L’incertitude liée à l’excès d'épargne en Chine

Michala Marcussen, chef économiste du groupe Société Générale, analyse les impacts possibles de l'épargne des ménages chinois sur l'économie.
Chef économiste de la Société Générale
Michala Marcussen, Chef Economiste du groupe Société Générale
Michala Marcussen, chef économiste du groupe Société Générale  - 

Pendant la période de la pandémie, les ménages chinois ont constitué des bas de laine, les mesures de confinement limitant leurs possibilités de dépense, ce qui a entraîné une épargne «excédentaire» forcée et importante. Celle-ci joue un grand rôle dans l'évolution actuelle de l’inflation, car son déblocage entraîne une forte demande et la hausse des prix. Parallèlement, cette épargne a permis aux ménages d’amortir les chocs inflationnistes, ce qui a protégé les bénéfices des entreprises.

Avec la fin de la politique de taux d’intérêt zéro, l’attention se porte désormais sur la manière dont la Chine peut influencer l'économie mondiale. Un examen rapide des dépôts des ménages chinois suggère un «excès» d'épargne d’environ 10% du PIB, mais ce chiffre mérite d'être nuancé. Environ la moitié de ce chiffre peut être attribuée à une réaffectation de l'épargne, notamment en raison de la baisse des ventes de logements. Pour le restant, la question se pose de savoir quelle part les ménages mettront de côté pour compenser la baisse de la valorisation de leur patrimoine immobilier. Contrairement aux ménages américains et européens, les ménages chinois ont vu la valeur de leurs biens immobiliers diminuer ces dernières années. Enfin, comme cela a été le cas ailleurs, une question de répartition se pose, l'épargne «excédentaire» étant probablement concentrée sur les ménages à revenu élevé.

L'économie chinoise connaît un regain d’activité grâce à la réouverture de l'économie. Les dernières données mensuelles font état d’une forte progression des ventes au détail et d’une reprise des investissements, les gouvernements locaux augmentant leurs dépenses d’infrastructure. Ce dernier point rappelle que l'économie chinoise a encore besoin d’un soutien politique. Sur le front extérieur, la demande mondiale de biens en demi-teinte ne laisse entrevoir qu’une possibilité limitée de surprises à la hausse. La fin des mesures de confinement ne semble pas encore avoir beaucoup stimulé l’emploi, à la différence des Etats-Unis et de l’Europe. Le taux de chômage urbain a même légèrement augmenté, passant de 5,5% en décembre à 5,6% en janvier. Jusqu'à présent, la réouverture de la Chine s’est traduite par un redressement, plutôt que par un boom. Les ménages devraient rester prudents, et ne dépenseront pas rapidement leur épargne excédentaire. Après une croissance du PIB d'à peine 3% en 2022, le consensus prévoit seulement un peu plus de 5% en 2023, l’objectif fixé par Pékin.

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Si la réouverture de la Chine est une bonne nouvelle, il est peu probable qu’elle donne à l'économie mondiale un coup de fouet analogue à celui qui a été observé au lendemain de la grande crise financière. À l'époque, l'économie chinoise s'était engagée dans un important programme d’investissement et avait vu la dette des secteurs non financiers augmenter de près de 100% du PIB. Depuis, la Chine s’est engagée à maîtriser cet effet de levier, notamment dans le secteur de l’immobilier. Si l’assouplissement récent offre un répit, il y a peu de chances que l’on assiste à un retour de la période d’expansion.

Les bénéfices de la reprise chinoise pour le reste du monde devraient provenir du retour des touristes chinois, une bonne nouvelle pour les économies d’Asie du Sud-Est dépendantes du tourisme, comme la Thaïlande et le Vietnam. Si, contrairement aux attentes, la Chine optait pour une politique de relance plus agressive en matière d’infrastructures et d’immobilier, la croissance s’en trouverait renforcée, ce qui stimulerait les importations chinoises de matières premières. Toutefois alors que l’inflation reste une préoccupation mondiale, cette demande chinoise pourrait induire une hausse des cours des matières premières, ce qui serait moins réjouissant.

Enfin, l’Europe surveillera de près la demande chinoise de GNL. L’an dernier, la faiblesse de la demande chinoise a permis à l’Europe de sécuriser ses approvisionnements en gaz et de remplir ses réservoirs. L’Europe a parallèlement réalisé d’importantes économies d'énergie et cherche à stimuler d’autres sources d’approvisionnement. Toutefois, comme il est improbable que l’offre mondiale de GNL augmente fortement, une liquidation prudente de l'épargne excédentaire des ménages chinois serait sans doute une bonne nouvelle.

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