
Le recrutement se tend dans les fintechs

La matière grise finira-t-elle par faire défaut aux fintechs françaises ? Ce qui est sûr, c’est que les quelque 2,3 milliards d’euros levés l’an dernier, en hausse de 174% par rapport à 2020, visent d’abord à étoffer les équipes. Qui, en trois ans, ont fait plus que doubler (+131 %). Selon l’étude publiée fin 2021 par France FinTech, 10.000 embauches (hors étranger) sont envisagées pour 2022, ce qui porterait les effectifs du secteur à près de 40.000 salariés. Et peut-être 10.000 de plus en 2023. Une prévision toute relative, précise Alain Clot, président de l’association (lire ‘La Parole à...’), qui a, lui, « le sentiment que cela pourrait aller plus vite que prévu ».
Dans le détail, les besoins actuels concernent en premier lieu les profils «tech» (35% des intentions de recrutements), loin devant les commerciaux (14%). Suivent les services client (13%), les produits (12%), les opérations (11%) et les services marketing et communication (9%). Les services ressources humaines, financiers et juridiques devraient se répartir à parts égales les 6% d’embauches restantes.
Concurrence féroce
La forte proportion d’emplois qualifiés ne facilite pas la tâche des fintechs, souligne Alain Clot, qui observe un allongement des délais de recrutement ces six derniers mois. Giulia Mazzolini, responsable pour la France de la plateforme d’investissement européenne Bitpanda, en convient : «Il est de plus en plus difficile de recruter de nouveaux talents. La concurrence est féroce avec toutes les entreprises technologiques, et les candidats alliant compétences et expérience se font rares.»
«Aujourd’hui, cela ne freine pas le développement de notre activité, considère cependant le président de France FinTech, qui met en avant l’attractivité du secteur. Mais le besoin de profils ‘tech’ est tel que la situation pourrait bien se tendre d’ici à quelques trimestres. »
Cette hypercroissance dans un contexte post-Covid où les salariés, dans leur ensemble, ont revu leurs priorités impose en tout cas aux entreprises de travailler leur offre employeur. Selon une enquête de recrutement multisectorielle publiée par HelloWork le 10 mai, les quelque 1.700 candidats interrogés réclament de la transparence sur les offres d’emploi. Le premier élément, cité à 87 %, étant l’indication de la rémunération, devant la culture d’entreprise : ambiance, management, valeurs... (83 %), et les avantages financiers (68 %).
Bitpanda (près de 1.000 salariés) qui a ouvert plus de 300 postes en Europe, dont des profils marketing en France, dit miser avec succès sur cette transparence tout au long du processus de recrutement. « Nous expliquons clairement qui nous sommes et comment nous travaillons, déclare Giulia Mazzolini. La politique d’avantages sociaux la plus récente, y compris notre offre de congés illimités, est la cerise sur le gâteau. »
Mais les salaires sont le nerf de la guerre. Dans la fintech, ils montent depuis deux ans, « de manière contrôlée », assure Alain Clot. Plus tranché, Pierre-Antoine Dusoulier, directeur général et fondateur d’iBanFirst, observe « une véritable inflation sur certains métiers. Nous n’étions plus compétitifs en termes de rémunération et nous sommes en train d’y remédier, souligne-t-il. Nous avons notamment décidé d’augmenter de 25 % le salaire de base sur le métier de ‘sales’. Et nous allons l’indiquer dans nos offres. »
Des plans de carrièreS
Forte de plus de 250 salariés, la plateforme de paiement international dédiée aux entreprises, qui projette 150 recrutements cette année, est par ailleurs confrontée à « un turnover qui n’existait pas avant ». Elle dispose maintenant d’une équipe « talent acquisition » dédiée au sourcing des candidats. Les meilleurs canaux ? Beaucoup citent LinkedIn et Welcome to the Jungle. Mais aussi le site d’emploi de France FinTech et la cooptation.
Les cabinets de chasse de têtes sont appelés à la rescousse pour les profils pointus ou le démarrage d’une activité à l’étranger. Certaines fintechs s’adressent à des indépendants à l’international pour des missions de quelques mois, ainsi que le confirme Deel, qui gère tous les aspects contractuels, réglementaires et de paiement entre les entreprises et leurs prestataires, jusqu’à l’émission de la facture ou du bulletin de paie – en cas de portage salarial – pour les freelances.
