
La Banque d’Angleterre enclenche la deuxième

La Banque d’Angleterre (BoE) a toujours une surprise dans son chapeau. Elle a relevé jeudi, comme prévu, son principal taux directeur de 25 points de base (pb), à 0,5%, mais la décision n’a pas été unanime car quatre des neuf membres du Comité de politique monétaire (MPC) ont opté pour un relèvement de 50 pb. Parallèlement, elle va commencer à réduire son bilan en ne réinvestissant plus les futures tombées des obligations qu’elle détient et vendra la totalité de son portefeuille d’obligations corporate (20 milliards de livres sterling) d’ici fin 2023. «Tout ce qu’entreprend la Fed, la BoE en fait encore davantage», ironise James Smith, économiste chez ING.
La BoE est la première des principales banques centrales à avoir initié son cycle de hausse des taux. Il s’agit de sa deuxième hausse après celle de décembre et la première fois depuis 2004 qu’elle opère deux relèvements consécutifs. Quand la Fed relèvera ses taux en mars, la BoE les aura déjà haussés à deux reprises et aura débuté la réduction de son bilan (quantitative tightening, QT) tandis que la Banque centrale européenne (BCE) négocie difficilement un virage plus restrictif.
Si le tour de vis de 25 pb était largement anticipé par les investisseurs, la divergence au sein du MPC a surpris par son ton plus restrictif. «Le résultat le plus surprenant est que quatre membres ont voté pour une hausse des taux de 50 points de base», relève Erik Norland, économiste chez CME. Cela signifie que la banque centrale adoptera une position de resserrement un peu plus agressive que ne le pensaient les investisseurs. «C’est une évolution plus restrictive alors que le pic d’inflation est attendu en avril à plus de 7%, ce qui incite plusieurs membres à agir plus fortement et plus vite», analyse Henry Cook, économiste chez MUFG.
Pic d’inflation
La banque centrale a relevé ses prévisions d’inflation pour cette année et anticipe désormais un pic en avril de 7,25%, au lieu de 6% auparavant. Elle devrait atteindre 7% au deuxième trimestre et 5,8% sur l’ensemble de l’année, soit 2,4 points de plus par rapport aux prévisions précédentes. Elle s’est élevée à 5,4% en décembre 2021.
Cette flambée des prix est principalement liée à celle de l’énergie qui devrait atteindre un point haut en avril avec l’ajustement des tarifs de l’énergie. Jeudi, avant l’annonce par la BoE de sa décision, le régulateur britannique de l’électricité et du gaz, Ofgem, a annoncé un bond de 54% de la facture d’énergie pour un foyer type, soit une hausse de 700 livres, ce qui devrait être compensé en partie par des aides publiques (programme de 9 milliards de livres). A cela s’ajoutent les pressions sur les salaires dans un marché du travail tendu. La BoE a également revu en hausse ses prévisions de croissance des salaires de 1,25% à 3,75% pour 2022.
«Il est clair que la BoE juge nécessaire d’agir de manière préventive et de constituer une couverture contre le risque d’ancrage des taux d’inflation élevés actuels, relève James Smith. La hausse des taux d’aujourd’hui sera suivie par d’autres lors des réunions de mars et de mai.» Les anticipations de hausse de taux ont augmenté, les prix dans le marché monétaire suggérant désormais un taux de 1,5% en fin d’année, au lieu de 2023 avant la décision de la BoE, soit cinq hausses de 25 pb en 2022.
Un resserrement moins agressif reste possible
La banque centrale anticipe un net ralentissement de la croissance, de l’emploi et donc des prix à moyen terme, ce qui incite les économistes à la prudence sur le rythme des hausses à venir. La banque centrale prévoit une hausse du chômage de 4% à 5% et révise en baisse ses prévisions de croissance (3,75% en 2022 au lieu de 5% en novembre et 1,25% au lieu de 1,5% en 2023). «Encore plus surprenant, le MPC anticipe une inflation de 1,6% à la fin de sa période de prévision (premier trimestre 2025) inférieure à sa cible de 2%», note HSBC. Le marché anticipe 2,1%.
«Comme Andrew Bailey (le gouverneur de la BoE) l’a noté, la hausse des taux n’est pas due au fait que l'économie s’emballe, observe Henry Cook. La reprise économique post-pandémique pourrait commencer à paraître moins soutenue alors que les ménages sont confrontés à une forte compression des revenus réels. Alors que les prix de l'énergie ont grimpé en flèche, les espoirs d’un boom des dépenses reposant sur l'épargne se sont estompés. Désormais, les coûts d’emprunt plus élevés seront un frein supplémentaire.»
