Le paiement pour flux d’ordres appelle plus de transparence

Une récente étude sur les courtiers ne conclut pas à une «mauvaise» pratique.
Fabrice Anselmi
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Le «paiement pour flux d’ordres» consiste pour les courtiers à proposer des négociations sans frais en se faisant rémunérer par les teneurs de marché.  -  AdobeStock

Les régulateurs financiers dénoncent depuis deux ans le «paiement pour flux d’ordres» (PFOF) qui consiste, pour les courtiers à proposant un modèle de négociation sans frais (zero commission), être rémunérés par les teneurs de marché (market-makers ou wholesalers) pour l’orientation des ordres en provenance des investisseurs particuliers. Ces derniers voient baisser leurs coûts explicites, mais sont mal informés sur les coûts implicites liés à leurs ordres ainsi «reroutés», qui auraient peut-être été mieux traités autrement. Alors que l’Union européenne (UE), soutenue par la France, compte interdire cette pratique, potentielle source de conflits d’intérêts, la Securities and Exchange Commission (SEC) souhaiterait plutôt une transparence accrue sur les coûts implicites.

Dans ce contexte, des universitaires (Christopher Schwarz, Brad Barber, Xing Huang, Philippe Jorion, Terrance Odean) viennent de publier les résultats d’une étude expérimentale. Après avoir placé pendant cinq mois 85.000 ordres «allers-retours» auprès de six courtiers différents (TD Ameritrade, E*Trade pour Morgan Stanley, Fidelity Investments, Robinhood, IBKR Pro, IBKR Lite), à chaque fois sur les mêmes actions, en même quantité et en même temps (en moyennant les temps de latence), ils concluent à des écarts de coûts importants, sans aucun moyen de prédire ces écarts, ni de conclure si le PFOF est bon ou mauvais pour les particuliers ou s’il affecte ou pas l’exécution des prix.

Avec ces six compte brokers donc cinq sans commission, «les exécutions étant les mêmes, tout comme le rapport offre/demande pour chacune, on pourrait s’attendre à des résultats identiques. Or nous avons perdu en moyenne ‘aller-retour’ entre 0,07% via le meilleur courtier et 0,46% via le pire. Et deux courtiers sans PFOF ont une exécution moins bonne que le meilleur courtier avec», s’étonne Christopher Schwarz (University of California, Irvine).

Pourquoi ces différences ? Pour les chercheurs, qui ont été limités dans la taille des transactions par leurs moyens, presque tous les ordres sont envoyés aux grands teneurs de marché comme Citadel Securities et Virtu Financial, ce qui limite théoriquement les différences de contreparties entre courtiers. Mais lorsque les mêmes ordres sont envoyés au même «grossiste» par différents courtiers, ceux-ci obtiennent des rémunérations différentes. «Les teneurs de marché donnent systématiquement des prix différents aux différents courtiers, poursuit Christopher Schwarz. En utilisant les divulgations actuelles, vous ne pouvez pas soupçonner ces différences, donc nous recommandons des changements pour aider les consommateurs dans leur choix.» L’idée sous-jacente étant qu’un paiement plus important du teneur de marché aux courtiers pourrait être compensé par des prix d’exécution moins favorables pour les investisseurs concernés, ce qui n’était pas le cas ici par exemple pour TD Ameritrade, qui pratique le paiement pour flux d’ordres tout en proposant des prix améliorés.

Besoin de concurrence entre market-makers

Plus de transparence irait dans le sens de la SEC, alors que d’autres régulateurs doutent que ce soit soit vraiment utile aux particuliers. D’autant que les chercheurs ont eux-mêmes du mal à identifier les gains et les effets liés au PFOF. «C’est probablement parce que la variation dans l’exécution des ordres donnée aux différents courtiers est plus importante en amplitude que toute variation due au PFOF, avance Terrance Odean (University of California, Berkeley). Nos régressions de la (probable) amélioration des prix liée au PFOF ne contrôlent pas la variation de la rentabilité du flux d’ordres des différents courtiers.»

«Nos comparaisons des gains de prix par rapport au meilleur prix au niveau national (NBBO) montrent que l’effet du PFOF est très secondaire, ajoute Philippe Jorion (University of California, Irvine). Les différentes études européennes sur l’amélioration de l’exécution des prix avec le PFOF arrivent à des conclusions assez contradictoires : je pense que la clé est la concurrence entre les teneurs de marché. Et il est certain que, pour les clients retail, il serait été extrêmement coûteux d’avoir une activité de trading intense avec les commissions habituelles élevées.» L’absence de commission est permise par l’agrégation des pratiques PFOF, mais rien n’assure qu’une saine concurrence entre «grossistes» existe sur tous les marchés.

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