
La BCE devrait repousser la question de son «tapering»

La réouverture rapide des économies de la zone euro alimente l’enthousiasme de certains acteurs de marché qui, dans le Panel de L’Agefi ou dans le consensus Bloomberg, voient le Bund remonter dans les prochains mois très largement en territoire positif, ce qui serait probablement le signe d’une réduction du rythme du programme d’achats d’urgence (PEPP) de la Banque centrale européenne (BCE). Après deux mois de janvier-février au ralenti, l’institution avait annoncé en mars réaccélérer ses achats pour le deuxième trimestre. La question autour de sa réunion de politique monétaire jeudi sera bien de savoir ce qu’elle compte faire du PEPP au second semestre : réduction, accélération avec plus de flexibilité, ou maintien.
Entre le 3 et le 19 mai, les taux à 10 ans en zone euro sont remontés fort, jusqu’à -0,07% pour le Bund, 0,32% pour l’OAT et 1,16% pour le BTP italien, sous l’effet des bonnes nouvelles économiques et de certaines déclarations de gouverneurs. Depuis, les rachats du PEPP et les déclarations de membres plus influents comme Christine Lagarde ont ramené ces taux longs à respectivement -0,20% pour le Bund, 0,17% pour l’OAT et 0,90% pour le BTP.
Besoin d’explications
Jeudi, la présidente de la BCE sera encore confrontée à un exercice délicat, entre les gouverneurs plus «faucons», qui feront pression pour un ralentissement du PEPP, et les plus «colombes», qui essaieront d’éviter le sujet, ne serait-ce que pour rester fidèles au discours du maintien des conditions financières en 2021. «Ce dilemme est le résultat de deux complications inutiles dans la communication de la BCE : premièrement, personne ne sait vraiment ce que signifie en pratique ‘une approche holistique et multidimensionnelle des conditions de financement’. La fonction de réaction de la BCE manque de clarté. Deuxièmement, l’engagement d’une revue trimestrielle du rythme du PEPP en réduit de facto la flexibilité», estime Frederik Ducrozet, stratégiste de Pictet WM, qui s’attend à un compromis et à un statu quo sur le PEPP jusqu’à la fin de sa revue de stratégie cet automne. Après le «sell-off» sur le Bund début mai, Isabel Schnabel, membre du directoire, avait estimé que «tout le concept qui sous-tend le PEPP est incompatible avec l’idée qu’il y aura une dégressivité des achats d’actifs».
Quelques acteurs comme Investec Economics s’attendent encore à ce que la BCE décide de ramener les achats du PEPP au (plus faible) niveau observé en janvier-février. Mais la plupart des économistes optent plutôt pour un maintien du rythme actuel, soit parce que «les perspectives d’un ‘tapering’ ne semblent pas d’actualité» pour Franck Dixmier, directeur des gestions obligataires d’Allianz GI, soit parce que «le Conseil n’est pas d’humeur à prendre des risques», pour Mark Wall, chef économiste de Deutsche Bank, en référence à l’explication de Fabio Panetta : «un retrait prématuré du soutien politique risquerait d’étouffer la reprise avant qu’elle ne devienne auto-entretenue».
En théorie, le maintien du rythme actuel du PEPP à 20 milliards d’euros par semaine permettrait de respecter l’enveloppe prévue de 1.850 milliards jusqu’à mars 2022. En pratique, le montant de 80 milliards mensuels devrait être ajusté à la baisse progressivement pour éviter un écart important, après cette date, avec le programme d’achats régulier (APP) de 20 milliards par mois qui pourrait donc lui, plutôt lors d’annonces attendues à l’automne, être augmenté à 30 ou 40 milliards par mois avec un transfert de certaines des fonctionnalités du PEPP pour assurer la transition. «La BCE ne veut pas prendre de risque - et peut s’appuyer pour cela sur sa thèse d’une inflation provisoire -, surtout au moment où l’Union européenne (UE) lance ses émissions NextGeneration EU et alors que les marchés ne s’en offusqueront pas», ajoute Eric Bourguignon, directeur des gestions pour compte de tiers (TPAM) chez Swiss Life AM France.
Dans ce contexte, les marchés seront attentifs aux nouvelles prévisions de croissance et d’inflation de la BCE : elle pourrait tenter pour la première fois de prendre en compte les retombées de la relance budgétaire américaine, et ne devrait alors pouvoir échapper à une révision à la hausse, tout en restant prudente pour justifier son statu quo.
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