Stupeur et tremblements ! Après le choc du Brexit, l’électioninattendue de Donald Trump à la Maison Blanche a suscité une multitude d’interrogations quant à ses répercussions mondiales sur des problématiques comme le climat, l’économie ou encore les droits de l’homme. Le résultat des élections américaines augmente le niveau d’incertitude dans l’économie mondiale, a-t-on entendu de toutes parts. Pour cette raison, jusqu’à ce que les orientations économiques de l’administration Trump se dessinent plus clairement, il faut s’attendre à plus de volatilité sur les marchés. Même si les contours des orientations de la future administration ne sont pas encore très claires, les déclarations, parfois contradictoire du nouvel hôte de la Maison Blanche, donnent toutefois des lignes de force mises à profit par les spécialistes de la gestion pour proposer d’ores et déjà des scénarios qui pourront être, bien entendu, revus et corrigés dans les prochaines semaines. POINT DE VUE GÉNÉRALFabrizio Quirighetti, directeur des investissements et co-responsable de la gestion diversifiée chez Syz Asset Management : « Nous nous attendons à une volatilité élevée sur les marchés mondiaux dans les prochains jours, ce qui apporterait probablement des opportunités intéressantes si les valorisations finissent par atteindre des niveaux excessivement bas. »Keith Wade, chef économiste chez Schroders : « Les rendements obligataires pourraient augmenter à mesure que les investisseurs cherchent une plus grande compensation pour le risque d’inflation, alors que les marchés boursiers pourraient subir une correction. La volatilité devrait être importante alors que l’environnement de taux bas de ces dernières années, qui a soutenu, les valorisations des actions, arrive à son terme. […] Certains secteurs, tels que l’énergie et les services financiers, pourraient bénéficier d’une réglementation réduite. […] Plus largement, la perspective du protectionnisme et d’une croissance mondiale plus faible devrait pénaliser les marchés boursiers et les actifs à risque dans le monde entier. Les marchés émergents sont particulièrement vulnérables étant donné leur dépendance au commerce mondial. »Rob Marshall-Lee, responsable des actions émergentes et asiatiques chez Newton : « Nous anticipons une hausse des primes de risque sur la plupart des classes d’actifs.»MARCHES ACTIONSFlorian Ielpo, responsable de la recherche macro-économique, et Jeremy Gatto, trader chez Unigestion : « Sur le long terme, les stimulus fiscaux de Donald Trump devraient soutenir les actions américaines, en particulier les entreprises du secteur de l’énergie et les entreprise domestiques. »Sinead Colton, responsable de la stratégie d’investissement chez Mellon Capital, filiale de BNY Mellon Investment Management : « Le choc initial de la victoire de Donald Trump et le maintien d’une majorité républicaine à la Chambre des représentants pourraient entraîner des corrections sur les actifs risqués et le repli des marchés actions. » Nuno Teixeira, directeur des gestions institutionnelles et réseaux, Pôle d’expertise Investissement et solutions clients chez Natixis Asset Management : « Aujourd’hui, sur les marchés actions, il faut admettre que la hausse de l’incertitude politique suggère un ajustement à la hausse des primes de risque et une baisse des prix des actions, mais n’oublions pas que le S&P 500 a historiquement enregistré un rallye dans les trois mois suivant les élections présidentielles et que certaines propositions de Trump pourraient in fine être favorables aux marchés actions, comme son projet de ramener l’impôt sur les sociétés à seulement 15% (contre 35% actuellement) et son plan de relance des infrastructures publiques (près de 550 milliards de dollars sur 5 ans). »Fabrizio Quirighetti, directeur des investissements et co-responsable de la gestion diversifiée chez Syz Asset Management : « Les sociétés multinationales devraient être davantage touchées par la baisse des marchés actions par rapport aux sociétés nationales en raison de la politique commerciale protectionniste de Donald Trump. En conséquence, les petites capitalisations devraient surperformer les grandes capitalisations à l’échelle mondiale. […] D’un point de vue sectoriel, les entreprises industrielles (infrastructure) devraient faire preuve de plus de résistance en raison des anticipations de stimulus fiscaux. La consommation discrétionnaire devrait être déchirée entre les craintes d’une hausse du salaire minimum et les inquiétudes concernant le commerce mondial. Même chose pour les financières : la bonne nouvelle est que Trump devrait se montrer moins dur d’un point de vue réglementaire. »Mark Burgess, directeur des investissements et responsable mondial des actions, chez Columbia Threadneedle Investments : « Pour l’économie américaine domestique, les gagnants évidents seront les infrastructures, avec un focus sur les routes, les ponts, les aéroports et les secteurs qui bénéficieraient de fusions et acquisitions et d’une concentration sectorielle, ce qui enthousiasme Trump. Les financières bénéficieront de l’assouplissement de la réglementation Dodd-Frank, tandis que le secteur de la défense devrait prospérer. D’autres secteurs qui devraient bien se comporter incluent la consommation discrétionnaire, les biens de consommation, les télécommunications, l’énergie et les minières ».Christian Preussner spécialiste produits actions américaines chez J.P. Morgan Asset Management : « Côté actions, l’impact devrait être positif sur les secteurs de l’énergie et de la santé, ainsi que sur les services financiers, très bon marché, avec des retombées plutôt négatives sur les Reits (sociétés immobilières cotées, NDLR) qui ont été sorties du secteur des services financiers dans l’indice S&P. »MARCHE OBLIGATAIREFabrizio Quirighetti, directeur des investissements et co-responsable de la gestion diversifiée chez Syz Asset Management : « Une hausse des