Le Japon s’oriente vers la fin des taux négatifs

La Banque du Japon pourrait avoir assez de données d’ici à décembre pour trancher, a déclaré son gouverneur Kazuo Ueda. Une décision potentiellement lourde de conséquences sur les taux longs mondiaux.
BoJ Banque du Japon Tokyo
La Banque du Japon à Tokyo.  -  Crédit Bloomberg.

Le Japon va peut-être prochainement fermer la parenthèse des taux directeurs négatifs. Le gouverneur de la banque centrale, Kazuo Ueda, a déclaré ce week-end au journal Yomiuri Shinbun que l’institution pourrait mettre fin à sa politique de taux d’intérêt négatifs si elle était convaincue que les prix continuent à augmenter parallèlement aux salaires. Dans sa première interview à un organe de presse depuis sa prise de fonction en avril dernier, l’ancien élève de Stanley Fisher a également indiqué que la Banque du Japon (BoJ) pourrait prendre sa décision dès la fin de l’année si elle dispose de données suffisantes.

La BoJ continue de faire évoluer sa politique monétaire, alors que l’inflation semble s’installer au-dessus de sa cible de 2%. Elle a relâché cet été son contrôle de la courbe des taux à 10 ans, dans une communication volontairement floue, faisant penser qu’elle pourrait laisser ce taux flotter jusqu’à 1%, en fonction de ses objectifs. Compte tenu de la déclaration de Kazuo Ueda, cette limite pourrait être abandonnée dès le mois prochain, selon les économistes de Deutsche Bank, qui tablaient jusqu’ici sur avril 2024. Ces mêmes analystes ont avancé leurs anticipations de relèvement du taux directeur de décembre à janvier 2024.

Les actifs japonais ont positivement réagi à cette annonce, à l’exception des actions. La devise nippone a gagné 1% face à l’américaine, à 146,4 yens pour un dollar, tandis que le taux à dix ans atteint désormais 0,705%, un plus haut depuis 2013. Sur les actions cotées, la progression de 4,7% de l’indice sectoriel des banques n’a pas empêché le Nikkei de reculer de 0,43% à 32.607 points.

Mais c’est sur les marchés de taux mondiaux que les conséquences de cette décision pourraient être les plus lourdes. La remontée des taux longs au Japon pourrait pousser les investisseurs résidents à rapatrier leurs avoirs et donc à vendre des emprunts d’Etat étrangers. Le rebond des taux longs aux Etats-Unis et en zone euro cet été serait en partie dû au relâchement du contrôle de la courbe des taux nippone, selon les observateurs.

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Le salaire réel des Japonais continue de diminuer

Le tempo du gouverneur semble toutefois faire avant tout penser à un soutien indirect à la devise japonaise. «Les commentaires de M. Ueda ont peut-être pour but d’essayer de gagner du temps», estiment dans une note les analystes de Mitsubishi UFJ Financial Group (MUFG), alors que le yen a perdu plus de 10% par rapport au dollar depuis le début de l’année. Cette rhétorique «hawkish» s’inscrit dans les pas du ministère des Finances japonais, qui a défendu le yen la semaine dernière en déclarant que toutes les options étaient sur la table pour lutter contre les mouvements «spéculatifs» contre sa devise. Pour MUFG, les investisseurs devraient donc désormais davantage se méfier du fait que «la BoJ pourrait subir davantage de pressions de la part du gouvernement pour présenter des plans de resserrement de sa politique et de hausse des taux» si le yen continuait à s’affaiblir.

De fait, plusieurs indicateurs et prévisions ne sont pas orientés en faveur d’une hausse des taux à court terme. Les projections d’inflation de la BoJ prévoient un ralentissement de la hausse des prix anticipée à 1,9% sur l’exercice 2024, qui va d’avril à mars, puis à 1,5% pour 2025. De plus, la forte révision à la baisse du PIB pour le deuxième trimestre en fin de semaine dernière a fait ressortir que l’économie japonaise était maintenue à flot par ses exportations. La croissance entre avril et juin 2023 a été abaissée à 4,8%, bien en-deçà de l’estimation initiale, qui était de 6%, et du consensus de révision, qui tablait sur 5,5%. La croissance des exportations a été maintenue à +1,8%, sur une période durant laquelle les doutes envers la Chine n'étaient pas encore présents. A l’inverse, ses dépenses d’investissements ont finalement ralenti de 1% par rapport au premier trimestre, contre 0% selon la première estimation officielle. La demande intérieure a, elle aussi, été réévaluée à la baisse, de 10 points de base, à -0,6%.

Mais surtout, la croissance mensuelle des salaires ne permet toujours pas de compenser l’inflation. Pour le mois de juillet, les travailleurs japonais ont vu leur paie augmenter de 1,3%, quand l’inflation a progressé de 3,3%, selon des données publiées ce 8 septembre. Il s’agit pour eux du 16ème mois consécutif de perte de pouvoir d’achat. Et cette baisse des salaires réels « devrait peser sur la reprise de la consommation », notent les chercheurs d’UBS. Les analystes de MUFG pensent toutefois que l’amélioration des salaires devrait « donner davantage confiance à la BoJ qu’une plus forte inflation peut s’installer d’ici la fin de l’année ». Les négociations salariales vont donc être cruciales pour que le Japon puisse revenir en territoire positif.

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