
Le crédit immobilier dans les starting-blocks

Si les emprunteurs ne frappent pas aux portes des banques, alors les banques iront à eux. Alors que depuis 2022 les flux de crédit accordés aux particuliers pour l’achat immobilier ont fondu, les banques ont – enfin – rouvert les vannes. Depuis le mois de décembre dernier, le mouvement continu de hausse des taux d’emprunts observé depuis mi-2022 s’est arrêté.
«Nous avons constaté à ce moment-là qu’aucune banque n’avait augmenté ses taux. Certaines d’entre elles ont même commencé à les baisser et ce mouvement s’est accentué à partir du mois de janvier», explique Sandrine Allonier, spécialiste de l’immobilier et porte-parole de plusieurs courtiers. «Nous sommes passés de taux sur 20 ans à 4,45% en novembre à 4,05% en moyenne en janvier et sous la barre des 4% en février», constate pour sa part Maël Bernier, porte-parole de Meilleurtaux. Même si une pause est attendue au mois de mars, dans l’attente d’une baisse des taux directeurs de la Banque centrale européenne, la concurrence revient sur le marché du crédit.
Un retour de l’offre en force
Certaines banques qui n’avaient plus envoyé d’offres de barèmes depuis parfois plusieurs années aux courtiers, sont revenues sur le marché. Il n’était pas rare, ces dernières années, que des établissements bancaires annoncent vouloir se passer des courtiers. Ce n’est plus le cas aujourd’hui.
Même si les institutions qui ne travaillent historiquement pas ou peu avec les courtiers comme LCL ou BNP Paribas, continuent de faire cavalier seul, les autres reviennent. C’est le cas, par exemple, de la Société Générale, de certaines Banques Populaires, ou de caisses de Crédit Agricole qui ouvrent de nouvelles conventions. Le retour le plus emblématique observé ces derniers mois est celui du nouveau CCF, issu de la vente du réseau de HSBC France à My Money Group. «Nous n’avons jamais autant vu les banques depuis un an et demi qu’actuellement. Elles nous sollicitent sans arrêt pour que nous leur envoyions des dossiers», constate Sandrine Allonier. La situation est donc très différente de 2023, lorsque seuls quelques établissements, comme les Caisses d’Epargne, le Crédit Agricole ou le Crédit Mutuel étaient réputés être dynamiques sur les crédits aux particuliers. «Certaines banques commencent même à solliciter directement des agents immobiliers alors que cela faisait des années qu’elles ne le faisaient plus», assure la professionnelle.
Non seulement les banques sont désormais bien présentes sur ce marché, mais leurs objectifs sont élevés. «Les prêteurs sont prêts à aller au-delà de leurs barèmes pour les bons dossiers, qui peuvent descendre jusqu’à 3,6% sur 20 ans», déclare Maël Bernier. Autre preuve de la motivation des banques à prêter, elles ont dans l’ensemble tendance à augmenter les rétrocessions aux intermédiaires depuis quelques mois, souffle un professionnel du secteur.
Ensuite, même si les conditions d’octroi n’ont pas fondamentalement changé, du fait de la diminution du nombre de dossiers, les banques ont davantage le temps de les examiner. Elles apparaissent plus ouvertes aujourd’hui qu’en 2022, lorsque les demandes hors renégociations de prêts étaient au plus haut et qu’elles se concentraient sur les meilleurs profils. «Les banques s’intéressent davantage aux profils atypiques, même si elles restent prudentes sur les apports, exigeant toujours que l’acquéreur finance au moins 10% du bien et que les travaux de rénovation thermique soient pris en compte dans le plan de financement», explique Sandrine Allonier.
Pénurie de dossiers
Ne manque plus maintenant que l’afflux de dossiers de crédits. Ce qui n’est pas encore le cas. «Nous sommes encore à -15% d’activité par rapport à l’année dernière, constate Sandrine Allonier. C’est mieux que les -30% de la fin de l’année dernière, mais les emprunteurs ne sont pas encore revenus». Si certains ménages sont redevenus solvables du fait de la baisse des taux, tous ne sont pas au rendez-vous. Loin de là, même si Maël Bernier évoque «un frémissement en régions, de gens qui avaient reporté leurs projets».
Et les mesures récemment proposées par le gouvernement pour redynamiser le crédit – comme la possibilité pour un emprunteur de solliciter un réexamen d’un dossier refusé ou le développement de prêts in fine pour les particuliers – sont déjà décriées. «Le réexamen des dossiers s’apparente juste à un coup de communication», estime un professionnel du secteur. Les conditions sont très strictes, et il n’y a pas de véritables raisons pour qu’un dossier refusé passe après réexamen».
