
La réforme fiscale de Joe Biden met la finance en émoi

Joe Biden ne prend personne par surprise. Le président américain avait promis durant sa campagne d’augmenter les impôts – ou du moins, de reprendre les cadeaux accordés par son prédécesseur – pour financer une partie de son programme de relance. Après avoir annoncé début avril une réforme de l’impôt sur les sociétés doublée de propositions pour une juste taxation des multinationales, le locataire de la Maison-Blanche s’apprête à en faire autant pour les particuliers. Lors d’un discours devant le Congrès, attendu ce 28 avril, Joe Biden devrait dévoiler une hausse de la fiscalité des particuliers qui affectera d’abord les Américains les plus aisés.
Wall Street a accusé le coup jeudi soir, alors que les médias commençaient à se faire l’écho de ce projet. Et pour cause : les mesures reviendraient quasiment à doubler l’imposition des plus-values en capital. Elles consisteraient à aligner la fiscalité des gains en capital (20%) sur celle des revenus, pour les contribuables gagnant plus de 1 million de dollars par an, et à porter de 37% à 39,6% le taux de la tranche supérieure de l’impôt sur les revenus. La contribution de 3,8% sur les revenus de placement, votée sous Barack Obama et qui s’applique au-delà de certains seuils (125.000 dollars de gains pour un célibataire), continuera à s’ajouter. Au total, les plus-values du capital des contribuables les plus aisés seraient imposées à 43,4% à l’échelon fédéral. Un taux qui dépasserait 50% dans des Etats comme la Californie, qui appliquent aussi une taxe locale.
Lobbying intense
Ces mesures toucheraient notamment les gérants de l’univers des hedge funds et du capital investissement. Leur rémunération, sous forme de carried interest, ou intéressement aux plus-values, est aujourd’hui assujettie au taux plus favorable des gains en capital. L’alignement par le haut, qui figurait au programme de Joe Biden, a été maintes fois débattu aux Etats-Unis. Mais le lobbying efficace des financiers de Wall Street a toujours écarté jusqu’à présent cette menace.
Dans la sphère de l’investissement, les réactions hostiles au projet de Joe Biden n’ont d’ailleurs pas tardé. L’argumentaire est connu : plus ils seront taxés, moins les hauts revenus auront à cœur de financer des projets créateurs de richesse et d’emplois. «La taxe à 43,4% pourrait tuer la poule aux œufs d’or qu’est l’Amérique/Silicon Valley» a twitté Tim Draper, l’une des figures de proue du capital risque outre-Atlantique.
Comme pour l’impôt sur les sociétés, la réforme devra faire consensus au sein de la majorité démocrate et passer l’épreuve du Congrès. «Un compromis sera donc trouvé, relève Sebastian Paris-Horvitz, directeur de la recherche de La Banque Postale AM. A ce stade, l’idée qui semble dominer est une hausse plus modérée autour de 30% pour les gains en capital. Mais ce qui semble inéluctable est une hausse de l’impôt.» La crise sanitaire et la flambée des actifs financiers ont creusé les inégalités de revenus et de patrimoine. Taxer les «riches», les fameux 1% les plus aisés de la population, est une idée populaire, surtout si elle vise des gérants de hedge funds dont la fortune personnelle se compte en milliards de dollars. D’après les données du fisc, seulement 0,32% des Américains déclarent plus d’un million de revenus annuels et seraient concernés par la mesure.
Au Royaume-Uni, lui aussi engagé sur la voie des hausses d’impôt, le gouvernement a lancé fin 2020 une réflexion sur la réforme du carried interest.
Pas de lien avec la performance boursière
La baisse de 1% de l’indice S&P 500 jeudi est toutefois restée sans lendemain. Le risque d’une vente massive d’actions de la part d’investisseurs individuels souhaitant prendre leurs bénéfices avant d’être imposés à 43,4% est jugé minime. «Les rares fois où de telles mesures ont été prises dans le passé, on a assisté à des prises de profits, souligne Sebastian Paris-Horvitz. Mais il est plus que probable que ceci sera temporaire, et les flux reviendront s’investir, notamment en Bourse, faute de réelle alternative de rendement.»
