L’Europe avance seule sur l’intégration du risque climat dans le cadre prudentiel bancaire

L’Autorité bancaire européenne examine la possibilité de calibrer les exigences de capital en fonction des impacts ESG. La Banque d’Angleterre refuse un traitement dédié.

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L'Europe veut prendre en compte les risques climatiques, comme ici les inondations, dans la réglementation prudentielle des banques.  -  © UE CA/Denis Lovrovicf

C’est le nouveau cheval de bataille des banques européennes. Alors que l’Union européenne négocie la transposition de Bâle 3, la Commission a mandaté l’Autorité bancaire européenne (EBA) afin d’étudier comment intégrer les risques climatiques au pilier 1, c’est-à-dire aux exigences de fonds propres. Alors que son rapport doit être remis dans les prochains mois, pour une entrée en vigueur prévue en juin 2026, les banques redoutent que l’Europe ne s’éloigne de l’esprit originel de l’accord du comité de Bâle… pour suivre des orientations politiques.

L’EBA se penche sur l’évaluation des risques physiques, comme les inondations qui menacent les biens immobiliers, et des risques de transition, qui peuvent conduire à déprécier des actifs. Elle examine également l’opportunité de créer un traitement prudentiel dédié en fonction de critères ESG (environnement, social, gouvernance). «Le débat est le suivant : faut-il pénaliser les activités considérées comme moins durables avec une surcharge en capital ou faut-il récompenser les banques exposées aux activités vertes en allégeant leur charge en capital ?», explique Thomas Verdin, directeur associé du pôle Banques chez BM&A UK.

L’Europe «raisonne de manière binaire»

Les ambitions de Bruxelles soulèvent une question fondamentale : la réglementation prudentielle est-elle le cadre approprié pour inciter les banques à verdir leurs activités ? «L’objectif des accords de Bâle n’est pas d’interdire aux banques de prendre des risques, mais de s’assurer qu’elles ont le capital nécessaire pour le faire», rappelle Thomas Verdin. Le comité de Bâle a, par ailleurs, rappelé en décembre 2022 que le cadre permettait déjà de tenir compte de l’impact climatique puisque le risque physique est intégré à l’évaluation des risques opérationnels des banques.

«Avec sa taxonomie verte, l’Europe raisonne de manière très binaire : il y a les actifs verts et les actifs bruns, alors qu’il faudrait raisonner en termes de transition», réagit-on au sein d’une grande banque française. Recalibrer la réglementation prudentielle en fonction d’objectifs ESG pourrait même entraîner des effets pervers. «En rendant les activités vertes attractives avec un bénéfice en capital, on risque de provoquer une bulle. Inversement, si on pénalise les activités marrons, les banques vont céder leurs portefeuilles, ce qui ne changera rien pour le climat. Cela risque même d’entraîner des défauts dans les secteurs concernés», met en garde cette même source.

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D’après son pré-rapport rendu en mai 2022, l’EBA devrait déconseiller d’imposer une surcharge en fonds propres pénalisante sur les activités brunes et privilégierait une approche en douceur, au titre du pilier 2 sur la gouvernance des risques.

Mais l’incertitude nourrit les inquiétudes des banques européennes. En creux, se cache la question de la compétitivité du secteur alors que les Etats-Unis et le Royaume-Uni devraient se contenter de respecter l’esprit bâlois à la lettre.

La Banque d’Angleterre a choisi son camp. Son vice-gouverneur Sam Woods a déclaré ce mardi devant des députés britanniques qu’il était «de plus en plus sceptique» à l’idée de créer «un coussin de capital dédié à absorber le risque climatique». Les tests de résistance climatiques, dont les résultats ont été publiés outre-Manche en mai 2022, ont en effet mis en exergue que le changement climatique n’était pas de nature à entamer la résilience des banques. La banque centrale devrait préciser sa position d’ici peu. Reste à voir si le législateur européen continuera de faire cavalier seul.

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