
Les discours des banques centrales modèlent les anticipations d’inflation

Les discours des banquiers centraux ne sont pas des paroles en l’air. Une note d’analyse de la Banque de France, publiée mardi 8 mars, explique que, davantage que les hausses de taux, ce sont les indications sur la trajectoire de la politique monétaire future, les discours des banquiers centraux, qui font évoluer les anticipations d’inflation.
Lorsque la communication diffère des attentes du marché, les anticipations d’inflation (mesurées, pour la zone euro comme pour les Etats-Unis, par les variations du taux de swap à un jour OIS dans 2 ans) corrigent systématiquement. A la hausse si la communication est jugée accommodante, à la baisse si elle est jugée restrictive.
Cela a lieu malgré des hausses de taux qui peuvent être plus ou moins importantes que ce qu’anticipent les marchés. «Face à la forte hausse de l’incertitude macroéconomique depuis 2021, les surprises de politique monétaire en zone euro et aux États Unis sont plus grandes qu’au cours des années précédentes. Après la fin de la ‘forward guidance’, et dans un contexte de politique monétaire dépendante aux données, les marchés regardent attentivement la communication autour des annonces des banques centrales, qui ont un impact notable sur les anticipations d’inflation des marchés», souligne Sophie Guilloux-Nefussi, économiste à la Banque de France et co-rédactrice de l’étude avec l’économiste Adrian Penalver.
L’analyse met en effet en évidence que presque chacune des réunions de politique monétaire ayant eu lieu en 2022 et 2023 a fait évoluer de plus de 5 points de base (pb) et jusqu’à une vingtaine de pb les anticipations d’inflation.
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Crédibilité
Au-delà du cadre des réunions de politique monétaire, les discours et les déclarations des banquiers centraux ont aussi un impact en modelant les anticipations de hausses de taux futures. Le discours de Jerome Powell, mardi, a ainsi fait corriger les marchés.
«Les banques centrales n’ont pas de problème de crédibilité, qui se traduirait par un désancrage des anticipations à long terme : les marchés ne doutent pas qu’elles pourront, et feront, retomber l’inflation à son objectif, explique Xavier Chapard, stratégiste chez LBPAM. En revanche, marchés et banques centrales n’ont pas les mêmes scénarios économiques, ce qui explique le décalage entre les deux». Le principal point de contentieux tient dans les différents scénarios de croissance : les marchés tablaient ainsi sur un ralentissement prononcé qui ramènerait plus rapidement l’inflation à son objectif, tandis que les banques centrales estiment qu’il faudra amener et maintenir les taux à un niveau plus restrictif.
Les mouvements sur les actions, qui ont chuté aux Etats-Unis et en Europe, et l’inversion croissante entre les taux courts et longs signalent que les investisseurs intègrent un resserrement monétaire plus prolongé. Les swaps d’inflation 5 ans dans 5 ans ont perdu 12 pb depuis mardi aux Etats-Unis, à 2,49%, et 29 pb en Europe, à 2,40%.
Taux terminaux
Il n’est pas sûr, pour autant, que l’alignement entre attente de marché et scénario de banques centrales se poursuive. «Chaque nouvelle donnée d’inflation est en soi une surprise, tant l’environnement est incertain. Plus que les déclarations des banques centrales, c’est cette donnée qui fait foi» et a un impact sur les anticipations d’inflation, souligne Mabrouk Chetouane, responsable de la stratégie de marchés chez Natixis IM.
Les investisseurs extrapolent désormais plus fortement les dernières tendances indiquées par les chiffres, ce qui peut décaler de nouveau les attentes des marchés et des banques centrales. D’après plusieurs études, l’indicateur le plus fiable de l’inflation dans un an est d’ailleurs l’inflation sous-jacente immédiate. «Il faut rappeler que les banques centrales ont une vue beaucoup plus précise que les marchés sur l’évolution des prix en raison de la masse d’information qu’elles agrègent», note Mabrouk Chetouane. Les surprises devraient continuer à survenir, tant que les taux terminaux ne seront pas atteints.
Une nouvelle dynamique se mettra alors en place. «Ce qui comptera dès lors sera la durée du plateau : les déclarations sur la persistance des taux élevés prendront le pas sur les données économiques dans la formation des anticipations d’inflation», conclut Mabrouk Chetouane.
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