Les économistes d’UBS rappellent que les actions américaines sont détenues à 25% seulement par des investisseurs domestiques, imposables localement. Historiquement, «il n’y a aucun lien entre les changements dans la taxation des gains en capital et la performance du marché boursier américain», indique UBS, qui n’observe pas non plus de corrélation avec les multiples de valorisation des bénéfices. En 2013, date du dernier tour de vis fiscal sur les revenus de placements, l’indice S&P 500 avait même signé un bond de 30%. La conjoncture, les perspectives de résultats et l’action des banques centrales restent le moteur de la Bourse.
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Immigration Sud-Coréenne : Séoul préoccupé après le vaste raid dans une usine Hyundai aux États-Unis
Séoul - Plus de 300 des 475 personnes arrêtées jeudi aux Etats-Unis dans une usine de batteries pour automobiles sont de nationalité sud-coréenne, a estimé samedi le gouvernement de Séoul, exprimant sa «profonde préoccupation». «Plus de 300 seraient nos ressortissants», a déclaré le ministre sud-coréen des Affaires étrangères Cho Hyun lors d’une réunion d’urgence sur le sujet. «Nous sommes profondément préoccupés et ressentons une lourde responsabilité sur ce sujet», a poursuivi le ministre. Cho Hyun s’est dit prêt à se rendre à Washington si nécessaire pour y rencontrer les autorités. La police de l’immigration américaine a annoncé vendredi avoir mené jeudi un raid dans une usine de fabrication de batteries pour automobiles des groupes sud-coréens Hyundai et LG Energy Solution à Ellabell, dans l’Etat de Géorgie (sud-est), soupçonnées de travailler illégalement aux Etats-Unis. Selon Steven Schrank, un agent du service d’enquêtes du ministère américain de l’Intérieur, l’arrestation de ces 475 personnes constitue «la plus importante opération des forces de l’ordre sur un même site de toute l’histoire du service des Enquêtes sur la sécurité intérieure». Vendredi, les autorités sud-coréennes avaient fait part à l’ambassade des Etats-Unis à Séoul de leur «inquiétude» et de leurs «regrets» concernant cette affaire. Elles n’avaient pas chiffré le nombre de ressortissants concernés. Mais du personnel diplomatique a été envoyé sur place, avec notamment pour mission de créer un groupe de travail afin de faire face à la situation. La Corée du Sud, la quatrième économie d’Asie, est un important constructeur automobile et producteur de matériel électronique avec de nombreuses usines aux Etats-Unis. © Agence France-Presse -
Réassurance : prix en baisse mais secteur stable face aux catastrophes et émeutes
Paris - Les réassureurs, qui se retrouvent à partir de samedi pour plusieurs jours à Monaco pour leurs traditionnels «Rendez-vous de septembre», s’apprêtent à faire face à une baisse des prix dans ce secteur, qui ne bousculera toutefois pas leur stabilité, selon les analystes. Les réassureurs, dont le métier consiste à assurer les assureurs, commencent à l’automne les négociations annuelles avec leurs clients assureurs sur le montant des primes que ces derniers leur versent. En échange, les réassureurs prennent en charge une partie des risques portés par les assureurs, en se positionnant sur les risques les plus extrêmes et moins fréquents (tempêtes, feux de forêt, émeutes, attentats terroristes...). En 2024, le marché de la réassurance mondiale s'élevait à 400 milliards de dollars, près de 20 fois moins que celui de l’assurance traditionnelle. Lors des précédentes années, les principaux réassureurs mondiaux, comme Munich Re ou Swiss Re, avaient imposé une hausse des prix et établi des conditions tarifaires et contractuelles qui leur étaient plus favorables. Mais, selon les analystes, le pic des prix de la réassurance est aujourd’hui passé. «On a atteint un point haut en 2024. Et depuis, on le voit au niveau du renouvellement (des contrats), les prix ont tendance à baisser», a expliqué à l’AFP Manuel Arrivé, de l’agence de notation Fitch. «On pense que cette tendance va perdurer» car «il y a une dynamique d’offre et de la demande de plus en plus en faveur des assureurs et en défaveur des réassureurs». L’agence de notation considère que le secteur sera «détérioré» en 2026. Elle met entre autres en avant l’augmentation des coûts des sinistres. Ceux des incendies dévastateurs de Los Angeles, évalués à 40 milliards de dollars, pèsent eux seuls pour la moitié des sinistres liés aux catastrophes naturelles. «On a déjà 80 milliards (de dollars) de sinistres à fin juin. Il fait peu de doute qu’on va dépasser 100 milliards avec le deuxième semestre», a précisé Alexis Valleron, délégué général de l’Association des professionnels de la réassurance en France (Apref), devant la presse vendredi. 