
L’Italie entame une nouvelle période budgétaire à risques

Loin des promesses électorales formulées voici un an, la présidente du Conseil italien, Giorgia Meloni, devrait se résigner à adopter un budget de rigueur d’ici à la fin du mois. Le 1er septembre, l’organisme de statistique italien Istat a publié un PIB en contraction de 0,4% au deuxième trimestre, une déception après la croissance de 0,6% enregistrée au premier trimestre. De quoi souligner la sensibilité de l’économie italienne à la hausse des taux de la Banque centrale européenne (BCE) après la résilience du début d’année. Outre une consommation privée en hausse de 0,7% en rythme trimestriel et une balance commerciale stable, la consommation publique a baissé de 1,6% après avoir augmenté de 1,7% au premier trimestre, de même que les investissements permettant la constitution de capital fixe (-1,8% après -0,8%).
«Les révisions de plusieurs autres chiffres ont fini par produire un récit différent de la performance de l’économie de l’Italie au cours des derniers trimestres, en particulier en ce qui concerne l’activité d’investissement (…). [Celle-ci] a été le moteur du PIB italien, aidée par des fonds européens massifs, mais si elle cesse de contribuer, la croissance de l’économie italienne risque de tomber comme un vélo à l’arrêt», interprète l’économiste Lorenzo Codogno (LC-Macro Advisors). Il pointe la fin du «superbonus», cette subvention incitative à la rénovation énergétique des habitations qui coûtera encore à l’Etat cette année, et un écart qui se creuse à nouveau avec la zone euro dans la constitution de capital fixe. Le déflateur du PIB est aussi décevant (3,8% plutôt que 4,6% attendu), ce qui signifie un écart avec l’inflation mesurée qui devient à nouveau important et négatif pour les comptes publics.
Plus de dépenses, moins de croissance
Après une révision du déficit à 8% du PIB en 2022 à cause de la nouvelle réglementation européenne sur les crédits d’impôt, l’Italie risque de dépasser l’objectif fixé à 4,5% du PIB en 2023 pour atterrir autour de 5%. L’objectif de déficit à 3,7% du PIB en 2024 serait aussi menacé, selon les sources gouvernementales citées par les agences de presse. Juillet a été le premier mois d’amélioration du solde budgétaire (+16 milliards d’euros pour -79 milliards cumulés depuis janvier), grâce à une forte diminution du bouclier énergétique et à l’allocation d’une «subvention» liée à la facilité européenne NextGen EU attendue depuis mars. Mais cela ne devrait pas suffire à inverser la tendance, liée notamment à la revalorisation des pensions face à l’inflation, alors que la suspension du Pacte de stabilité européen devrait prendre fin en décembre. L’écart entre les taux à 10 ans italiens (BTP) et allemands (Bund), qui s’est situé au-dessous de 170 pb une large partie de l’été, est donc remonté autour de 175 pb depuis fin août.
Faute de rentrées fiscales abondantes avec ce ralentissement de l’économie, la cheffe du gouvernement italien devrait arrêter un budget 2024 resserré. La coalition a ainsi parlé de raboter le «revenu de citoyenneté» destiné aux ménages à faible revenu, d’instaurer une taxe sur les superprofits des banques – cette annonce sans préavis au milieu de l’été aurait été plutôt mal perçue du côté de la BCE –, et de lancer de nouvelles privatisations. La promesse d’étendre aux salariés l’impôt forfaitaire (flat tax) de 15% accordé aux auto-entrepreneurs disposant de revenus annuels inférieurs à 85.000 euros a été repoussée, tout comme l’assouplissement de la loi Fornero de 2011 fixant l’âge de départ à la retraite à 67 ans. Le gouvernement devrait cependant reconduire la baisse de la charge fiscale pesant sur les revenus modestes, pour un coût d’environ 10 milliards d’euros, et instaurer des soutiens pour les familles nombreuses.
L’effet de ces décisions doit encore être évalué dans le Document d’économie et de finance (DEF) qui établira le 27 septembre les projections économiques du Trésor pour 2024. Le gouvernement, dont le ministre de l’Economie Giancarlo Giorgetti a réitéré fin août la volonté de diminuer la dette, pourrait prendre de nouvelles mesures pour limiter les écarts par rapport aux objectifs de déficit. «Le projet de loi de finances pour 2024 deviendra un test encore plus important pour vérifier le respect par le gouvernement actuel de la discipline budgétaire, estime Marco Protopapa, analyste chez JPMorgan. Le manque de ressources supplémentaires pour des mesures phares pourrait intensifier le bruit politique dans les prochaines semaines.»
A lire aussi: L’Italie n’est pas encore sortie de l’accord avec la Chine
Plus d'articles du même thème
-
La semaine prochaine, le marché attendra l'emploi américain sous la menace du «shutdown»
Une paralysie budgétaire des Etats-Unis à partir de dimanche pourrait empêcher la publication de statistiques clés. -
Budgets, inflation, IA : le recap’ de la semaine
La hausse des prix a ralenti en zone euro, la France a présenté son budget 2024, le Crédit Agricole a racheté Worklife et TotalEnergies a tenu sa journée investisseurs : l’essentiel de l’actualité économique et financière cette semaine. -
L’inflation tombe à un plus bas de deux ans en zone euro
La Banque centrale européenne pourrait être rassurée si l’inflation sous-jacente continuait à se normaliser dans les prochains mois.
Sujets d'actualité
ETF à la Une

LGIM lance un ETF sur les meilleures marques au monde
- Aucune banque française ne figure parmi les 40 marques européennes les plus valorisées
- L’étau se resserre autour de la fiscalité du patrimoine
- Rattrapé par des suspicions sur Credit Suisse, UBS décroche en Bourse
- ADP, Vinci et Eiffage affichent leur confiance face à la menace de surtaxe
- Coty entrera jeudi à la Bourse de Paris
Contenu de nos partenaires
-
A boulets rouges
Sophie Binet déclare la guerre aux patrons
La nouvelle secrétaire générale de la CGT joue le rapport de force face aux chefs d'entreprise tant dans les réunions ministérielles que sur les piquets de grève -
Activisme
Sophie Binet (CGT): «Faire peur aux patrons les incite à négocier davantage»
La secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet explique son rapport aux patrons et sa vision d'un pays soumis selon elle à un « néolibéralisme économique autoritaire » – un positionnement de combat -
Forteresse
Le RN fait son retour au Sénat, dominé par la droite
Si la majorité de droite reste solide au sein de la Haute assemblée, le scrutin a été marqué par la progression du RN, et d'Horizons, la formation d'Edouard Philippe