taux de la Réserve fédérale américaine est aujourd’hui moins certaine. Les rendements des bons du Trésor américains devraient chuter d’au moins 20 points de base. Les TIPS (obligations indexées sur l’inflation) devraient sous-performer dans cet environnement, ainsi que les marchés du crédit, alors que les spreads pourraient s’élargir. Même si l’élargissement des spreads peut sembler limité à ce stade, le crédit va sous-performer les obligations d’Etat. »Paul Brain, responsable de la gestion obligataire chez Newton : « Nous anticipons une hausse, certes modérée, de l’inflation sous la présidence de Trump en raison d’une augmentation attendue des dépenses de l’Etat fédéral. De ce fait, les TIPS américains sont attrayants tant comme outils de protection contre l’inflation que comme actifs refuge. »Dominic Rossi, directeur des investissements actions chez Fidelity International : « La probabilité d’une hausse des taux de la Fed en décembre, suivie de deux autres en 2017, a considérablement diminué. La tendance haussière du dollar s’est, en conséquence, inversée. »Leon Cornelissen, chef économiste chez Robeco :« Ces incertitudes accrues sont le signal d’un climat défavorable sur les marchés actions dans les prochaines semaines, la dette souveraine devrait tirer profit de son statut de valeur refuge, alors que certaines craintes inflationnistes pourraient voir le jour. En Europe, il est probable que la Banque centrale européenne prolonge son programme d’assouplissement quantitatif, ce qui aura des implications sur les marchés obligataires. […] Donald Trump a remis en question l’indépendance de la Fed durant sa campagne électorale, ce qui déconcertera encore davantage les investisseurs. Il est clair qu’il ne reconduira pas le mandat de Janet Yellen à la présidence de la Fed à la fin 2018. A ce stade, on ne peut exclure une démission précoce de Janet Yellen ou la proposition par les Républicains d’une législation visant à diminuer l’indépendance de la banque centrale. […] Il est très improbable que la Fed augmente ses taux d’intérêt en décembre. L’ironie veut que Donald Trump avait suggéré que la Fed avait maintenu artificiellement ses taux d’intérêt afin d’aider Hillary Clinton. On peut même interpréter cette position comme un souhait de hausse des taux, ce qui aurait un effet déflationniste. La politique de Donald Trump à l’égard de la Fed pourrait ainsi changer rapidement une fois qu’il entrera en fonction. » Nuno Teixeira, directeur des gestions institutionnelles et réseaux, Pôle d’expertise Investissement et solutions clients chez Natixis Asset Management : « L’élection de Trump ne semble pas, à horizon de quelques mois, une bonne nouvelle pour les marchés obligataires. Les initiatives budgétaires de Trump devraient mener à une très forte hausse du déficit public via une baisse des revenus fiscaux et la hausse des dépenses d’infrastructures. En outre, Donald Trump a annoncé l’imposition de tarifs douaniers prohibitifs pour les importations chinoises et mexicaines. La hausse des prix qui risque d’intervenir sur des produits importés non substituables localement mènera à une poussée d’inflation sur les coûts. Dans un premier temps, cette inflation importée alliée à une hausse des émissions du Trésor peut mener à des tensions sur les taux longs (environnement de stagflation). Au bout de 6 à 9 mois, l’impact récessif de l’inflation importée sur le revenu réel des ménages et les marges des entreprises est susceptible de freiner la croissance au point de susciter des craintes de récession. Les taux longs repartiraient alors à la baisse au second semestre 2017… mais les actions aussi. »MARCHES EMERGENTSFabrizio Quirighetti, directeur des investissements et co-responsable de la gestion diversifiée chez Syz Asset Management : « Nous nous attendons à ce que la dette des marchés émergents, surtout en devise locale pour les marchés d’Amérique latine, soit sévèrement touchée, effaçant la majorité des gains enregistrés jusque-là depuis le début de l’année 2016. »Mark Burgess, directeur des investissements et responsable mondial des actions, chez Columbia Threadneedle Investments : « Le principal impact immédiat sera visible sur les marchés émergents. De fait, nous avons déjà assisté à une chute du peso et à la convocation par la Banque centrale du Mexique d’une réunion d’urgence. La dernière fois que le peso mexicain a connu une telle chute, la banque centrale est intervenue et a remonté les taux, si bien que nous pourrions avoir une annonce de relèvement des taux dès aujourd’hui (date du 09/11/2016) […] La Chine constituera une inquiétude particulière compte tenu de la rhétorique de Trump concernant le commerce et les droits de douane ».Nuno Teixeira, directeur des gestions institutionnelles et réseaux, Pôle d’expertise Investissement et solutions clients chez Natixis Asset Management : « Eu égard aux positions protectionnistes de Trump, certains actifs des marchés émergents (à l’image du marché mexicain) pourraient subir des mouvements plus importants, du fait des perspectives de ralentissement du commerce mondial, tandis qu’à Wall Street, les entreprises les plus exportatrices pourraient être quelque peu pénalisées. »MATIERES PREMIERESLeon Cornelissen, chef économiste chez Robeco :« Sur la question du changement climatique, Donald Trump a encouragé une diminution des réglementations contre les carburants fossiles aux États-Unis. Il est clair que la lutte contre le changement climatique ne sera pas l’une de ses priorités. Le Président Trump encouragera probablement un effort important de déréglementation des industries américaines du pétrole, du gaz et du charbon, ce qui explique pourquoi le cours du pétrole a baissé puisque l’offre se maintiendra excédentaire. Cela rendra la vie plus dure à l’OPEP. Reste à voir ce qu’il adviendra des producteurs de schiste, car cette politique sera positive pour la production, mais négative pour ses cours. »