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L’industrie de la défense européenne a le vent en poupe

L’accroissement des menaces régionales pose de nouveaux défis en matière de sécurité. Le constat fait l’unanimité : l’Europe doit se préparer, à l’horizon 2035, à pouvoir faire face à une guerre conventionnelle de haute intensité. Le possible retour de Donald Trump à la Maison-Blanche encourage les Européens à agir vite et de façon coordonnée car ils ont pris conscience qu’ils devront être en mesure d’assurer seuls leur sécurité. Il est donc essentiel que l’industrie européenne investisse dans de nouvelles capacités et se tienne prête d’ici à dix ans à passer à un modèle économique de «temps de guerre». C’est un véritable changement de paradigme.
Depuis 1990, les dépenses sociales ont englouti les dividendes de la paix. Les Européens ont de facto préféré le «beurre» aux «canons» (1). Une évolution semble inévitable, particulièrement au regard du financement nécessaire des dépenses liées à la transition énergétique.
Pour autant, l’Europe réinvestit dans sa défense depuis 2014, année marquée par l’annexion de la Crimée par la Russie. Les pays européens ont sensiblement accru leurs dépenses en volume : Allemagne +44%, France +15%, Italie +37%, Espagne +58%, Pays-Bas +75%. Malgré cet effort notable des grands Etats membres, leur rattrapage reste inachevé et leurs dépenses de défense comprises entre 1,3% et 1,6% du PIB. La France fait exception (2% du PIB), en raison de sa puissante industrie de défense, et l’Allemagne poursuit ses efforts afin d’atteindre la cible de 2% cette année. Treize autres Etats membres consacraient autour de 2% de leur PIB aux dépenses de défense en 2023. Par ailleurs, l’UE a atteint le seuil de 20% des dépenses de défense consacrées à l’investissement (autre objectif de l’Otan) en 2021, avec 19 pays à l’objectif contre 9 en 2017.
Le respect des objectifs de l’Otan nécessite des efforts supplémentaires alors même que les pays européens doivent investir dans la transformation de leurs économies, tout en assainissant leurs finances publiques. La détérioration des finances publiques dans la plupart des pays rend la tâche ardue, la charge d’intérêts de leur dette grimpant avec la hausse des taux d’intérêt. L’arbitrage entre les dépenses militaires et les autres dépenses publiques risque de se poser. Des financements privés devront donc être trouvés.
Nouvelle stratégie industrielle
Lors du sommet européen des 21-22 mars, les chefs d’Etat se sont dits déterminés à renforcer la base technologique et industrielle, en mettant en œuvre rapidement la stratégie industrielle de défense européenne (EDIS) présentée par la Commission au début du mois de mars. Au menu, on trouve notamment une augmentation substantielle des dépenses de défense, des investissements conjoints, un meilleur accès aux financements publics et privés. Le Conseil et la Commission doivent étudier toutes les possibilités pour mobiliser des fonds et remettre leurs conclusions en juin.
L’objectif est d’inverser la tendance récente et de produire davantage en Europe. Entre début 2022 et juin 2023, 78% des acquisitions de défense par les Etats membres de l’UE ont été effectuées en dehors de l’UE, les Etats-Unis représentant à eux seuls 63% de cette part. Il est désormais prévu que les Etats achètent leurs équipements en matière de défense au sein de l’UE à hauteur de 50% d’ici à 2030 et à hauteur de 60% d’ici à 2035.
Budgets à contribution
En ce qui concerne les financements, l’utilisation des bénéfices exceptionnels des avoirs russes gelés devrait permettre, à court terme, d’acheter conjointement des équipements militaires pour l’Ukraine. Mais à moyen terme, il faut mobiliser d’autres sources de financements et les budgets seront aussi mis à contribution. Dans le cadre financier du prochain pluriannuel (à compter de 2028), une enveloppe financière ambitieuse devra être affectée à la défense.
Il est intéressant de noter qu’un effort particulier sera fait pour assurer le financement des PME qui jouent un rôle crucial dans les technologies de rupture et d’innovation en matière de défense. On attend désormais les mesures concrètes. Last but not least, les Européens rappellent que les investissements en matière de défense visant à la paix ne contreviennent pas aux facteurs de gouvernance environnementale et sociale (ESG). Aucune règle prévue par l’UE n’entrave l’investissement privé dans l’industrie de la défense.
Le nerf de la guerre se situe plutôt du côté de la mobilisation de nouvelles sources de financement.
(1) Pour reprendre le fameux arbitrage «Guns vs. Butter» en matière de dépenses publiques.
