L’industrie des produits dérivés veut limiter les risques liés aux appels de marge

L’association des entités opérant sur les marchés de dérivés propose de créer une facilité pour convertir les garanties éligibles en espèces.
Fabrice Anselmi

Liz Truss a démissionné mais les difficultés subsistent. La crise de liquidité rencontrée après son «mini-budget» par les fonds de pension britanniques qui couvrent leur gestion actif-passif (LDI, liability-driven investment) ne restera pas sans lendemain. Mercredi, l’association des entités opérant sur les marchés de dérivés (International Swaps and Derivatives Association, Isda) a appelé à créer une facilité qui permettrait aux fonds de pension concernés de convertir plus facilement leurs garanties financières (collateral) en espèces afin de répondre aux appels de marge des chambres de compensation centralisée (CCP).

Depuis plusieurs années en prise aux taux bas, les fonds LDI qui se couvrent via des swaps étaient positionnés «long duration» pour leur actif, et donc couverts en parallèle contre une baisse des taux dangereuse pour leur passif (plus court). Avec une hausse trop rapide des taux longs fin septembre-début octobre, et un levier estimé à 500 milliards de livres en notionnel, les appels de marge variables ont risqué de placer les fonds LDI en situation de défaut. A moins de trouver dans l’urgence les liquidités auprès des régimes de retraites clients, ou de vendre des actifs prétendument liquides comme les bons du Trésor britanniques (Gilts) avec des effets en chaîne sur les taux, ce qui a précipité les interventions de la Banque d’Angleterre (BoE).

Dans ce contexte, le document de l’Isda répondant à la préoccupation européenne de promouvoir la compensation en euros post-Brexit propose d’élargir la compensation centralisée aux régimes de retraite (pension scheme arrangements, PSA) en créant une facilité permettant de convertir leur collateral en actifs de haute qualité (HQLA) en espèces : «Le principal obstacle à la compensation des PSA reste le manque de liquidités à afficher en tant que marge variable dans des conditions de marché tendues (…). Ces actifs HQLA peuvent (comme au Royaume-Uni, ndlr) perdre leur caractère liquide en période de volatilité et limiter les capacités à répondre aux appels de marge», justifie l’organisme. En mars 2020, les PSA européens avaient répondu aux demandes de garanties en rappelant leurs parts alors assez liquides dans les fonds monétaires, mais «les taux d’intérêt ayant désormais tendance à augmenter, la plupart des garanties mises en place auront été restituées. Si une autre crise frappe, ils auront probablement du mal à trouver des liquidités pour répondre aux appels de marge», poursuit l’Isda. Un service soutenu par la banque centrale pour la transformation des garanties encouragerait le «buy-side» à se tourner vers la compensation centralisée, et rassurerait les fonds de pension (notamment néerlandais) quant à leur adaptation à la compensation obligatoire en juin 2023 (suite à l’extension adoptée en mai 2021).

Réponse insuffisante ?

Un rapport de la Commission européenne (CE) indique que les compagnies d’assurance et les fonds de pension européens avaient dû verser 50 milliards d’euros supplémentaires en appels de marge à leurs contreparties en mars 2020, alors qu’ils n’étaient pas encore tenus à la compensation centralisée, et pouvaient déposer des obligations pour répondre aux appels de marge sur les dérivés non compensés, reportant le risque de liquidité sur leurs contreparties. «Si les PSA avaient été compensés à l’époque, ils auraient dû trouver des quantités importantes de liquidités pour financer les appels de marge via le marché des mises en pensions (repo)», ajoute l’Isda.

Si la proposition est intéressante, elle ne répondrait pas directement à une préoccupation plus large réexprimée à nouveau dans les jours qui ont suivi le fiasco britannique par certains spécialistes, qui ont dénoncé les problèmes induits par la compensation centralisée des dérivés. Avant 2011, la plupart des dérivés de taux étaient négociés de banque à banque, et compensés (ou pas) également de façon bilatérale. Depuis, les réformes comme le réglement Emir en Europe ont progressivement imposé de compenser les transactions. Les CCP ont alors compensé toujours plus de transactions, et auraient re-développé des pratiques dites de «compression des trades», un mécanisme pré-compensation qui vise à diminuer le nombre de flux entre de multiples contreparties autour de swaps similaires. Si elles permettent alors en théorie de simplifier le marché en réduisant les marges initiales (IM) et en appelant que des marges variables nettes des différentes contreparties, ces opérations aboutiraient à augmenter considérablement les montants concernés, et donc à réduire proportionnellement les coussins de capital, dénonce par exemple une récente tribune de Russell Clark, ancien directeur des investissements de Horseman Capital, parue dans le FT. D’autres professionnels ont plutôt regretté les coûts de structure de la compensation centralisée, ce qui semble le prix à payer pour un système plus robuste.

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