Quant à la création de prêts in fine, évoquée par le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu au mois de février, la proposition a été tuée dans l’œuf par le gouverneur de la Banque de France lui-même. «Sur la question du crédit immobilier, j’ai appelé à une certaine prudence sur les prêts remboursables in fine. Ces derniers sont plus risqués puisqu’ils prolongent la durée d’endettement des ménages ; ils sont donc en général plus coûteux, et les banques demandent généralement plus de garanties. Ils sont déjà juridiquement possibles en France, mais se sont peu développés pour cette raison», a déclaré François Villeroy de Galhau sur le réseau Linkedin à peine cette proposition avait-elle été formulée.
Malgré cela, les courtiers veulent croire que la baisse des taux fera redémarrer le marché du crédit. «Les prochaines statistiques du mois de février seront certainement mauvaises, mais la reprise se constatera les mois suivants», assure l’un d’eux. Même si, maintenant, les vendeurs pourraient anticiper l’arrêt de la baisse des prix et être tentés d’attendre avant de vendre leur bien.
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Réassurance : prix en baisse mais secteur stable face aux catastrophes et émeutes
Paris - Les réassureurs, qui se retrouvent à partir de samedi pour plusieurs jours à Monaco pour leurs traditionnels «Rendez-vous de septembre», s’apprêtent à faire face à une baisse des prix dans ce secteur, qui ne bousculera toutefois pas leur stabilité, selon les analystes. Les réassureurs, dont le métier consiste à assurer les assureurs, commencent à l’automne les négociations annuelles avec leurs clients assureurs sur le montant des primes que ces derniers leur versent. En échange, les réassureurs prennent en charge une partie des risques portés par les assureurs, en se positionnant sur les risques les plus extrêmes et moins fréquents (tempêtes, feux de forêt, émeutes, attentats terroristes...). En 2024, le marché de la réassurance mondiale s'élevait à 400 milliards de dollars, près de 20 fois moins que celui de l’assurance traditionnelle. Lors des précédentes années, les principaux réassureurs mondiaux, comme Munich Re ou Swiss Re, avaient imposé une hausse des prix et établi des conditions tarifaires et contractuelles qui leur étaient plus favorables. Mais, selon les analystes, le pic des prix de la réassurance est aujourd’hui passé. «On a atteint un point haut en 2024. Et depuis, on le voit au niveau du renouvellement (des contrats), les prix ont tendance à baisser», a expliqué à l’AFP Manuel Arrivé, de l’agence de notation Fitch. «On pense que cette tendance va perdurer» car «il y a une dynamique d’offre et de la demande de plus en plus en faveur des assureurs et en défaveur des réassureurs». L’agence de notation considère que le secteur sera «détérioré» en 2026. Elle met entre autres en avant l’augmentation des coûts des sinistres. Ceux des incendies dévastateurs de Los Angeles, évalués à 40 milliards de dollars, pèsent eux seuls pour la moitié des sinistres liés aux catastrophes naturelles. «On a déjà 80 milliards (de dollars) de sinistres à fin juin. Il fait peu de doute qu’on va dépasser 100 milliards avec le deuxième semestre», a précisé Alexis Valleron, délégué général de l’Association des professionnels de la réassurance en France (Apref), devant la presse vendredi. 2024 a été la cinquième année consécutive où le coût des sinistres des périls naturels a dépassé 100 milliards de dollars dans le monde. Risque émeutes en hausse Face à la multiplication des catastrophes naturelles, la plupart des réassureurs ont décidé ces dernières années de moins s’exposer à certains périls. Dans ce contexte, les réassureurs peuvent compter sur leurs capitaux. S&P Global considère «le secteur mondial de la réassurance comme stable, soutenu par le capital robuste des réassureurs, des marges de souscription solides, des rendements d’investissement élevés et des perspectives de bénéfices encore favorables au-dessus du coût du capital du secteur», décrit l’agence de notation dans un rapport. Les dirigeants de l’Apref ont également évoqué le risque émeutes après des années marquées par les troubles sociaux en France, notamment en 2023 après la mort de Nahel, adolescent tué par un tir policier, ou l’insurrection en Nouvelle-Calédonie à l'été 2024. Les émeutes en Nouvelle-Calédonie ont, à elles seules, coûté un milliard d’euros aux assureurs (dont 500 millions aux réassureurs), sur un coût total des dégâts estimé à 2,2 milliards. Le bilan des émeutes de l'été 2023 en France avait été de 730 millions d’euros (200 millions pour les réassureurs). Selon un article des Echos publié jeudi, le gouvernement prévoit de créer un fonds de réassurance pour couvrir les dégâts liés aux émeutes, sur le modèle du régime des catastrophes naturelles. «Il faut qu’il y ait une définition précise et il faut savoir ce que prendra en charge un mécanisme d’Etat», a insisté Dominique Lauré, vice-président de l’Apref. Selon lui, «il faut qu’il y ait une incitation au maintien de l’ordre pour l’Etat». Et non pas «un mécanisme qui fait que l’Etat n’a finalement plus intérêt à maintenir l’ordre puisque les conséquences économiques sont prises en charge par un fonds», estime celui qui est également directeur général adjoint de Liberty Mutual Reinsurance. Maryam EL HAMOUCHI © Agence France-Presse -
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