
Les minoritaires d’EDF ont tout intérêt à attendre la nouvelle offre de l’Etat

Dans l’attente de la note en réponse d’EDF, le projet d’offre publique d’achat simplifiée (OPAS) initiée par l’Etat sur l’énergéticien, donne du grain à moudre aux observateurs. Surtout qu’il s’est fait attendre. Espéré initialement fin août, le projet n’a été publié que le 4 octobre.
Le document d’offre précise que si l’Etat n’arrive pas à atteindre le seuil de 90% du capital et des droits de vote, et donc ne peut pas mettre en œuvre un retrait obligatoire, il « se réserve la possibilité de déposer auprès de l’AMF un projet d’offre publique de retrait suivie le cas échéant d’un retrait obligatoire ». Entre l’offre actuelle et cette potentielle nouvelle offre, l’Etat n’exclut pas d’acheter des titres sur le marché. « Une première pour un projet d’OPA avec retrait obligatoire, confie Colette Neuville. Généralement, l’initiateur menace les minoritaires d’une fusion au même prix, ou de renoncer au retrait obligatoire ».
Pourquoi proposer une telle éventualité ? « Cette deuxième offre permettrait de désamorcer les contentieux liés à la première offre », suppose Colette Neuville. « Cet ajout pourrait aussi être une demande de l’AMF, suggère Frank Martin Laprade, avocat associé chez Jeantet. Si l’Etat se réserve la possibilité de déposer une offre ultérieure à un prix plus élevé, l’AMF a pu l’obliger à l’indiquer dès maintenant au nom de l’égalité de traitement des actionnaires ».
Le projet ne dit pas que le prix est équitable
En attendant, les minoritaires d’EDF ont tout intérêt à ne pas apporter leurs titres à l’offre puisque l’Etat en promet une deuxième, nécessairement mieux disante, s’il veut sortir EDF de la cote. Les investisseurs pourraient aussi rapidement faire remonter le cours d’EDF juste au-dessus des 12 euros, l’Etat ne pouvant pas acquérir des titres au-dessus du prix d’offre. L’offre sera alors un échec. Il sera alors contraint à déposer une nouvelle offre à un prix plus élevé. Du temps et de l’argent perdus, pour une opération présentée comme urgente en juillet dernier.
En tout état de cause, « le projet ne précise à aucun moment que le prix est équitable, souligne Colette Neuville. Or, quand une offre est suivie d’un retrait obligatoire, elle doit être équitable ».
Les banquiers présentateurs de l’offre, la Société Générale et Goldman Sachs, utilisent à titre principal trois critères : le cours de Bourse, les objectifs d’analystes, et une valorisation par somme des parties. « On part à l’envers, s’étonne Colette Neuville. Le cours de Bourse en berne est la conséquence de la politique et des décisions de l’Etat sur EDF. Aussi, le cours de Bourse ne peut servir de base pour l’expropriation des minoritaires ».
Le prix ne tient pas réellement compte du préjudice invoqué par EDF
Par ailleurs, l’initiateur ne prend pas vraiment en compte les 8,34 milliards d’euros d’indemnités réclamés par EDF, en raison du préjudice lié à la décision du gouvernement de relever le volume d'électricité nucléaire qu’EDF vend à prix réduit aux fournisseurs alternatifs dans le cadre de l’Arenh. Dans la note, l’Etat précise que ce dispositif a notamment permis de « réduire significativement la facture de tous les consommateurs français ». Mais, « les minoritaires d’EDF n’ont pas à faire les frais de cette décision de l’Etat. D’autant que le Conseil d’Etat a rappelé dans sa décision de juillet 2022 l’intérêt général associé à cette décision, ajoute Colette Neuville. En équité, cette facture doit être payée par l’Etat et les minoritaires doivent être indemnisés ». Le conseil d’administration d’EDF ayant engagé ce bras de fer avec l’Etat, il pourra donc difficilement apporter un avis positif sur ce projet d’offre.
En outre, « la différence entre le prix de l’offre par action et la valeur fondamentale de la société ressortant des analyses […] couvre la quantification maximaliste associée à ce recours », se contente de préciser l’Etat. Soit 1,48 euro par action, ou 1,29 euro après actualisation à cinq ans à taux sans risque. Aussi « l’expert indépendant pourrait ajouter ce montant au prix de 12 euros. D’autant que si ce 1,48 euro est intégré dans les 12 euros, cela signifie que la prime offerte est plus faible que celle prévue initialement », ajoute Colette Neuville. En août dernier, Jean-Bernard Lévy, PDG sortant d’EDF, avait écrit qu’il revenait à l’expert indépendant de prendre en compte l’impact de la demande d’EDF.
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