
Les investisseurs stratégiques deviennent clé pour le succès des rares cotations en Bourse

Accélération. D’ici le 14 juillet, 15 sociétés devraient avoir rejoint la cote parisienne depuis le début de l’année. Trois sur Euronext : Aelis Pharma, Euroapi et Lhyfe. Neuf sur Euronext Growth : Haffner Energy, Hunyvers, Smaio, Broadpeak, Fill Up Media, Metavisio et les opérations en cours (OKwind, Icape et Charwood Energy), avec trois cotations directes (Ilbe, EureKing et Deezer). C’est deux fois moins que les 27 opérations enregistrées à Paris sur la même période, et on note l’absence d’opération d’envergure, hormis Euroapi, qui n’était qu’un placement de titres.
Chez Portzamparc, « nous sommes sur le même rythme que l’an dernier, avec quatre opérations au premier semestre, confie Vincent Le Sann, directeur général adjoint de la filiale de BNP Paribas. Le marché reste dynamique côté entreprises, plus heurté côté investisseurs. Nous avons deux mandats pour le second semestre et déjà un pour le début 2023, contre quatre opérations réalisées au second semestre comme en 2021 ».
En Europe, « le premier semestre a été difficile avec la guerre en Ukraine, explique Jonathan Banet, syndicate manager SECM chez Natixis CIB. La volatilité, principal indicateur regardé, a enregistré une pointe à près de 50 au premier trimestre, avant de retomber sous les 25, puis de repasser récemment au-dessus de 30 sur des craintes de récession ». Le seul deal européen dans le top 15 mondial est celui de Var Energi, filiale d’exploration et de production pétrolière de l’italien Eni, à la Bourse d’Oslo. Vient ensuite l’Italien De Nora, actif dans l’hydrogène, qui a levé 200 millions d’euros et placé 274 millions d’euros de titres à la Bourse de Milan.
Leslevées de fonds de moins de 150 millions d’euros représentent 90% du marché des introductions. « Ces sociétés ont besoin de renforcer leurs fonds propres, rappelle Vincent Le Sann. Toutefois, les émetteurs de taille petite et moyenne sont à l’écoute des investisseurs et adaptent la taille de l’opération et le prix. Les plus grandes sociétés intègrent souvent le schéma du ‘dual track’ [vente ou IPO, ndlr]. Elles ont de fait plus d’alternatives de financement et sont moins flexibles sur le sujet de la valorisation ce qui peut amener des reports dans les marchés actuels ».
Résistance des cours des nouvelles cotations
Signe des temps plus difficiles, les taux de sursouscription aux offres sont bien plus faibles que l’an dernier, tant pour les particuliers que pour les institutionnels, « avec un bassin d’investisseurs dédiés aux IPO qui se réduit », constate Portzamparc. Post-opération, « les cours résistent, voire surperforment légèrement le marché comme Haffner, Lhyfe et Broadpeak, se félicite Vincent Le Sann. Il est essentiel de conserver le marché ouvert, afin de ne pas casser la dynamique et de permettre aux entreprises de se projeter vers la Bourse. D’autant que le mouvement de sortie de cote se poursuit en parallèle ».
Dans ce contexte de marché difficile, « une partie de notre travail est de trouver des investisseurs de long terme qui viennent sécuriser l’opération, explique Jonathan Banet. Le rôle des cornerstones [investisseurs stratégiques, ndlr] est particulièrement précieux pour réduire ce risque. Souvent des fonds souverains, family offices ou fonds spécialisés du secteur concerné, ils viennent donner confiance aux autres investisseurs ». Ces cornerstones se généralisent et se renforcent, « avec des engagements de 30% – contre 20% l’an dernier – voire 50% pour les plus petites opérations, poursuit Vincent Le Sann. Grâce à ces investisseurs longs, les opérations ne sont pas repoussées. L’enjeu est maintenant d’élargir le nombre de cornerstones potentiels ». Le futur fonds de la Caisse des Dépôts destiné à accompagner l’entrée en Bourse des licornes françaises à Paris, doté initialement de 300 millions d’euros pour un objectif de 1,5 milliard, participe de ce mouvement.
La transition énergétique, seul secteur à vouloir se coter
La transition énergétique reste un sujet central. « Nous avons aussi des mandats dans le retraitement des plastiques (Skytech), dans la production de plastique à base d’algues, ou encore dans la réduction des émissions de CO2, et aussi des premiers contacts dans le retraitement des déchets. Et demain le métavers ! » poursuit Vincent Le Sann. En revanche, « les valeurs technologiques sont moins présentes, les perspectives pour les valeurs de croissance ayant été revues à la baisse, précise Jonathan Banet. Toutefois, le private equity montre sa solidité et sa résilience pour le secteur de la technologie ». Dans un second temps, plus solides, ces valeurs pourraient rejoindre la Bourse.
La hausse des taux pourrait avoir un effet positif sur les introductions. « Les ETI, avec des modèles plus matures et moins risqués pour les investisseurs, ont pour certaines d’entre elles déjà des leviers bancaires tendus et pourraient devoir renforcer leurs fonds propres. Ces sociétés pourraient alors se tourner vers la Bourse en 2023 et 2024 », anticipe Vincent Le Sann. Pour le second semestre, « les candidats à la Bourse pourraient être moins nombreux que l’an dernier. Certains préfèrent décaler leur projet de cotation suite à la baisse des marchés, sont prêts à réduire leurs investissements ou à faire appel au fonds de private equity, explique Jonathan Banet. D’autres regardent désormais 2023 ».
Les dernières opérations signent aussi le succès d’Euronext Growth. « La faiblesse du bassin d’investisseurs n’est désormais plus un sujet, et les grands investisseurs européens sont présents, constate Vincent Le Sann. En revanche, au-dessus de 200 millions d’euros, mieux vaut viser Euronext pour chercher le marché américain, en organisant un roadshow en amont de l’opération ».
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