Pologne et Hongrie cherchent la martingale contre l’inflation

La BCE n’est pas la seule à régir la politique monétaire en Europe. A l’est du continent, l’année 2023 est riche en défis pour Varsovie et Budapest, qui espèrent voir l’inflation retrouver son niveau cible d’ici à 2025.
Les pays d’Europe de l’Est Europe centrale centre de Varsovie (Pologne)
Les élections législatives qui s'annoncent en Pologne compliquent la donne de Varsovie (photo) dans sa lutte contre l'inflation  - 

Dans une Europe émergente encore aux prises avec une inflation à deux chiffres (voir graphe), les marges de manœuvre de la Pologne et de la Hongrie restent particulièrement limitées. «Les pays d’Europe centrale et orientale (Pologne, République tchèque et Hongrie) ont été particulièrement touchés par l’inflation, dont le pic a dépassé 20% en moyenne dans ces trois pays en février 2023», relève dans une note Julien Marcilly, chef économiste chez GSA.

C’est en Hongrie que l’inflation est la plus élevée au sein de l’Union européenne. A deux jours de la publication des chiffres pour le mois de mai, Marton Nagy, le ministre du développement économique hongrois, se veut rassurant. «L’inflation hongroise ralentira à un chiffre d’ici à fin 2023, contre 24% en avril, permettant à la banque centrale de réduire fortement les taux d’intérêt d’ici au printemps prochain», a-t-il déclaré dans une interview le 6 juin.

La baisse des prix des matières premières, l’appréciation de la devise et la faiblesse de la demande des consommateurs devraient contribuer à ce retour à la normale. Dans son dernier exercice de prévision, la Commission européenne anticipe, elle aussi, une baisse rapide de l’inflation, qui devrait retrouver son niveau cible dès 2024, à 4%.

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En Pologne, le pic d’inflation semble avoir été dépassé au mois de février 2023. L’inflation s’y est établie à 13% en glissement annuel au mois de mai, contre 14,7% au mois d’avril, soit un plus bas depuis un an. Il s’agit du 3e mois de baisse consécutif. L’institut de statistique polonais attribue principalement cette accalmie au repli des prix de l’essence.

Cependant, l’inflation cible (3,5%) ne sera pas atteinte en 2024. «Les perspectives d’inflation à moyen terme restent incertaines, et avec un marché du travail tendu, des pressions salariales élevées et une forte acceptation des hausses de prix par les consommateurs, l’inflation pourrait donc se stabiliser à moyen terme à des niveaux bien supérieurs à l’objectif de la NBP [banque nationale de Pologne]. La projection de la NBP, en supposant qu’elle laisse les taux d’intérêt inchangés, suggère un retour de l’inflation à la cible d’ici à la fin de 2025 ; une éventuelle baisse des taux avant la fin de 2023 pourrait retarder cela», selon ING.

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Equation économique difficile

Varsovie comme Budapest doivent, pour juguler l’inflation, composer avec une situation économique plus difficile. Après une croissance supérieure à la moyenne européenne en 2022 (5,1% et 4,6% respectivement pour la Pologne et la Hongrie), la Commission anticipe une croissance modeste, inférieure à 1%, pour 2023.

En outre, Bruxelles a bloqué le versement des fonds européens depuis décembre 2022. Malgré l’adoption récente de textes censés répondre aux conditions de la Commission, les doutes sur le respect de l’état de droit n’ont pas encore été levés, comme ont souhaité le rappeler récemment les eurodéputés avec le vote d’une résolution visant la Hongrie, le 2 juin dernier.

Les banques centrales des deux pays, dont les taux réels restent fermement en territoire négatif, ont été parmi les premières à amorcer une politique de resserrement quantitatif. Bien que leur volonté de ne pas peser sur la croissance soit partagée, leurs approches sont désormais différentes. La banque centrale polonaise a adopté depuis septembre 2022 un statu quo, avec un taux directeur ancré à 6,75%, un choix que son comité de politique monétaire a confirmé le 6 juin.

Côté hongrois, la banque centrale, répondant aux appels du pied du gouvernement, a pour sa part amorcé un mouvement de baisse de son taux directeur le 23 mai dernier, avec un taux en baisse de 100 pb, à 17%. Elle a signalé à cette occasion que d’autres réductions seraient possibles à mesure que l’inflation ralentit.

D’autres leviers à disposition

C’est donc avec d’autres armes que les gouvernements s’attaquent à l’inflation. Budapest cible l’inflation sur les denrées alimentaires, qui a atteint 38,5% au mois d’avril, en faisant pression sur le secteur de la grande distribution. Des baisses de prix obligatoires sur certains produits ont été annoncées le 1er juin.

A l’approche des élections législatives, à l’automne 2023, les autorités polonaises multiplient les mesures de soutien au pouvoir d’achat. Après deux augmentations au cours des douze derniers mois, deux nouvelles hausses du salaire minimum sont annoncées en 2024, tandis que la TVA à taux zéro qui a été mise en place sur certains produits de base pourrait être prolongée en cas de persistance de l’inflation. L’ensemble des promesses électorales devrait peser négativement sur les dépenses publiques, avec un déficit annoncé en creusement de 2 points, à 5%, en 2023.

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