2024 a été la cinquième année consécutive où le coût des sinistres des périls naturels a dépassé 100 milliards de dollars dans le monde. Risque émeutes en hausse Face à la multiplication des catastrophes naturelles, la plupart des réassureurs ont décidé ces dernières années de moins s’exposer à certains périls. Dans ce contexte, les réassureurs peuvent compter sur leurs capitaux. S&P Global considère «le secteur mondial de la réassurance comme stable, soutenu par le capital robuste des réassureurs, des marges de souscription solides, des rendements d’investissement élevés et des perspectives de bénéfices encore favorables au-dessus du coût du capital du secteur», décrit l’agence de notation dans un rapport. Les dirigeants de l’Apref ont également évoqué le risque émeutes après des années marquées par les troubles sociaux en France, notamment en 2023 après la mort de Nahel, adolescent tué par un tir policier, ou l’insurrection en Nouvelle-Calédonie à l'été 2024. Les émeutes en Nouvelle-Calédonie ont, à elles seules, coûté un milliard d’euros aux assureurs (dont 500 millions aux réassureurs), sur un coût total des dégâts estimé à 2,2 milliards. Le bilan des émeutes de l'été 2023 en France avait été de 730 millions d’euros (200 millions pour les réassureurs). Selon un article des Echos publié jeudi, le gouvernement prévoit de créer un fonds de réassurance pour couvrir les dégâts liés aux émeutes, sur le modèle du régime des catastrophes naturelles. «Il faut qu’il y ait une définition précise et il faut savoir ce que prendra en charge un mécanisme d’Etat», a insisté Dominique Lauré, vice-président de l’Apref. Selon lui, «il faut qu’il y ait une incitation au maintien de l’ordre pour l’Etat». Et non pas «un mécanisme qui fait que l’Etat n’a finalement plus intérêt à maintenir l’ordre puisque les conséquences économiques sont prises en charge par un fonds», estime celui qui est également directeur général adjoint de Liberty Mutual Reinsurance. Maryam EL HAMOUCHI © Agence France-Presse -
Thaïlande : Anutin Charnvirakul promet des législatives sous quatre mois après sa nomination mouvementée
Bangkok - Le Premier ministre élu thaïlandais Anutin Charnvirakul a assuré samedi vouloir organiser, comme il s’y est engagé, des législatives dans un délai de quatre mois. «Je pense que nous sommes clairs sur le plan politique : nous allons dissoudre le parlement dans quatre mois», a-t-il lancé lors d’une réunion à son siège de son parti, le Bhumjaithai, retransmise par les médias thaïlandais. «Je vais essayer de former mon cabinet le plus rapidement possible», a-t-il souligné, au lendemain de son élection comme Premier ministre par le Parlement, à la suite de la destitution de Paetongtarn Shinawatra. Le magnat conservateur a obtenu le soutien du Parti du Peuple, jusque-là principal parti d’opposition, qui a exigé une dissolution du Parlement et l’organisation de nouvelles élections dans un délai de quatre mois. Le pouvoir de dissoudre le Parlement relève cependant du roi. Il revient également au souverain d’approuver formellement la nomination d’Anutin Charnvirakul comme Premier ministre. Anutin Charnvirakul, dont le parti avait lâché Paetongtarn Shinawatra en juin en raison de sa gestion du conflit frontalier avec le Cambodge, avait assuré vendredi, après son élection, qu’il respecterait «tous les accords». Il avait par ailleurs assuré qu’il n’y aurait «ni favoritisme, ni persécution, ni vengeance» à l’encontre du père de celle-ci, l’ancien Premier ministre Thaksin Shinawatra (2001-2006), qui a annoncé vendredi avoir quitté le pays. La Cour suprême doit se prononcer mardi sur la libération anticipée dont a bénéficié Thaksin peu après qu’il fut rentré d’exil en août 2023. L’ancien dirigeant, qui avait été condamné à huit ans de prison pour corruption, risque une réincarcération, selon certains analystes. Thaksin, qui a indiqué vendredi s'être rendu à Dubaï, a assuré qu’il entendait revenir au pays d’ici mardi. «Je prévois de retourner en Thaïlande au plus tard le 8 (septembre, ndlr) afin de me rendre personnellement au tribunal», a-t-il affirmé sur X. Dans un autre dossier, il avait été acquitté le 22 août du crime de lèse-majesté. © Agence France-Presse