Assurance emprunteur : les banques conservent l’avantage

Entrée en vigueur il y a un an, la loi Lemoine, permettant de changer d’assureur à tout moment, a vu son impact limité en 2023 par le ralentissement de la production de crédit et les stratégies de défense des banques.
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Les banques continuent de garder la main sur l'assurance emprunteur malgré la loi Lemoine, selon une étude de Securimut  -  Image Gert Altmann/Pixabay

La loi Lemoine n’a pas produit de big bang sur le marché de l’assurance emprunteur. Entrée en vigueur le 1er septembre 2022, la possibilité pour les emprunteurs de résilier leur contrat à tout moment devait faciliter les substitutions d’assurance et leur faire gagner du pouvoir d’achat en faisant jouer la concurrence. Mais, un an après, les banques détiennent toujours 88% de ce marché.

La communication entourant l’entrée en vigueur de la loi a pourtant dynamisé les demandes de substitution d’assurance, qui ont crû de 65% entre septembre et la fin de l’année 2022, révèle Securimut, la filiale de la Macif, dans son étude annuelle sur l’état du marché, basée sur sa propre production. Mais, passé cet emballement, les changements d’assurance en cours de prêt ont vite ralenti, la hausse des demandes n’étant plus que de 25% au premier trimestre 2023.

Les stratégies de rétention des banques

La faute, notamment, au ralentissement de la production de crédit observé en 2022 dans le contexte de remontée des taux, qui se répercute sur les demandes de substitution d’assurance en 2023. La faute, aussi, aux «stratégies de rétention des banques», pointe Securimut. Ces dernières ont, par exemple, tendance à faire traîner leurs réponses aux emprunteurs demandant une résiliation, ou à «occasionner des enchaînements de courriers dans la moitié des demandes», dénonce encore l’étude.

Alors que le délai de réponse sous 15 jours calendaires est inscrit dans la loi, les banques françaises sont loin d’être exemplaires en la matière. 65% des réponses effectuées au premier trimestre 2023 ont respecté ce délai légal, soit 10 points de moins qu’au premier trimestre 2022. La situation par banque est néanmoins contrastée. Certains établissements ont renforcé leurs process de traitement et mis en place des back-offices spécialisés. BPCE a, par exemple, renforcé la centralisation de traitement sur certaines filiales. LCL, qui détenait jusque-là des records de non-réponse aux emprunteurs souhaitant résilier, répond aujourd’hui avec les meilleurs délais du marché : à 87% dans un délai de 15 jours.

Au premier trimestre 2023, 45% des demandes de substitution d’assurance ont fait l’objet d’une acceptation directe de la part des banques, 77% ont été acceptées en deux courriers de la banque et 23% nécessitent d’aller chercher l’explication, pointe encore Securimut.

La délégation à la signature du prêt chute

Les banques conservent surtout l’avantage à la signature du prêt. Dans un marché où le pouvoir d’achat immobilier se réduit en raison de la remontée des taux, le pouvoir de négociation du candidat à l’emprunt reste limité. Dès avril 2022, soit deux mois après le début de la guerre en Ukraine, Securimut a constaté dans sa production un décrochage du nombre de demandes de délégation d’assurance à la souscription du prêt. Sur les quatre derniers mois de 2022, la baisse est de 30% et au premier trimestre 2023, de plus de 40%.

«La faiblesse de l’externalisation d’assurance reste marquante depuis des années chez deux gros producteurs de crédit, le Crédit Agricole et le Crédit Mutuel-CIC», pointe notamment Securimut. Le taux d’externalisation n’est que 10% pour le premier et 15% pour le second, alors qu’ils détiennent 24% de parts de marché dans la production de nouveaux crédits.

Contourner le taux d’usure

La problématique du taux d’usure, qui a fortement pesé sur l’accès au crédit immobilier dans le contexte de remontée des taux, n’est pas non plus étrangère à ce phénomène. En effet, l’assurance emprunteur est incluse avec les autres frais dans le calcul du TAEG qui ne doit pas excéder le taux d’usure. Les emprunteurs les plus âgés, dont l’assurance emprunteur est donc mécaniquement plus chère, car leurs risques de décès et d’incapacité sont plus élevés, ont pu se retrouver écartés de l’accès au crédit immobilier. Face à cette problématique, les banques ont consenti, dans certains cas, à une délégation d’assurance permettant d’en faire baisser le coût et de rentrer dans les clous. Mais elles ont surtout, dénonce Securimut, mis en place des stratégies de contournement afin de baisser le montant de l’assurance pris en compte dans le TAEG, tout en faisant payer à leurs clients un niveau de couverture élevé.

«Seule l’assurance exigée par la banque pour prêter est intégrée au TAEG. (…) Depuis quelques années, il est fréquent que les emprunteurs soient invités à souscrire une assurance avec une quotité de 100% chacun (200% du montant du crédit assuré pour un couple) et que la moitié seulement du coût soit intégrée au TAEG. L’exigence de la banque étant alors en réalité qu’un emprunteur sur les deux soit assuré, ou bien que chacun soit assuré à 50% », explique Securimut. Le Crédit Mutuel serait particulièrement habile à ce jeu, dénonce encore la filiale de la Macif, qui aimerait bien conquérir davantage de parts de marché. Le bancassureur «n’intègre plus que le tiers de l’assurance vendue dans le TAEG de ses crédits, ce qui non seulement lui permet de déjouer efficacement le taux de l’usure, mais trompe la comparaison avec les crédits de ses concurrents prêteurs».

Baisse des garanties

La filiale de la Macif met, enfin, en garde contre la baisse des garanties standard dans les contrats des banques. La loi Lemoine impose aux assureurs dits «alternatifs» de proposer une couverture «à garanties équivalentes». Or, les banques continuant de dominer le marché de l’assurance emprunteur à la souscription du prêt, ce sont elles qui dictent le niveau de couverture. Si celui-ci baisse, il pourrait contraindre les assureurs alternatifs à s’aligner ou à exercer une concurrence déloyale vis-à-vis d’acteurs qui proposent généralement un niveau de garanties plus élevé. Securimut constate que «certaines garanties essentielles ont disparu de leur contrat de base pour se voir proposées en option et pas toujours exigées. C’est le cas notamment du contrat du Crédit Agricole qui ne prévoit plus une franchise de 90 jours systématique en incapacité de travail, mais propose des options à 60, 90 et 180 jours. La Banque Postale exclut désormais les affections dorso-psy de façon large alors qu’elle les prenait en charge sans condition jusqu’ici».

Tandis que les assureurs alternatifs ne relâchent pas leurs efforts, les pure players en ligne comme le courtier Magnolia ou l’assurtech Assurly rappellent, à grand renfort de communication, qu’ils peuvent proposer des contrats «jusqu’à trois fois moins chers que ceux des banques». Le message sera-t-il suffisamment entendu des emprunteurs ?

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