
GameStop met la régulation boursière à rude épreuve

Le dossier GameStop déchaîne les passions : il pourrait être le «short squeeze» le plus spectaculaire de l’histoire car opéré à l’initiative de boursicoteurs plus souvent habitués à se faire «tondre» en Bourse par les professionnels… Cette fois, ils ont pris leur revanche sur les hegde funds, dont les fortes positions à la baisse sur le titre du distributeur de jeux vidéo se sont violemment retournées contre eux. L’affaire a pris une telle ampleur que les autorités américaines des marchés ont prévu de s’y intéresser pour vérifier que les règles boursières n’ont pas été mises à mal.
Des particuliers, appuyés par des traders aguerris, se sont ligués sur des forums en ligne comme WallStreetBets du site Reddit pour faire monter les enchères face aux hedge funds Melvin Capital et Citron Research. Une action interdite ? «Quand un hedge fund ‘shorte’ un titre et laisse ensuite filtrer des informations sur des problèmes comptables ou d’éventuelles malversations pour gagner avant de couper sa position, c’est de la finance… quand des particuliers se retrouvent autour d’une bière, pardon, dans un forum, et décident d’acheter sauvagement les titres et options sur une valeur ultra ‘shortée’ par les professionnels de la finance, c’est une bulle», ironise un gérant. Pourtant, dans les deux cas, «si des intervenants ont des actions ou diffusent des informations qui peuvent créer une entrave à l’équilibre ‘naturel’ du cours, cela s’appelle une manipulation de cours et c’est théoriquement répréhensible», rappelle Julien Visconti, avocat spécialisé chez Visconti & Grundler.
Cours artificiel
«Le règlement européen, proche du règlement américain sur la question, définit notamment la manipulation de cours comme la fixation du cours d’un actif à un niveau anormal ou artificiel. C’est généralement assez difficile à trancher. Mais avec une telle envolée du cours (multiplié par 20) sans annonce fondamentale, stimulée par des achats d’options complètement ‘hors de la monnaie’ dans le but de provoquer ce dysfonctionnement, le cas GameStop paraît évident», estime Paul Oudin, avocat chez Vermeille & Co et doctorant à l’Université d’Oxford.
«Ce dossier symbolique paraît difficilement imputable aux nombreux particuliers ainsi dispersés, à moins qu’il ne soit prouvé qu’ils suivaient le conseil de tel ou tel investisseur avisé qui pourrait, lui, être mis en cause», poursuit Julien Visconti, en référence à un expert cité sur le forum. «S’ils s’entraident tous via l’utilisation d’une plateforme de réseaux sociaux, ils sont effectivement engagés dans un système d’informations croisées et de pompage et vidage d’actifs [pump-and-dump : une sorte de pyramide de Ponzi où les derniers arrivés risquent de grosses pertes liées au réajustement du marché, ndlr]. Et ces traders ne font aucun effort pour dissimuler leur intention apparente de manipuler le prix des actions», a déclaré au WSJ Daniel Hawke, associé chez Arnold & Porter Kaye Scholer et ancien responsable de l’unité abus de marché de la Securities and Exchange Commission (SEC).
Les courtiers se couvrent
Sophie Vermeille, avocate du hedge fund Muddy Waters, qui a dû couvrir par précaution une vaste partie de ses positions vendeuses en Europe, notamment sur Solutions 30, de peur que la pratique ne se répande de ce côté de l’Atlantique, a aussi épinglé un certain «Perrie31» sur un forum de Boursorama : se présentant comme un ancien analyste (Barclays, Credit Suisse) et professeur de finance, il lançait un appel aux petits porteurs «à prendre (leur) revanche sur les vendeurs à découvert»…
Le courtier TD Ameritrade a bloqué les transactions sur certaines valeurs comme GameStop et AMC, tandis que Schwab, Robinhood et Interactive Brokers les ont restreintes, mais sans doute davantage pour des problèmes techniques liés aux couvertures nécessaires qu’à des craintes juridiques. Les utilisateurs de ces plateformes de courtage, notamment Robinhood, très utilisé par les jeunes boursicoteurs depuis l’an dernier, ont crié à l’injustice, en rappellant que Citadel, le fonds qui est venu au secours de Melvin Capital en début de semaine, est aussi l’un des premiers clients de Robinhood.
Certains avocats américains s’attendent à une enquête de la SEC sur les «personnes clés» de cette affaire, même si le gendarme des marchés a pour l’instant simplement déclaré qu’il surveillait la volatilité des marchés d’options et d’actions. «Les régulateurs (SEC et CFTC aux Etats-Unis, Autorité des marchés en France) vont peut-être répondre par un rappel des règlementations. Mais on imagine mal des poursuites ‘pour le compte des hedge funds’ contre ces tout petits ordres de centaines de particuliers, surtout dans le contexte politique actuel», estime Paul Oudin, alors que l’action GameStop corrigeait de près de 400 dollars jeudi à moins de 240 dollars… Après être montée jusqu'à 483 dollars.
