
Le resserrement quantitatif reste un sujet à clarifier

Le resserrement quantitatif (QT) débute, mais il fait déjà l’objet de débats. Depuis début mars, la Banque centrale européenne (BCE) a cessé de réinvestir la moitié des retombées de l’APP, l’un de ses programmes de rachats d’actifs, soit une réduction de son bilan de 15 milliards d’euros par mois - contre un bilan total de plus de 7.839 milliards d’euros. Il n’est donc pas surprenant que jeudi, Isabelle Schnabel, membre du conseil des gouverneurs de l’institution, ait appelé à accélérer ce rythme, en expliquant notamment que le stock de titres détenus par la BCE limitait la transmission de la politique monétaire. Le directeur de la Bundesbank Joachim Nagel, s’était prononcé le jour précédent en faveur d’un resserrement quantitatif plus important, après que la banque centrale allemande a affiché des pertes sur son portefeuille obligataire d’un milliard d’euros.
Conditions financières
De fait, le QT peut contribuer à durcir les conditions de financement et peser sur la demande. «Les ventes de titres souverains ont un impact sur la demande de crédits immobiliers», rappelle Florian Ielpo, responsable de la recherche macro chez Lombard Odier AM. Ainsi, en France, les rendements des OAT à 20 ans dictent le coût des emprunts immobiliers. Quant au crédit, «la transmission est quasi-immédiate, puisqu’en augmentant le coût du financement des entreprises, celles-ci vont limiter leurs investissements», poursuit Florian Ielpo. Les faibles montants limitent pourtant les impacts du QT. «La BCE use de la politique des petits pas, tempère Hugo Le Damany, économiste chez Axa IM, car la BCE ne considère pas le QT comme son outil principal pour resserrer les conditions financières. En tout état de cause, les signaux sont encore insuffisants pour constater un vrai ralentissement économique à cause de sa politique monétaire. Le délai de transmission à l’économie est lent et cela est particulièrement vrai en zone euro, où la part des taux fixes est plus élevée qu’ailleurs». Alors que les rendements du taux allemand à 10 ans sont passés de 0 à 2,74% en un an, seuls 40 points de base de cette augmentation sont attribuables au QT, d’après une étude présentée par Isabelle Schnabel.
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Normalisation
Reste qu’avec le QT, «l’objectif de la BCE n’est pas l’écartement des spreads, mais de retrouver un fonctionnement normal des marchés obligataires, déformés par l’assouplissement quantitatif (QE), souligne Nicolas Forest, responsable de la gestion obligataire chez Candriam. Ce n’est pas parce que les marchés n’ont pas davantage réagi au QT que la BCE en accélérera le rythme». Au contraire : la BCE s’est montrée prudente sur les impacts du processus sur la liquidité des marchés, sans compter que le QT pourra être réajusté par l’institution après juin. Un scénario catastrophe pourrait être l’arrêt complet des réinvestissements de l’APP, soit une diminution du bilan de la BCE de 30 milliards par mois. L’annonce aurait un impact sur les marchés, mais le déroulement du processus devrait se faire sans à-coups. «A la différence de l’assouplissement quantitatif, dont les investisseurs ne pouvaient anticiper l’ampleur et la durée, il est plus facile d’extrapoler le rythme actuel de diminution du bilan de la BCE», explique Hugo Le Damany. L’annonce de nouvelles décisions sur le resserrement quantitatif a donc pour le moment un impact plus important que le resserrement en lui-même, en faisant notamment remonter les taux longs plus rapidement. Là encore, les stocks importants de titres détenus par la banque centrale limiteraient les mouvements liés aux flux de réinvestissements. A titre de comparaison, le QT plus agressif aux Etats-Unis n’a pas mené, pour le moment, à des mouvements de marché significatifs.
En 2023 en Europe, le gros de la réduction des liquidités excédentaires sur les marchés européens passera par le remboursement des TLTRO, les opérations de refinancement mises en place par la BCE, sans compter que le PEPP continuera ses réinvestissements jusqu’en 2024. Enfin, le TPE, l’outil anti-fragmentation, implique que la BCE pourrait continuer de soutenir les taux. «Les marchés continuent d’intégrer une forme de ‘put BCE’ qui limiterait les écartements de taux», conclut Nicolas Forest. La prochaine réunion de politique monétaire, prévue le 16 mars, devrait permettre à la BCE de clarifier sa communication sur le QT et d’en préciser les contours pour le reste de l’année.
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