Emmanuel Faber (ISSB) : «Je fais de la comptabilité, pas de la durabilité»

Les directions financières et comptables devront être les premiers de cordée pour emmener les entreprises encore plus loin sur les sujets extra-financiers, selon le président de l’International Sustainability Standards Board (ISSB), invité d’honneur du salon Universwiftnet le 27 mai.

« On n’atteindra pas le sommet si le relais n’est pas pris par les comptables et les directions financières. C’est à vous d’emmener la deuxième longueur ! » C’est par cette métaphore montagnarde, environnement qu’il affectionne, qu’Emmanuel Faber, actuel président de l’ISSB, le conseil international des normes de durabilité, a lancé la journée Universwifnet organisée par L’Agefi au Palais Brongniart le 27 mai dernier.

Il l’a affirmé haut et fort, au sein de l’International Sustainability Standards Board, il ne fait pas de la durabilité mais de la comptabilité. Et souligné le rôle de l’ISSB comme étant celui d’imaginer «des normes comptables (et non de durabilité) pour la réussite de transformation des marchés des capitaux». Car, pour lui, la comptabilité est le «langage qui ‘drive’ les décisions économiques prises sur les allocations de capitaux depuis des décennies».

Irriguer les outils de gestion et ERP

Pour atteindre le sommet et être la deuxième cordée, les financiers doivent «ouvrir leurs chakras». Son conseil ? Rentrer dans les systèmes de planification des ressources d’entreprise (ERP) quatre à cinq risques identifiés qui «passeront dans la moulinette et remonteront au comex». Des risques identifiés qui relèvent d’un «choix stratégique», selon lui.

Ensuite, il s’agit de mentionner également ces risques et opportunités dans les outils de gestion, afin qu’ils irriguent les budgets ou encore les plans stratégiques. Et enfin, il faut apprendre à raisonner en capacité à attirer du capital au bon prix.

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«Il faut qu’il y ait du lien avec le coût du capital, les états financiers et que cela apparaisse dans les schémas de reporting auprès des investisseurs et des banques», pointe l’ex-patron de Danone. Et dans ce cycle vertueux, «une entreprise qui aura la capacité de démontrer qu’elle sera plus résiliente qu’une autre sur ces sujets aura mécaniquement un impact positif sur son coût du capital que ce soit de la dette, de l’assurance ou de l’equity. C’est cela notre théorie du changement !»

Selon le dirigeant, le sujet de la qualité des données ESG ne doit pas être bloquant. Si les entreprises sont capables de comptabiliser des écarts d’acquisitions basés sur des estimations de valeur terminale, il paraît également possible de faire des projections à long terme des risques climatiques et sociétaux. Des risques qui viendront à terme s’inscrire comme capital immatériel.

Simplifier la CSRD pour repartir du bon pied

Le recul sur la directive européenne sur le reporting de durabilité (CSRD) et les tergiversations sur la directive Omnibus ne l’étonnent pas. Il n’y voit pas un recul mais au contraire, une réflexion pragmatique pour repartir du bon pied.

«Il faut simplifier la CSRD. Dès le départ, l’idée d’imposer aux entreprises qui font 40 millions de chiffre d’affaires les mêmes normes que celles de Danone qui fait 50 milliards d’euros de capitalisation boursière, ne marche pas. C’est du suicide politique !». Il prône une approche proportionnée en démarrant par les grandes entreprises avant de descendre vers les plus petites. Il salue également l’initiative française de réduire le nombre de data points (ou données) de 780 à 200.

En janvier 2022, Emmanuel Faber écrivait dans son ouvrage Ouvrir la voie (Editions Guérin) : «Nous sommes au pied de la montagne. Nous avons 10 ans pour ouvrir une nouvelle voie et nous y engager tous ensemble». Il estime qu’aujourd’hui que «nous sommes beaucoup plus engagés et qu’en trois ans nous avons atteint ce que je pensais que nous serions capables de couvrir en sept ou huit ans».

Et si le chemin paraît encore long, il se prend à rêver : «il suffirait de bouger 1% des 400.000 milliards de dette et d’equity coté mondial par an pour faire 4.000 milliards par an pour financer la transition énergétique !», conclut-il.

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