La finance non régulée nourrit la vigilance du superviseur français

Aurélie Abadie

Avec un ratio de solvabilité élevé, à 14,7% pour les six banques françaises à fin juin 2022, le secteur est suffisamment solide pour absorber les chocs, jugent les superviseurs. Mais la montée du risque en provenance d’acteurs financiers non régulés, qui échappent aux contraintes appliquées aux banques en matière de solvabilité et de liquidité, ne doit pas être négligée. «La volatilité observée sur les marchés financiers, sur les commodities énergétiques, les actions et les obligations ne permet pas d’écarter le risque d’un accident de marché, que nous concevons comme un vecteur de risque systémique», réagit le Haut Conseil à la stabilité financière (HCSF) à l’occasion de la publication de son rapport annuel. «L’attention se porte sur les acteurs non bancaires les moins bien régulés, comme les hedge funds et les family offices car ces fonds ont un levier excessif qui peut conduire à des chocs de liquidité importants», ajoute-t-on au sein de l’autorité macroprudentielle. La faillite du family office Archegos, qui a mis notamment en difficulté Credit Suisse et Nomura, en est l’illustration. Le chef des investissements d’Amundi Vincent Mortier a, par ailleurs, alerté dans les colonnes du Financial Times sur les dangers d’un levier caché dans le système financier. Selon lui, les récentes turbulences provoquées par les fonds de pension britanniques devraient agir comme une «piqûre de rappel» pour les investisseurs et les régulateurs. Si les banques ont plutôt bien traversé la crise du Covid, en restaurant leur rentabilité, et résistent jusqu’ici aux effets indirects de la guerre en Ukraine, comme en témoignent leurs résultats exceptionnels au premier semestre, elles ne sont donc pas à l’abri d’une nouvelle secousse. «Le risque de contrepartie est un point de vigilance important», reconnaît le HCSF. Les banques interagissent comme contreparties avec ces acteurs non régulés dans la fourniture de liquidités sur les opérations de repo, dans l’accès au marché des dérivés via les contrats futures sur les commodities, ainsi que via les chambres de compensation dont elles sont membres. Mesurer l’effet de levier caché dans le système reste toutefois difficile en raison du manque de transparence des intermédiaires non bancaires. Comme le rappelle Vincent Mortier, «cela est beaucoup plus difficile qu’en 2007 car le levier s’est déplacé des banques vers d’autres parties du système moins régulées». Des interconnexions limitées entre cryptos et finance traditionnelle Le HCSF s’inquiète, par ailleurs, de la montée en puissance des acteurs de la crypto qui ont échappé jusqu’ici à la régulation. Même si «les interconnexions avec la finance traditionnelle sont encore limitées», le HCSF estime que leur «croissance erratique» comporte «des risques pour la stabilité financière». Ces derniers sont «intrinsèques à ces produits», note le HCSF qui énumère: «la très forte volatilité, l’effet de levier, la gouvernance opaque, et les risques opérationnels». Si le HCSF ne considère pas l’écosystème crypto comme un risque systémique «de par sa taille relativement limitée», il reconnaît que «le manque de données fiables qui caractérise le secteur et la croissance des canaux de contagion du fait de l’intérêt croissant des acteurs institutionnels doivent conduire à la prudence». Pour le moment, ces canaux de transmission entre les cryptos et la finance traditionnelle se font via le développement de services de règlement en cryptoactifs par les géants du paiement mais aussi via «l’importance croissante prise par les cryptos dans les stratégies de certains investisseurs tels que les hedge funds, les gestionnaires de fortune et plus largement certains gestionnaires d’actifs», note le HCSF. «L’usage des dérivés sur crypto permet d’obtenir des expositions significatives grâce à un fort effet de levier, source potentielle de gains mais aussi de risques accrus», ajoute l’autorité. D’autre part, «une partie significative» des réserves sous-jacentes des principaux stablecoins restent adossés à du papier commercial émis en dollar. «Il a été établi que le marché du papier commercial est partiellement corrélé avec la demande de stablecoins, et plus largement qu’une hausse des émissions de ces actifs peut avoir un impact sur les instruments financiers plus traditionnels», rappelle le HCSF.

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