Le président Biden propose un budget 2024 très politique

La Maison-Blanche a davantage insisté sur un programme décennal de promesses sociales et de nouvelles taxes.
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Avec ce plan, le président des Etats-Unis, Joe Biden, appelle à réduire le déficit sur dix ans  -  Bloomberg

Ambiance. Le président des Etats-Unis a présenté, jeudi soir depuis Philadelphie (Pennsylvanie), dans un contexte politique tendu, un plan budgétaire pour le prochain exercice fiscal et les suivants plein de promesses sociales et de nouvelles taxes, tout en sachant que l’opposition républicaine, désormais majoritaire à la Chambre des représentants, pourra, dans le cadre de la campagne électorale pour 2024, être tenue pour responsable d’avoir bloqué les avancées proposées.

Selon l’annonce officielle, Joe Biden appelle à réduire le déficit de 2.900 milliards de dollars sur dix ans en prenant 2.600 milliards de nouvelles mesures financées par 5.000 milliards de dollars de nouveaux revenus fiscaux et 600 milliards d’économies dans les programmes gouvernementaux existants. Le plan souhaité par la Maison-Blanche va même beaucoup plus loin, aboutissant à près de 10.000 milliards de dépenses fédérales annuelles en 2033, au lieu de 6.370 milliards pour 2023 (avec 1.570 de déficit) et donc 6.880 milliards pour 2024 (avec 1.850 de déficit).

Approche radicale

Avec des hypothèses de croissance annuelle optimistes - 2,1% en moyenne sur la décennie au lieu de 1,8% projeté par la Fed -, ce programme n’apparaît pas forcément très crédible : «Il n’a d’ailleurs aucune chance d’être voté par le Congrès», rappelle Florence Pisani, directrice de la Recherche économique de Candriam. Mais est-ce le but ? «Non, Joe Biden est clairement en campagne et veut montrer à son électorat qu’il fait tout pour tenir ses promesses - en particulier sur le volet social - qu’il n’a pas réussi à passer en début de mandat alors qu’il disposait de la majorité. De plus, tel qu’il est conçu, ce budget aurait un effet de stimulation sur les premières années, alors que l’économie n’en a pas vraiment besoin», ajoute la spécialiste.

En reprenant de nombreuses mesures sociales des propositions prévues dans le plan Build Back Better (BBB) finalement annulé (remplacé par les plans IIJA et IRA), le président démocrate prend donc une position radicale, opposée à celles du Parti républicain (GOP) qui intensifie ses appels à prolonger les réductions d’impôts du président Donald Trump tout en réduisant les dépenses. «En même temps, en relevant les impôts, la proposition budgétaire de Joe Biden permet réduire le déficit public cumulé sur dix ans de près de 3.000 milliards de dollars, alors que les républicains, qui se refusent à augmenter les impôts, risquent d’avoir beaucoup de mal à parvenir au même résultat sans toucher aux grands programmes sociaux - retraites (Social Security) et santé (Medicare) – auxquels beaucoup d’Américains sont attachés», poursuit Florence Pisani.

Du côté des recettes fiscales, le plan cible particulièrement les milliardaires, les investisseurs ou salariés fortunés et les grandes entreprises. Concernant ces dernières, le plan annulerait partiellement les réductions d’impôts de 2017, notamment en augmentant le taux d’imposition des sociétés (IS) de 21% à 28% (35% sous la présidence de Barack Obama), ce qui doit rapporter plus de 1.300 milliards sur dix ans, auxquels s’ajouteraient 1.100 milliards via la nouvelle taxation minimum à 15% sur les multinationales, et 850 milliards via d’autres mesures fiscales. Les pratiques de rachats d’actions seraient aussi taxées à hauteur de 4% au lieu de 1% (+240 milliards sur dix ans), même si les analystes estiment qu’il faudrait sans doute ramener ce taux à 2% pour obtenir le vote décisif au Sénat de l’ex-démocrate indépendante Kyrsten Sinema. Le plan inclut un très hypothétique impôt de 25% à payer par les milliardaires sur les plus-values latentes (+430 milliards), le rétablissement du taux d’imposition marginal sur le revenu le plus élevé à 39,6% pour ceux qui gagnent plus de 400.000 dollars par an (+235 milliards), et l’augmentation du taux d’imposition des gains en capital à 39,6% pour ceux qui gagnent plus d’un million de dollars (220 milliards).

Du côté des dépenses, ce nouveau programme relance nombre de dépenses que Joe Biden avait souhaitées au début de son administration avant de renoncer fin 2021 face à l’opposition quasi-systématique du sénateur démocrate centriste Joe Manchin. Il prévoit ainsi 1.060 milliards pour les crédits d’impôts aux familles à faible revenu, aides aux congés maladies et aux soins à domicile. Cette partie inclut pour 400 milliards la relance du Tax Child Credit élargi qui n’avait été approuvée que pour un an en 2021 et dont l’expiration aurait déjà des effets sur les ménages les plus démunis. Plus de 1.100 milliards dollars portent par ailleurs sur les programmes d’aides aux gardes d’enfants/crèches, à l’enseignement supérieur (avec collège communautaire gratuit), au logement et à la santé, avec en plus une extension évaluée à près de 400 milliards du programme Medicaid (assurance maladie pour les familles à faible revenu).

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Négociations compliquées

Après des années sans proposition pour maintenir l’équilibre du programme Medicare (assurance maladie pour les plus de 65 ans) alors que les coûts de soins de santé continuent d’augmenter avec le «papy-boom», la Maison-Blanche suggère de plafonner certains remboursements, et de réduire les prestations et d’augmenter la cotisation pour les plus riches de 3,8% à 5% (+650 milliards sur dix ans). Encore des mesures compliquées à négocier avec les républicains, qui tenteront de ramener le débat sur le budget 2024. A ce sujet, le président demande 1.695 milliards de dépenses discrétionnaires, dont 688 milliards hors dépenses militaires/anciens combattants (+6,5%), en plus des 1.459 milliards de dépenses non discrétionnaires, qui restent stables sans le vote des autres réformes proposées, qui permettraient elles d’augmenter les recettes fiscales de 315 milliards dès l’an prochain. Les discussions avec les élus républicains emmenés par Kevin McCarthy à la Chambre seront d’autant plus compliquées que ceux-ci cherchent à augmenter les contraintes autour du relèvement du plafond de la dette fédérale, autre sujet de litige à régler rapidement pour éviter un défaut de paiement.

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