Une frustration probable pour les professionnels qui ne pourraient se permettre de telles pratiques. Mais aussi un sujet de réflexion pour les autorités, sachant que les suspensions temporaires de cotation sur les Bourses autorégulées n’ont pas mis fin à ces mouvements brutaux.
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Immigration clandestine : raid policier dans une usine Hyundai-LG aux Etats-Unis, près de 500 arrestations
Washington - Près de 500 personnes, dont une majorité de Sud-Coréens, ont été arrêtées par la police de l’immigration dans une usine de fabrication de batteries des groupes sud-coréens Hyundai et LG dans l’Etat de Géorgie (sud-est), soupçonnées de travailler illégalement aux Etats-Unis. Le raid, mené jeudi, résulte d’une «enquête pénale liée à des accusations de pratiques d’embauche illégales et à de graves infractions fédérales», a expliqué vendredi Steven Schrank, un agent du service d’enquêtes du ministère américain de l’Intérieur, au cours d’une conférence de presse. Il s’agit de «la plus importante opération des forces de l’ordre sur un même site de toute l’histoire du service des +Homeland Security Investigations+ (+Enquêtes sur la sécurité intérieure+)», a-t-il affirmé, s’exprimant d’Atlanta, dans l’Etat de Géorgie. Les 475 personnes arrêtées dans cette usine, située dans la ville d’Ellabell, se «trouvaient aux Etats-Unis de manière illégale» et «travaillaient illégalement», a affirmé M. Schrank, soulignant que la «majorité» d’entre elles étaient de nationalité sud-coréenne. Sollicité par l’AFP aux Etats-Unis, le constructeur automobile a répondu être «au courant du récent incident» dans cette usine, «surveiller étroitement la situation et s’employer à comprendre les circonstances spécifiques» de cette affaire. «A ce stade, nous comprenons qu’aucune des personnes détenues n'était directement employée par le groupe Hyundai», a-t-il poursuivi, assurant donner «priorité à la sécurité et au bien-être de quiconque travaille sur ce site et au respect de toutes les législations et réglementations». De son côté, LG Energy Solution a affirmé suivre «de près la situation et recueillir toutes les informations pertinentes». «Notre priorité absolue est toujours d’assurer la sécurité et le bien-être de nos employés et de nos partenaires. Nous coopérerons pleinement avec les autorités compétentes», a ajouté cette entreprise. La Corée du Sud, la quatrième économie d’Asie, est un important constructeur automobile et producteur de matériel électronique avec de nombreuses usines aux Etats-Unis. Mission diplomatique Une source proche du dossier avait annoncé quelques heures plus tôt, de Séoul, qu’"environ 300 Sud-Coréens» avaient été arrêtés pendant une opération du Service de l’immigration et des douanes américain (ICE) sur un site commun à Hyundai et LG en Géorgie. De son côté, l’agence de presse sud-coréenne Yonhap avait écrit que l’ICE avait interpellé jusqu'à 450 personnes au total. Le ministère sud-coréen des Affaires étrangères avait également fait d'état d’une descente de police sur le «site d’une usine de batteries d’une entreprise (sud-coréenne) en Géorgie». «Plusieurs ressortissants coréens ont été placés en détention», avait simplement ajouté Lee Jae-woong, le porte-parole du ministère. «Les activités économiques de nos investisseurs et les droits et intérêts légitimes de nos ressortissants ne doivent pas être injustement lésés dans le cadre de l’application de la loi américaine», avait-il poursuivi. Séoul a envoyé du personnel diplomatique sur place, avec notamment pour mission de créer un groupe de travail afin de faire face à la situation. Les autorités sud-coréennes ont également fait part à l’ambassade des Etats-Unis à Séoul «de (leur) inquiétude et de (leurs) regrets» concernant cette affaire. En juillet, la Corée du Sud s'était engagée à investir 350 milliards de dollars sur le territoire américain à la suite des menaces sur les droits de douane de Donald Trump. Celui-ci a été élu pour un second mandat en novembre 2024, en particulier sur la promesse de mettre en oeuvre le plus important programme d’expulsion d’immigrés de l’histoire de son pays. Depuis, son gouvernement cible avec la plus grande fermeté les quelque onze millions de migrants sans papiers présents aux Etats-Unis. Au prix, selon des ONG, des membres de la société civile et jusqu’aux Nations unies, de fréquentes violations des droits humains. D’Atlanta, le Bureau de l’alcool, du tabac, des armes à feu et des explosifs (ATF) a expliqué sur X avoir participé à l’arrestation d’environ 450 «étrangers en situation irrégulière» au cours d’une opération dans une usine de batteries, une coentreprise entre Hyundai et LG. Selon son site internet, Hyundai a investi 20,5 milliards de dollars depuis son entrée sur le marché américain en 1986 et compte y investir 21 milliards supplémentaires entre 2025 et 2028. L’usine d’Ellabell a été officiellement inaugurée en mars, avec l’objectif de produire jusqu'à 500.000 véhicules électriques et hybrides par an des marques Hyundai, Kia et Genesis. Elle devrait employer 8.500 personnes d’ici à 2031. © Agence France-Presse