
Les actions émergentes retrouvent leur rang d’actif risqué

Le bon début d’année pour les actifs émergents, dans le sillage de la réouverture de l’économie chinoise, a laissé place aux doutes. Les actions des marchés émergents ont effacé en février leurs gains des dernières semaines.
«Il y a eu un changement remarquable dans le sentiment au cours des dernières semaines. D’un scénario ‘boucles d’or’mêlant pic d’inflation et de taux, réouverture de la Chine, récession modérée, réduction de la volatilité, apaisement des préoccupations géopolitiques et énergétiques, le marché a basculé dans une sorte de ‘mini-tantrum’», note Sameer Goel, macro stratégiste chez Deutsche Bank, en référence aux turbulences déclenchées par la Réserve fédérale américaine en 2013 (taper tantrum). L’expert note que les performances sur les marchés en février ressemblent davantage à celles de l’automne 2022, avec la baisse des prix de la plupart des actifs, à l’exception notable d’un dollar soutenu par le réajustement des anticipations de taux des banques centrales. Le billet vert est en grande partie la cause du changement de sentiment des investisseurs à l’égard des actifs émergents, et des actions en particulier.
«La réévaluation par les marchés du timing et du niveau de la fin du cycle de hausse de taux aux Etats-Unis et en Europe a affecté l’ensemble des classes d’actifs», soulignent les gérants d’IVO Capital Partners. Quand l’indice S&P 500 a perdu 2,4% en février, l’indice émergent MSCI EM a abandonné 6,5% (performance en dollar). Il s’agit du pire mois de février pour les actions émergentes depuis la crise financière de 2008. «Les actions émergentes ont été la classe d’actifs la moins performante, tirant un trait sur la quasi-totalité des gains depuis le début de l’année», poursuit le stratégiste de DB. Les marchés actions en Colombie, au Brésil et à Hong Kong ont été les plus touchés par la correction.
Les bonnes nouvelles de début d’année (l’inflation, la Fed, le dollar) sont devenues des vents contraires pour les marchés émergentsqui sont particulièrement sensibles aux conditions de financement en dollar. Le marché anticipe désormais un taux terminal de la Fed à 5,5% cette année qui resterait à ce niveau pendant longtemps. Une mauvaise nouvelle pour les entreprises des marchés émergents d’autant que la devise américaine s’est appréciée. Cette inflation persistante, ces taux élevés et ce dollar fort pèsent sur leurs résultats d’autant que les taux plus élevés de la Fed se répercutent aussi sur les taux dans les marchés émergents. Une mauvaise combinaison à un moment où la croissance économique, bien que résiliente, faiblit, malgré l’espoir lié à la réouverture de la Chine.
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Dynamique bénéficiaire défavorable
Cela se traduit par des révisions en baisse des prévisions bénéficiaires pour cette année. Le consensus des analystes a réduit de plus de 2% ses anticipations de croissance des profits des entreprises des marchés émergents, ce qui est la plus forte baisse à cette période de l’année depuis 2016, selon Bloomberg. La dynamique bénéficiaire est désormais inférieure à celle des pays développés. Cette situation contraste avec la dynamique de croissance économique favorable aux émergents, le différentiel de croissance devant s'élargir cette année selon les prévisionnistes: c'était d’ailleurs l’un des arguments dans le pari sur la classe d’actifs en début d’année. La principale région touchée par les révisions de bénéfices à la baisse est l’Asie, l’Amérique latine se montrant plus résiliente.
Certains restent toutefois confiants dans la capacité des actions émergentes à offrir de la valeur. Malgré cette consolidation, les stratégistes d’UBS WM en font un socle de leur allocation. «L’effet du resserrement de la Fed et la réouverture de la Chine seront positifs en net», nuance Alejo Czerwonko, responsable des investissements marchés émergents Amériques chez UBS WM. Il estime en outre que la dynamique des bénéfices et les révisions des estimations ont atteint un creux à la fois en termes absolus et par rapport aux marchés développés. «Les valorisations restent relativement attractives», ajoute-t-il, précisant qu’il s’agit de sa classe d’actifs préférée dans les portefeuilles mondiaux avec un choix tactique pour la Chine et les marchés nord-asiatiques par rapport à l’Inde. Les valeurs de croissance de qualité offrent un potentiel d’appréciation.
Mais pour beaucoup, au contexte macroéconomique s’ajoute une faible appétence pour la classe d’actifs. Même si le monde émergent est diversifié et éclaté, la détérioration de la situation dans de nombreux pays qui font aujourd’hui face à de graves difficultés économiques (Nigeria, Turquie, Egypte…) et sont parfois en restructuration de dette, n’est pas favorable à ce compartiment. Le constat vaut, que ces pays soient des marchés émergents ou frontières, grands ou petits. Le contexte rappelle aux investisseurs qu’il s’agit d’un actif risqué. De quoi alimenter une préférence pour une allocation sûre dans les marchés développés lors des épisodes d’aversion pour le risque, comme ces dernières semaines avec les craintes de resserrement plus marqué des politiques monétaires.
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