ministre des Finances Olaf Scholz qui, début novembre, proposait une inflexion de la position allemande sur l’EDIS à certaines conditions, notamment de limite de détention par les banques de titres souverains, ce qui visait en particulier les italiennes…
La réforme initiée fin 2018 doit renforcer les capacités du MES en cas de crise financière, a rappelé mardi son directeur général Klaus Regling lors d’une conférence à Luxembourg. Ainsi, elle prévoit que le MES devienne le fournisseur du dispositif de soutien commun («common backstop») pour le Fonds de résolution unique (SRF) que gère le Conseil sur les résolutions bancaires (SRB) dans l’UE, et que son rôle soit renforcé : pour la surveillance économique des pays en difficulté dans le cadre d’une coopération avec la Commission européenne (CE) afin que les deux institutions travaillent ensemble en aval (et aussi en amont) des restructurations ; également pour décider de l’éligibilité à la ligne de crédit «de précaution» pour les pays de la zone euro (enhanced conditions credit line, ECCL) ; et si nécessaire comme intermédiaire-facilitateur entre le pays en difficulté et les investisseurs privés lors des processus de restructuration (PSI).
La réforme introduirait aussi des clauses d’action collective (CAC) avec «agrégation unique» (single limb aggregation), c’est-à-dire avec un vote collectif (à une majorité qualifiée) des créanciers obligataires pour adopter une résolution contraignante pour toutes les obligations, et non plus par séries d’obligations comme aujourd’hui, afin de limiter les comportements «parasites» de certains hedge funds.
«Rien n’a changé depuis juin, il n’y a aucun sujet de controverse, à la différence d’autres dossiers comme l’EDIS qui prendront plus de temps. Le problème de l’Italie n’est pas sa dette, stable et qui n’a jamais bloqué son accès au marché même au plus haut de la crise, mais sa croissance», a jugé Klaus Regling. «Les différends entre le PD et le M5S semblent sans fondement. Et les conditions – critiquées – d’accès à l’ECCL ont toujours été prévues, note Marco Protopapa, économiste chez JPMorgan. Une partie de la confusion semble liée à une proposition antérieure, qui aurait imposé une restructuration des pays ne respectant pas les règles budgétaires (…). Un tel changement aurait eu un effet perturbateur, comme l’accord de Deauville sur la Grèce qui avait déclenché la crise de la zone euro.» Mais l’ancien ministre Giovanni Tria était parvenu à supprimer cette référence dans le projet.
Les analystes estiment que les dirigeants italiens n’iront pas au clash avec leurs partenaires européens, ni entre eux pour des raisons politiques et techniques, et tenteront de négocier des amendements mineurs pour sauver la face «contestataire» du M5S.
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