
En matière de biodiversité, le pragmatisme est de mise

La biodiversité est devenue une cause mondiale et les accords internationaux visant à la préserver se multiplient. Le secteur financier n’est pas en reste, et s’engage sur le sujet, comme en témoigne le programme des deuxièmes Rencontres d’actualité sur la biodiversité organisées par L’Agefi le 16 mars à la Maison de l’Océan. «Depuis douze ans, la cause de la biodiversité a progressé dans les consciences auprès du grand public, des médias, du monde politique et économique», relevait Marguerite Culot, directrice des programmes, du développement stratégique et des relations institutionnelles chez Finance for Tomorrow dans nos colonnes en décembre dernier.
En 2021, les travaux de l’IPBES (Intergovernmental Science-Policy Platform on Biodiversity and Ecosystem Services), menés conjointement avec le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l'évolution du climat), ont permis de sensibiliser les dirigeants réunis à l’occasion de la COP26 de Glasgow à ces enjeux. La déclaration finale a, pour la première fois, reconnu la contribution des écosystèmes en tant que puits et réservoirs de gaz à effet de serre, et l’importance de les protéger pour atteindre l’objectif d’une augmentation maximale des températures de 1,5°C.
1 million d’espèces menacées
Un an plus tard, en décembre 2022, la COP 15 Biodiversité au Canada a dressé un constat alarmant. Un million d’espèces sont menacées d’extinction, 75% de la surface terrestre est altérée de manière significative et 85 % des zones humides ont disparu. L’accord adopté par 196 Etats à l’issue de cette COP comporte un engagement à conserver «au moins 30% des terres, des eaux douces et des océans dans le monde, tout en respectant les droits des peuples autochtones et des communautés locales».
Combattre la déforestation est l’un des chantiers communs à la lutte contre le réchauffement climatique et à la préservation de la biodiversité. Cause de la libération dans l’atmosphère du CO2 stocké par les arbres, la déforestation est responsable d’environ 10% des émissions de gaz à effet de serre mondiales. Il y a quatre siècles, 66% des terres étaient recouvertes de forêt, contre seulement 31% actuellement, selon la FAO (Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture). 420 millions d’hectares de forêts, soit une superficie supérieure à celle de l’Union européenne, ont été perdus en raison de la déforestation entre 1990 et 2020.
Depuis 2014, plusieurs accords ont été signés avec l’objectif de mettre fin à la déforestation, sans succès. Le règlement élaboré par l’Union européenne et visant à lutter contre la déforestation importée, tente d’aborder la question d’une autre manière. Les importations de l’Union européenne représentent 16% de la déforestation liée au commerce mondial, ce qui en fait le deuxième destructeur mondial de forêts tropicales derrière la Chine et devant les Etats-Unis, selon les estimations du WWF. Les entreprises commercialisant du soja, du bœuf, de l’huile de palme, du bois, du caoutchouc, du cacao et du café, ainsi que certains produits dérivés comme le cuir, le chocolat et les meubles, devront apporter la preuve que leurs produits n’ont pas contribué à la déforestation. Après un accord intervenu en décembre 2022, le texte définitif devrait prochainement être soumis au vote du Parlement. Ce texte est considéré en l’état injuste par certains pays en développement, à l’instar de la Côte d’Ivoire. Si 90% de la surface forestière ont disparu ces 60 dernières années au bénéfice de terres agricoles, le pays met en avant le caractère stratégique du secteur agricole, qui représente plus de 20% de son PIB.
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Principe de réalité
Malgré ces avancées, la question de la préservation de la souveraineté nationale, ravivée par les conséquences du conflit russo-ukrainien, place les pays développés face à des réalités, et des prises de décisions, pouvant interroger sur leur capacité à respecter leurs engagements. Lors de la campagne pour les présidentielles américaines, Joe Biden avait promis l’arrêt des forages sur les terrains appartenant à l’Etat fédéral. Dans les faits, des permis n’ont jamais cessé d’être délivrés depuis son élection. Les terrains situés en Alaska faisaient figure d’exception. Une enquête sur les impacts environnementaux avait été confiée au BLM (Bureau of Land Management). La publication du rapport final, le 1er février dernier, a convaincu le Département de l’Intérieur d’autoriser le «projet Willow» et l’exploitation par la compagnie ConocoPhillips de gisements acquis dès 2018.
«L’arrivée de l’administration Biden a pu être perçue comme un changement de paradigme des Etats-Unis sur les enjeux environnementaux. Ce début d’année 2023 nous démontre que le débat est en fait loin d’être tranché, comme nous avons pu le voir avec la volonté du Sénat de bloquer le projet de loi sur l’inclusion de critères ESG dans les fonds de retraite (401k), et maintenant cette autorisation du projet Willow», a réagi Axel Pierron, directeur associé de Sustainalytics.
En Europe, la Commission européenne a dressé une cartographie des ressources connues en minerais stratégiques, disponibles et non exploitées. «Nous nous sommes donné un objectif d’extraction en Europe, en essayant d’accélérer les permis», a expliqué le commissaire au Marché intérieur Thierry Breton, qui s’est voulu rassurant sur la volonté de l’Union européenne de respecter sa stratégie en faveur de la biodiversité, présentée en mai 2020. «Nous ne transigerons pas sur les contraintes environnementales», a-t-il affirmé. Nul doute que la proposition législative de la Commission sur les minerais critiques, lorsqu’elle sera rendue publique, sera passée au peigne fin par les parties prenantes.
