Le taux neutre idéal est inférieur au taux d’intérêt naturel de long terme

Des chercheurs ont publié cette recherche en rappelant que le taux d’intérêt naturel tend à dériver.
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La «dérive du taux d’intérêt naturel» pose des questions sur la politique monétaire appropriée.  -  Crédit Thinkstock.

Deux chercheurs ont publié fin février, sur le site de la Banque centrale européenne (BCE) - mais sans en refléter l’opinion selon l’expression consacrée - une recherche rappelant que la «dérive du taux d’intérêt naturel» pose des questions sur la politique monétaire appropriée, et plus largement sur les implications liées au risque de voir ce taux naturel changer de manière imprévisible... En résumé, Oreste Tristani (Banque centrale européenne, BCE ; CEPR) et Sandra Daudignon (Université de Gand) concluent que le taux directeur neutre - compatible avec une production de long terme à son équilibre et une inflation stable hors chocs transitoires sur la demande ou l’offre globales - devrait être nettement inférieur au taux naturel à long terme. Du moins aussi longtemps que la politique monétaire n’est pas limitée par les contraintes de la borne inférieure à un taux de 0% (ZLB).

«Attention, on parle ici en l’absence de chocs comme ceux que nous vivons actuellement, rappelle Oreste Tristani. La différence de notre étude avec ce qui existait déjà tient au fait que nous prenons en compte les analyses empiriques de Laubach et Williams (2003) ayant constaté que le taux d’intérêt naturel n’est pas constant à long terme, contrairement aux postulats habituels. Il a diminué au cours des dernières décennies, atteignant probablement des niveaux autour de zéro dans les années 2010, et il pourrait maintenant augmenter à nouveau. Le niveau futur du taux naturel à long terme est incertain. Ces résultats empiriques soulèvent des questions pour la conduite de la politique monétaire, en raison essentiellement de la contrainte de limite inférieure efficace sur les taux d’intérêt nominaux

Biais déflationniste sur les attentes

La recherche, qui utilise des modèles éprouvés, étudie la réponse optimale aux changements du taux naturel à long terme. Elle démontre que le risque de réduction future du taux naturel à long terme a tendance à transmettre un biais à la baisse sur les attentes de production et d’inflation car la banque centrale sera limitée dans sa capacité à fournir des réponses de soutien monétaire suffisantes à l’approche de la borne inférieure ZLB sur les taux nominaux…

«Pour compenser ce biais dans les attentes, en l’absence de chocs et sans tenir compte des politiques de quantitative easing (QE) qui peuvent changer ces attentes, la banque centrale devrait viser à maintenir un écart négatif entre le taux d’intérêt réel et le taux naturel à long terme, et donc le taux directeur nominal au-dessous de ce dernier, poursuit Oreste Tristani. Et cet écart devrait augmenter à la suite de toute réduction du taux naturel à long terme car les effets s’amplifient alors.»

Autrement dit, l’article constate que le taux neutre est inférieur au taux naturel à long terme. Cette distance s’accroît au fur et à mesure que le taux naturel à long terme s’approche de 0%. La banque centrale devrait donc être volontairement plus expansionniste par rapport à une situation idéale où la limite inférieure ne serait pas une contrainte sur les taux directeurs à court terme. En quelque sorte par anticipation au fait que son soutien monétaire à la croissance et à l’inflation est alors limité par le bas - et non pas par le haut -, et que cette approche n’est évidemment plus possible à mettre en œuvre une fois que le taux directeur a atteint la borne inférieure ZLB. «C’est important à la fois dans les cas d’une politique monétaire optimale et d’une règle de ciblage des prix. Dans cette dernière logique, le taux neutre devrait même être égal à 0% dès lors que le taux naturel à long terme tombe au-dessous de 1%», résument les chercheurs.

Ces conclusions rappellent d’autres études, notamment celle de chercheurs qui, en septembre 2021, regrettaient eux une approche monétaire historiquement trop asymétrique, plus vigoureuse face à l’inflation que face à la déflation, en particulier à la BCE.

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