
La Pologne surprend avec une forte baisse de ses taux directeurs

La Banque centrale de Pologne a décidé de frapper vite et fort pour éviter un ralentissement économique. Ce 6 septembre, son conseil de politique monétaire a baissé le principal taux directeur de 75 points de base à 6%, après un an de statu quo. Les économistes s’attendaient plutôt à un mouvement plus modeste, de 25 points de base, au pire le double.
L’institution a justifié ce choix en soulignant avant tout la faiblesse de l’économie mondiale, et notamment celle de son principal partenaire l’Allemagne, dont ses exportations sont très dépendantes. Elle s’est également appuyée sur les premières estimations de croissance en Pologne du deuxième trimestre 2023, ressorties à -0,6%, et sur le ralentissement plus rapide que prévu de l’inflation.
Cette décision a tout de même profondément surpris les observateurs, et fait dévisser le zloty de 2% face à l’euro. L’institution a assoupli fortement sa politique monétaire alors qu’elle est loin d’avoir vaincu l’inflation. Le niveau de la hausse des prix en août est ressorti à 10,1%, encore très loin du niveau cible de 2,5%, plus ou moins un point de pourcentage. Et celui-ci a profité de la modération des prix dans l’alimentaire et l’énergie au début de l’année. Car sans ces deux éléments, l’inflation core affiche 10,6%. Or, cette intervention arrive alors que l’économie polonaise devra, comme dans les pays voisins, absorber la nouvelle hausse du prix du pétrole due à la baisse coordonnée de la production par l’Opep+.
La banque centrale pressée par l’agenda électoral
La banque centrale a peut-être choisi, sans clairement l’annoncer, de ne plus viser uniquement la stabilité des prix, mais aussi d’aider les exportations avec un zloty plus faible. «Ce serait une erreur étant donné le niveau actuel des taux de change, car nos exportateurs utilisent pas mal d’intrants provenant de l’étranger. Or, une baisse de la devise va augmenter le coût des importations», souligne Grzegorz Sielewicz, responsable de la recherche économique en Europe centrale et de l’Est chez Coface.
L’autre explication serait celle d’un coup de pouce du gouverneur Adam Glapiński au parti au pouvoir Droit et Justice à l’approche d’élections législatives plus serrées qu’initialement prévu. Les conservateurs, qui gouvernent le pays depuis 2015, vont tenter de gagner un troisième scrutin d’affilée le 15 octobre prochain. Mais leur avance dans les sondages sur la Coalition civique, qui regroupe des partis de centre droit et de centre gauche, a fondu ces derniers mois pour n’être plus que d’environ six points dans les dernières enquêtes.
La baisse des taux devrait tout de même donner de l’air aux entreprises, qui avaient vu leurs coûts d’emprunt grimper considérablement avec la hausse rapide des taux fin 2021. De même, les ménages, dont le recul de la consommation fait peser le risque d’une croissance molle, vont voir leur pouvoir d’achat s’améliorer. Mais ce gain ne serait que temporaire. «Cette décision, couplée aux aides fiscales vers les ménages et les retraités, devrait installer des pressions inflationnistes pour un bon moment», juge Grzegorz Sielewicz.
La Banque nationale de Pologne espère qu'à long terme la baisse de l’inflation s’accélère grâce à «une appréciation du taux de change du zloty, ce qui serait conforme aux fondamentaux de l'économie polonaise». Malgré cette communication optimiste, les investisseurs ont vendu massivement leurs zlotys. Une telle magnitude de la dépréciation de la monnaie polonaise sur une séance n’a été observée ces dernières années qu’au début du Covid en Europe, et au déclenchement de la guerre en Ukraine.
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