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Immigration clandestine : raid policier dans une usine Hyundai-LG aux Etats-Unis, près de 500 arrestations
Washington - Près de 500 personnes, dont une majorité de Sud-Coréens, ont été arrêtées par la police de l’immigration dans une usine de fabrication de batteries des groupes sud-coréens Hyundai et LG dans l’Etat de Géorgie (sud-est), soupçonnées de travailler illégalement aux Etats-Unis. Le raid, mené jeudi, résulte d’une «enquête pénale liée à des accusations de pratiques d’embauche illégales et à de graves infractions fédérales», a expliqué vendredi Steven Schrank, un agent du service d’enquêtes du ministère américain de l’Intérieur, au cours d’une conférence de presse. Il s’agit de «la plus importante opération des forces de l’ordre sur un même site de toute l’histoire du service des +Homeland Security Investigations+ (+Enquêtes sur la sécurité intérieure+)», a-t-il affirmé, s’exprimant d’Atlanta, dans l’Etat de Géorgie. Les 475 personnes arrêtées dans cette usine, située dans la ville d’Ellabell, se «trouvaient aux Etats-Unis de manière illégale» et «travaillaient illégalement», a affirmé M. Schrank, soulignant que la «majorité» d’entre elles étaient de nationalité sud-coréenne. Sollicité par l’AFP aux Etats-Unis, le constructeur automobile a répondu être «au courant du récent incident» dans cette usine, «surveiller étroitement la situation et s’employer à comprendre les circonstances spécifiques» de cette affaire. «A ce stade, nous comprenons qu’aucune des personnes détenues n'était directement employée par le groupe Hyundai», a-t-il poursuivi, assurant donner «priorité à la sécurité et au bien-être de quiconque travaille sur ce site et au respect de toutes les législations et réglementations». De son côté, LG Energy Solution a affirmé suivre «de près la situation et recueillir toutes les informations pertinentes». «Notre priorité absolue est toujours d’assurer la sécurité et le bien-être de nos employés et de nos partenaires. Nous coopérerons pleinement avec les autorités compétentes», a ajouté cette entreprise. La Corée du Sud, la quatrième économie d’Asie, est un important constructeur automobile et producteur de matériel électronique avec de nombreuses usines aux Etats-Unis. Mission diplomatique Une source proche du dossier avait annoncé quelques heures plus tôt, de Séoul, qu’"environ 300 Sud-Coréens» avaient été arrêtés pendant une opération du Service de l’immigration et des douanes américain (ICE) sur un site commun à Hyundai et LG en Géorgie. De son côté, l’agence de presse sud-coréenne Yonhap avait écrit que l’ICE avait interpellé jusqu'à 450 personnes au total. Le ministère sud-coréen des Affaires étrangères avait également fait d'état d’une descente de police sur le «site d’une usine de batteries d’une entreprise (sud-coréenne) en Géorgie». «Plusieurs ressortissants coréens ont été placés en détention», avait simplement ajouté Lee Jae-woong, le porte-parole du ministère. «Les activités économiques de nos investisseurs et les droits et intérêts légitimes de nos ressortissants ne doivent pas être injustement lésés dans le cadre de l’application de la loi américaine», avait-il poursuivi. Séoul a envoyé du personnel diplomatique sur place, avec notamment pour mission de créer un groupe de travail afin de faire face à la situation. Les autorités sud-coréennes ont également fait part à l’ambassade des Etats-Unis à Séoul «de (leur) inquiétude et de (leurs) regrets» concernant cette affaire. En juillet, la Corée du Sud s'était engagée à investir 350 milliards de dollars sur le territoire américain à la suite des menaces sur les droits de douane de Donald Trump. Celui-ci a été élu pour un second mandat en novembre 2024, en particulier sur la promesse de mettre en oeuvre le plus important programme d’expulsion d’immigrés de l’histoire de son pays. Depuis, son gouvernement cible avec la plus grande fermeté les quelque onze millions de migrants sans papiers présents aux Etats-Unis. Au prix, selon des ONG, des membres de la société civile et jusqu’aux Nations unies, de fréquentes violations des droits humains. D’Atlanta, le Bureau de l’alcool, du tabac, des armes à feu et des explosifs (ATF) a expliqué sur X avoir participé à l’arrestation d’environ 450 «étrangers en situation irrégulière» au cours d’une opération dans une usine de batteries, une coentreprise entre Hyundai et LG. Selon son site internet, Hyundai a investi 20,5 milliards de dollars depuis son entrée sur le marché américain en 1986 et compte y investir 21 milliards supplémentaires entre 2025 et 2028. L’usine d’Ellabell a été officiellement inaugurée en mars, avec l’objectif de produire jusqu'à 500.000 véhicules électriques et hybrides par an des marques Hyundai, Kia et Genesis. Elle devrait employer 8.500 personnes d’ici à 2031. © Agence France-Presse