
Contre l’immobilisme, la motion de censure des marchés

De deux maux choisissons le moindre. Au lendemain du second tour des législatives, qui a accouché d’un Parlement éparpillé façon puzzle, il règne sur les marchés financiers un calme étrange, mâtiné de résignation. Le coût de la dette française est stationnaire, l’indice CAC 40 montre un encéphalogramme plat. Les investisseurs sont soulagés d’avoir évité les scénarios du pire qui auraient donné, soit au Nouveau Front populaire, soit au Rassemblement national, et à leurs programmes économiques délirants, les clés du pays. Mais la crise institutionnelle qui menace n’a rien pour les rassurer.
Passé l’éphémère front républicain, l’Assemblée nationale se prépare au risque de blocage permanent. La cacophonie qui régnait sur les plateaux des chaînes de télévision dimanche soir dès vingt heures, les stratégies individuelles qui, au sein même de chaque camp, se dessinent en vue des prochaines échéances électorales, témoignent de l’incapacité de la classe politique à se hisser à la hauteur de l’événement. Quelle que soit la coalition disparate forgée au sortir des urnes, la multiplicité et l’indiscipline naturelle de ses composantes en accroîtront la fragilité.
D’ici à 12 mois, le délai nécessaire avant toute autre dissolution, voire à la présidentielle de 2027, une chose au moins est certaine : rien ne sera entrepris qui permette de redresser la trajectoire des finances publiques. Affligée d’une dette et d’un déficit qui la rangent parmi les cancres de la zone euro, incapable de tenir les promesses faites à ses partenaires à Bruxelles, la France se condamne à l’inéluctable dégradation de sa qualité de crédit. Un déclassement déjà lisible dans les écarts de rendement entre émetteurs souverains européens.
A la veille du second tour, Mario Monti expliquait comment l’Italie avait choisi fin 2011 de confier son sort à un gouvernement de technocrates, en pleine crise de la zone euro. L’urgence financière, la menace existentielle pesant sur la monnaie unique, avaient convaincu tous les partis politiques de s’en remettre à plus expert et responsable qu’eux pour éviter la faillite. A l’époque, «lo spread» était passé dans le langage courant et faisait l’ouverture des journaux télévisés transalpins.
Nous n’y sommes pas encore en France, où les coûts d’emprunt par rapport à l’Allemagne n’ont pas atteint ce seuil de douleur. Tant mieux pour l’économie et les entreprises, tant pis pour ceux qui espèrent que la vigilance des investisseurs obligataires ramène les démagogues à la raison. Gare cependant à l’accalmie trompeuse du lendemain d’élections. Contre la tentation de l’immobilisme, les marchés pourraient être plus prompts que prévu à censurer l’inconséquence des dirigeants politiques français.
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Voitures électriques : un coup de pouce de 1 000 euros pour les modèles à batteries « made in Europe »
Paris - Les acheteurs de certaines voitures électriques pourront, à partir du 1er octobre, recevoir un bonus supplémentaire de 1.000 euros si elles sont dotées de batteries européennes, un coup de pouce annoncé lundi par le gouvernement qui doit aussi soutenir les fabricants européens de batteries face à la concurrence chinoise. Cette «prime complémentaire exceptionnelle», annoncée avant la chute attendue du gouvernement de François Bayrou, porte le montant du bonus écologique à 5.200 euros au maximum. Elle sera réservée à l’achat d’une voiture équipée d’une batterie européenne, ont indiqué dans un communiqué les ministres de la Transition écologique Agnès Pannier-Runacher et de l’Industrie Marc Ferracci. «Avec cette augmentation de 1.000 euros du bonus écologique, nous valorisons les véhicules électriques dont les batteries sont produites en Europe et dont la fabrication émet moins de gaz à effet de serre, a souligné Mme Pannier-Runacher. C’est une mesure gagnant-gagnant pour le pouvoir d’achat, le climat et l’industrie.» Après de fortes baisses ces dernières années, et surtout la suppression de la prime à la casse, le bonus écologique pour l’achat d’un véhicule électrique avait été revalorisé le 1er juillet de 200 à 1.200 euros selon les revenus, pour atteindre une aide d’environ 4.200 euros pour les ménages les moins riches. La liste des véhicules éligibles sera publiée «dans les prochains jours» sur le site de l’agence française de la transition écologique, l’Ademe. «Signal clair aux constructeurs» Cette «mesure emblématique» permet de «concrétiser la préférence européenne» «face à une forte concurrence internationale» et «d’envoyer un signal clair aux constructeurs automobiles pour qu’ils se fournissent auprès d’usines européennes de batteries», a expliqué le cabinet de M. Ferracci à l’AFP. Comme le bonus écologique, cette prime ne dépendra pas du budget de l'État, en quête d'économies, mais sera financée par des certificats d'économie d'énergie (CEE), sur le principe du pollueur-payeur visant les fournisseurs d'énergie. Selon Bercy, plus de 850.000 bonus écologiques ont été attribués pour l’achat d’une voiture électrique depuis 2020, représentant un soutien de près de 5 milliards d’euros. Pour Benoit Lemaignan, cofondateur du fabricant de batteries français Verkor, ce coup de pouce «récompense ceux qui font l’effort» de produire en Europe, «dans une approche circulaire», a-t-il déclaré à l’AFP. C’est un «signal positif» qui va «mettre en cohérence le consommateur, le citoyen et le salarié», juge le dirigeant dont les batteries équiperont les prochaines Renault Alpine. L’annonce du gouvernement, qui vise également "à soutenir l’emploi industriel sur [le] continent» européen, d’après le communiqué, survient à quatre jours d’une réunion à Bruxelles sur l’avenir de l’industrie automobile européenne, alors que le secteur se divise sur l’objectif de 100% de véhicules électriques pour les voitures neuves vendues dans l’Union européenne (UE) à partir de 2035. Depuis plusieurs mois, certains constructeurs automobiles (BMW, Mercedes-Benz), confrontés au frein des ventes de modèles électriques, à la concurrence chinoise, aux droits de douane américains et à la chute des bénéfices mondiaux, remettent en cause l’interdiction d’ici dix ans de la vente de voitures neuves à essence ou diesel, hybrides comprises au sein de l’UE. Ils ont été rejoints ce week-end par l’Italien Antonio Filosa, patron de Stellantis (Peugeot, Fiat, Jeep), quatrième constructeur automobile mondial. Les trois groupes prônent une transition plus flexible et diversifiée dans les types de motorisation pour préserver l’industrie automobile européenne. Au contraire, plus de 150 entreprises - constructeurs de véhicules électriques, fabricants de batteries ou opérateurs de recharge - ont appelé lundi la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen à «ne pas reculer». Elles plaident pour le développement de la production de batteries made in UE et pour des incitations à l’achat de véhicules électriques «intelligentes et cohérentes entre les États membres». Julie COSTE © Agence France-Presse