Dans ce contexte plus incertain, le marché pourrait surestimer la capacité de la BoE à resserrer sa politique monétaire. Les économistes de MUFG et d’ING estiment qu’elle marquera une pause à 1%, d’autant qu’elle enclenchera à partir de ce niveau la vente des obligations non encore arrivées à maturité et détenues dans son bilan. «Il s’agit d’un territoire inexploré pour toutes les banques centrales des marchés développés et cela pourrait s’avérer considérablement plus difficile que de simplement mettre fin aux réinvestissements, notamment si la BoE devait vendre dans une période de turbulences sur les marchés», affirme James Smith.
Jeudi, l’ensemble de la courbe des taux britanniques a grimpé. Les taux courts (2 ans) des Gilts ont progressé à 1,13% (+11 pb) et les taux longs (10 ans), à 1,36% (+11 pb).
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Doha - Le Hamas a accusé jeudi les Etats-Unis d'être «complices» des frappes israéliennes au Qatar contre des responsables du mouvement islamiste palestinien, estimant que l’attaque visait à torpiller les négociations pour une trêve à Gaza. «Ce crime était (...) une mise à mort de l’ensemble du processus de négociation», a affirmé un responsable du Hamas, Fawzi Barhoum, dans une déclaration télévisée, au moment où se déroulaient les funérailles des six personnes tuées dans le raid. «Nous affirmons que l’administration américaine est pleinement complice de ce crime», a-t-il ajouté. L’attaque sans précédent menée par Israël au Qatar mardi visait des responsables du Hamas réunis dans un complexe résidentiel en plein cœur de Doha, la capitale de ce pays du Golfe allié des Etats-Unis. Le Qatar a affirmé avoir été informé par Washington «10 minutes» après l’attaque, qui a suscité une rare réprimande du président américain Donald Trump, pourtant allié d’Israël, qui a dit être «très mécontent». L’administration Trump a affirmé n’avoir été notifiée qu'à la dernière minute «par l’armée américaine». «J’ai immédiatement demandé à l'émissaire spécial Steve Witkoff d’informer le Qatar de l’attaque imminente, ce qu’il a fait, mais malheureusement trop tard pour arrêter» les frappes, a-t-il dit. Le Qatar accueille le bureau politique du Hamas depuis 2012, avec la bénédiction des Etats-Unis qui cherchaient alors à maintenir un canal de communication avec le groupe classé terroriste par la plupart des pays occidentaux. Funérailles sous haute sécurité L'émir du Qatar, Cheikh Tamim bin Hamad Al Thani, a participé jeudi aux funérailles aux côtés de dizaines d’hommes en tenue traditionnelle qatarie, et d’autres en civil ou en uniforme. Un cercueil ceint d’un drapeau qatari, et cinq autres drapés aux couleurs palestiniennes ont été placés dans la mosquée Cheikh Mohammed ben Abdel Wahab de la ville, selon les images diffusées par la chaîne Qatar TV. Les autorités ont renforcé les mesures de sécurité, installant des points de contrôle tout autour de la mosquée. Le Hamas a affirmé que les dirigeants du mouvement avaient survécu à l’attaque, mais a fait état de six morts: le fils du négociateur en chef Khalil al-Hayya, le chef du bureau de M. Hayya, trois gardes du corps et un policier qatari. Le ministère qatari de l’Intérieur a confirmé la mort du caporal Badr Saad Mohammed Al-Humaidi Al-Dosari, membre de ses forces de sécurité intérieure, ainsi que de trois autres personnes. Fawzi Barhoum a en outre indiqué que l'épouse du négociateur en chef du Hamas, la femme de son fils décédé et ses petits-enfants avaient été blessés dans l’attaque du bâtiment où ils résidaient. Selon les images visionnées par l’AFP, rien ne permettait de confirmer visuellement la présence de Khalil Al-Hayya aux funérailles. Selon des sources du Hamas, six dirigeants dont Khalil al-Hayya, Khaled Mechaal, ancien numéro un, et Zaher Jabarine, responsable du mouvement en Cisjordanie, étaient dans le bâtiment au moment de l’attaque. L’AFP n’est parvenue à joindre aucun d’eux depuis. Doha réévalue son rôle Le petit Etat gazier, qui abrite la plus grande base américaine de la région, joue le rôle de médiateur dans la guerre entre Israël et le Hamas à Gaza, aux côtés de l'Égypte et des États-Unis. Mais après les frappes israéliennes, le Premier ministre qatari, Mohammed ben Abdelrahmane Al-Thani, a affirmé que son pays «réévalu(ait) tout» concernant son rôle de médiateur, annonçant la tenue prochaine d’un sommet arabo-islamique à Doha pour discuter de la réponse à l’attaque israélienne. Il a en outre estimé mercredi que son homologue israélien, Benjamin Netanyahu, devrait être traduit en justice. Les frappes israéliennes ont choqué les riches monarchies du Golfe, qui ont longtemps misé sur les Etats-Unis pour garantir leur sécurité, et suscité de nombreuses condamnations internationales. Ali CHOUKEIR © Agence France-Presse