
Les grandes manœuvres s’intensifient dans le secteur bancaire

Après l’annonce du projet de fusion entre CaixaBank et Bankia et les marques d’intention d’Unicaja et Liberbank, les observateurs voyaient d’un bon œil un rapprochement entre Banco Sabadell et BBVA. L’hypothèse tient désormais la route.
Lundi soir, BBVA a en effet confirmé au régulateur boursier espagnol CNMV (Comisión Nacional del Mercado de Valores) qu’il «maintenait des conversations avec des représentants de Banco Sabadell» sur un éventuel projet de fusion. La banque, qui indique agir avec l’autorisation de son conseil d’administration, a entamé un processus de due diligence et nommé des conseillers externes. JPMorgan aurait été mandaté, selon Reuters. Pour l’heure, BBVA précise qu’aucune décision n’a été prise.
La confirmation des pourparlers de fusion avec Sabadell n’est pas vraiment une surprise. Pas plus que le timing : BBVA dispose maintenant des liquidités nécessaires à ce rachat.
Liquidités disponibles
Plus tôt dans la journée, le numéro deux bancaire espagnol a annoncé la vente de ses opérations outre-atlantique BBVA USA Bancshares à PNC Financial pour 11,6 milliards de dollars en numéraire. Sur ces bases, la transaction valorise BBVA USA à 134% de sa valeur comptable.
L’établissement, qui espère conclure cette transaction d’ici mi-2021, va conserver sa division de private equity spécialisée dans la fintech Propel Venture Partners et ses opérations de broker dealer BBVA Securities. BBVA continuera aussi à opérer ses activités de BFI au travers de sa succursale new-yorkaise.
Pour BBVA, l’aventure américaine avait démarré en février 2007 par le rachat de Compass Bancshares Inc pour 9,6 milliards de dollars. Treize ans après, le rêve américain s’est mué en cauchemar : BBVA a dû passer une charge de dépréciation de 2,1 milliards d’euros (2,5 milliards de dollars) au premier trimestre 2020, qui faisait suite à une dépréciation de 1,45 milliard d’euros au cours du trimestre précédent. De quoi agacer les investisseurs, déjà lassés par la faible rentabilité de ces activités, qui représentent moins de 10 % des bénéfices du groupe.
La cession de ses opérations américaines permet à BBVA de booster de 294 points de base ses fonds propres fully loaded CET 1, de 11,52 % à 14,46 %, soit quelque 8,5 milliards d’euros, et d’enregistrer un impact positif de 580 millions d’euros sur ses profits nets.
Lors d’une réunion avec les analystes, la direction de BBVA a évoqué hier l’augmentation des versements de dividendes, y compris des rachats d’actions «substantiels» et des déploiements «rentables» dans des marchés existants. Les analystes ont aussitôt parié sur l’hypothèse d’un rachat des participations minoritaires de BBVA dans sa filiale turque Garanti BBVA dans laquelle elle possède déjà 49.9 %.
L’autre option envisagée, qui semble maintenant se dessiner, était celle du rapprochement avec Banco Sabadell. Cette transaction pourrait, selon Jefferies, «permettre à BBVA d'élargir sa présence auprès des PME et de conquérir de fortes parts de marché dans les régions espagnoles». Dans son analyse, la banque d’investissement n’exclut pas quelques complications, et notamment la présence de TSB, filiale britannique de Sabadell, ainsi que d’éventuels problèmes de concurrence en Catalogne. Si la fusion se matérialise, elle créerait un nouveau géant doté de 965 milliards d’euros d’actifs et présent en Espagne, au Mexique, en Colombie, au Pérou, en Turquie et au Royaume-Uni.
Consolidation américaine
Pour PNC, l’opération se révèle tout aussi stratégique, alors que la société vient de céder sa participation de 22,4% dans BlackRock pour 15 milliards de dollars. Avec cette acquisition, la banque prend une nouvelle dimension géographique. Le déploiement de BBVA et celui de PNC apparaissent complémentaires. PNC, historiquement originaire de Pittsburgh et de Philadelphie sur la côte Est, s’enrichit des implantations de BBVA dans tout le Sud des Etats-Unis. Les zones de recouvrement entre les deux réseaux apparaissent relativement limitées. Seules quelques grandes villes comme Dallas, Houston, ou encore Tempa en Floride regroupent des succursales des deux réseaux. A l’issue de l’opération, PNC deviendra la cinquième banques américaine avec, au 30 septembre, 564,2 milliards de dollars à son actif, dont 102,4 issus de BBVA. Les deux réseaux seront regroupés sous la seule marque PNC.
La banque évalue les frais relatifs à l’acquisition à environ 980 millions de dollars, mais cette somme sera rapidement amortie puisque les synergies sont estimées à 900 millions en année pleine en 2022, soit l’équivalent de 35% des coûts de BBVA USA. C’est donc surtout sur ces économies de coûts que la banque mise pour assurer le succès de cette fusion, notamment du côté des infrastructures informatiques. Lors d’une présentation faite aux analystes, William Demchak, le président de la banque, et Robert Reilly, son directeur financier, ont souligné à plusieurs reprises la capacité de PNC à mener la fusion de différents réseaux. Ils ont notamment vanté le succès de l’intégration de RBC en 2012, ou celui de National City en 2008.
Ce rapprochement constitue la deuxième plus grande opération de fusion dans le domaine bancaire aux Etats-Unis après la crise de 2008, derrière le rachat de SunTrust Bank par BB&T en février 2019 pour 28,2 milliards de dollars.
Depuis plusieurs années, le retour d’une vague de fusions dans le secteur bancaire est anticipé aux Etats-Unis. Elles sont cependant restées rares. Cette transaction, si elle réussit, pourrait bien signifier la reprise des grandes opérations après la crise sanitaire.
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