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Immigration clandestine : raid policier dans une usine Hyundai-LG aux Etats-Unis, près de 500 arrestations
Washington - Près de 500 personnes, dont une majorité de Sud-Coréens, ont été arrêtées par la police de l’immigration dans une usine de fabrication de batteries des groupes sud-coréens Hyundai et LG dans l’Etat de Géorgie (sud-est), soupçonnées de travailler illégalement aux Etats-Unis. Le raid, mené jeudi, résulte d’une «enquête pénale liée à des accusations de pratiques d’embauche illégales et à de graves infractions fédérales», a expliqué vendredi Steven Schrank, un agent du service d’enquêtes du ministère américain de l’Intérieur, au cours d’une conférence de presse. Il s’agit de «la plus importante opération des forces de l’ordre sur un même site de toute l’histoire du service des +Homeland Security Investigations+ (+Enquêtes sur la sécurité intérieure+)», a-t-il affirmé, s’exprimant d’Atlanta, dans l’Etat de Géorgie. Les 475 personnes arrêtées dans cette usine, située dans la ville d’Ellabell, se «trouvaient aux Etats-Unis de manière illégale» et «travaillaient illégalement», a affirmé M. Schrank, soulignant que la «majorité» d’entre elles étaient de nationalité sud-coréenne. Sollicité par l’AFP aux Etats-Unis, le constructeur automobile a répondu être «au courant du récent incident» dans cette usine, «surveiller étroitement la situation et s’employer à comprendre les circonstances spécifiques» de cette affaire. «A ce stade, nous comprenons qu’aucune des personnes détenues n'était directement employée par le groupe Hyundai», a-t-il poursuivi, assurant donner «priorité à la sécurité et au bien-être de quiconque travaille sur ce site et au respect de toutes les législations et réglementations». De son côté, LG Energy Solution a affirmé suivre «de près la situation et recueillir toutes les informations pertinentes». «Notre priorité absolue est toujours d’assurer la sécurité et le bien-être de nos employés et de nos partenaires. Nous coopérerons pleinement avec les autorités compétentes», a ajouté cette entreprise. La Corée du Sud, la quatrième économie d’Asie, est un important constructeur automobile et producteur de matériel électronique avec de nombreuses usines aux Etats-Unis. Mission diplomatique Une source proche du dossier avait annoncé quelques heures plus tôt, de Séoul, qu’"environ 300 Sud-Coréens» avaient été arrêtés pendant une opération du Service de l’immigration et des douanes américain (ICE) sur un site commun à Hyundai et LG en Géorgie. De son côté, l’agence de presse sud-coréenne Yonhap avait écrit que l’ICE avait interpellé jusqu'à 450 personnes au total. Le ministère sud-coréen des Affaires étrangères avait également fait d'état d’une descente de police sur le «site d’une usine de batteries d’une entreprise (sud-coréenne) en Géorgie». «Plusieurs ressortissants coréens ont été placés en détention», avait simplement ajouté Lee Jae-woong, le porte-parole du ministère. «Les activités économiques de nos investisseurs et les droits et intérêts légitimes de nos ressortissants ne doivent pas être injustement lésés dans le cadre de l’application de la loi américaine», avait-il poursuivi. Séoul a envoyé du personnel diplomatique sur place, avec notamment pour mission de créer un groupe de travail afin de faire face à la situation. Les autorités sud-coréennes ont également fait part à l’ambassade des Etats-Unis à Séoul «de (leur) inquiétude et de (leurs) regrets» concernant cette affaire. En juillet, la Corée du Sud s'était engagée à investir 350 milliards de dollars sur le territoire américain à la suite des menaces sur les droits de douane de Donald Trump. Celui-ci a été élu pour un second mandat en novembre 2024, en particulier sur la promesse de mettre en oeuvre le plus important programme d’expulsion d’immigrés de l’histoire de son pays. Depuis, son gouvernement cible avec la plus grande fermeté les quelque onze millions de migrants sans papiers présents aux Etats-Unis. Au prix, selon des ONG, des membres de la société civile et jusqu’aux Nations unies, de fréquentes violations des droits humains. D’Atlanta, le Bureau de l’alcool, du tabac, des armes à feu et des explosifs (ATF) a expliqué sur X avoir participé à l’arrestation d’environ 450 «étrangers en situation irrégulière» au cours d’une opération dans une usine de batteries, une coentreprise entre Hyundai et LG. Selon son site internet, Hyundai a investi 20,5 milliards de dollars depuis son entrée sur le marché américain en 1986 et compte y investir 21 milliards supplémentaires entre 2025 et 2028. L’usine d’Ellabell a été officiellement inaugurée en mars, avec l’objectif de produire jusqu'à 500.000 véhicules électriques et hybrides par an des marques Hyundai, Kia et Genesis. Elle devrait employer 8.500 personnes d’ici à 2031. © Agence France-Presse