Pierre-Antoine Dusoulier entend pour sa part construire une relation de long terme avec ses salariés. Outre son adhésion à l’avantageuse convention collective de la banque, iBanFirst offre désormais une flexibilité sur le télétravail pouvant aller jusqu’au « full remote » sur les postes techniques, ainsi que des plans de carrière pour chaque fonction, permettant aux collaborateurs de se projeter. « Nous avons par exemple fixé une dizaine de niveaux d’évolution dans la vente. Nous encourageons aussi beaucoup la mobilité interne via le ‘shadowing’ pour découvrir un métier qu’on ne connaît pas en suivant pendant quelques jours celui qui l’exerce. Le fait de pouvoir passer d’un département à un autre contribue à la rétention des talents et la démarche est très enrichissante pour l’entreprise elle-même. »
Détail non négligeable : des fintechs commencent aussi à se soucier de la santé mentale de leurs collaborateurs, passée au premier plan avec la crise sanitaire, confirme Nicolas Merlaud, cofondateur de la plateforme spécialisée Teale. « Les dirigeants ont compris qu’il y avait une attente et des besoins de la part des salariés, auxquels s’ajoute une pression des investisseurs pour que ces sujets soient pris en compte dès le début. »
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Pau - Après le vote de confiance lundi et la probable chute de son gouvernement, le retour de François Bayrou dans son fief de Pau ne sera «pas paisible», préviennent ses opposants qui axent déjà la campagne municipale sur «son budget brutal» et le scandale Bétharram. «Son passage à Matignon a montré toutes les limites de sa méthode et de sa façon de penser le monde, c’est un homme politique de la fin du XXe siècle», tance Jérôme Marbot (PS), chef de file de l’opposition municipale, candidat malheureux de la gauche et des écologistes au second tour en 2020 face à François Bayrou. «Il va payer le prix de ce budget si brutal pour les plus faibles», avec un effort financier de 44 milliards d’euros, renchérit l'écologiste Jean-François Blanco, avocat et autre figure d’opposition locale. Même si le maire de Pau, élu une première fois en 2014, n’a pas annoncé sa candidature -déclarant seulement dans les médias que ses «aventures» politiques n'étaient pas «finies"-, «il est déjà en campagne», considèrent ses opposants. «Pas un retour paisible» Lundi matin, pour la rentrée des classes, François Bayrou a visité deux écoles à Pau. «Tout le monde a compris qu’il serait candidat, ce n’est pas un sujet, mais il n’aura pas un retour paisible», lui promet M. Blanco, déjà candidat en 2020 (14% des suffrages au premier tour). Le contexte national est venu «percuter» la campagne des municipales, analyse-t-il également, anticipant un scrutin «très politique» en mars prochain. François Bayrou qui a, dès son arrivée à Matignon, souligné qu’il voulait rester maire de Pau, glissant que c'était un titre «plus durable» que celui de Premier ministre, a vanté plusieurs fois ces derniers mois (vœux aux habitants, conférences de presse), en vidéo, «les dix ans de réalisations» dans la ville. Depuis deux ans, et après plusieurs années de déclin, la préfecture des Pyrénées-Atlantiques a gagné 3.000 habitants, selon des chiffres de l’Insee, atteignant désormais près de 80.000 habitants. Jean-François Blanco, avocat de victimes de violences physiques et sexuelles à Bétharram, est convaincu que cette affaire qui empoisonne le chef du gouvernement, ministre de l’Education à l'époque d’une première plainte contre l'établissement privé béarnais où ont été scolarisés plusieurs de ses enfants, «sera un marqueur de la campagne» des municipales. «Elle aura des conséquences», abondent les Insoumis, qui reconnaissent à M. Blanco d’avoir «affronté Bayrou sur le terrain de Bétharram», en lien avec le député LFI Paul Vannier, corapporteur de la commission d’enquête parlementaire sur les violences en milieu scolaire au printemps. La gauche divisée Reste que si la gauche paloise parle beaucoup de «rassemblement» pour reprendre la ville, dirigée par le PS de 1971 à 2014, ce n’est encore qu’un vœu pieux. La France insoumise «ne discute pas avec le PS», le socialiste Jérôme Marbot veut fédérer en ayant «vocation à être tête de liste», mais sans «en faire une condition sine qua non», tandis que Jean-François Blanco, mandaté par Les Ecologistes, veut unir derrière lui. «La porte est ouverte», insiste Jérôme Marbot, qui revendique le soutien de six formations de gauche, dont Génération.s ou Place Publique. «On veut présenter un programme de gauche de rupture. L’union pour l’union, sans la cohérence, ça ne marchera pas», avertissent de leur côté les Insoumis palois Jean Sanroman et Jade Meunier. De l’autre côté de l'échiquier politique, le Rassemblement national, qui avait réuni moins de 7% des voix aux municipales d’il y a cinq ans, espère capitaliser sur son score des dernières législatives (29%) avec comme candidate Margaux Taillefer, 26 ans, arrivée du parti Reconquête d'Éric Zemmour, et dont le nom a été dévoilé samedi. François Bayrou «va être dépositaire de son échec au gouvernement, ce sera plus difficile pour lui qu’en 2020", espère Nicolas Cresson, représentant régional du RN. Carole SUHAS © Agence France-Presse