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Le ZAN ou la naissance d’un nouveau modèle de fabrique de la ville

L’artificialisation des sols en France, c’est plus de 20.000 ha de zones naturelles, agricoles et forestières (ENAF) qui sont consommées chaque année. Soit plus de 3 terrains de football par heure ! Or cette artificialisation, complètement décorrélée des besoins démographiques, contribue largement à la profonde crise environnementale que nous traversons, en altérant les fonctions naturelles des sols, notamment : leur fonction de substrat à tout l’écosystème terrestre est essentielle au maintien de la biodiversité ; leur stockage de carbone qui combat le réchauffement climatique ; leur perméabilité diminue la fréquence et la gravité des inondations.
La loi climat et résilience fixe le cadre pour limiter l'étalement urbain et donne le tempo pour inverser la tendance : une réduction par deux de la consommation d’ENAF (espaces naturels, agricoles et forestiers) d’ici à 2031 puis l’atteinte d’un équilibre artificialisation/renaturation d’ici à 2050, selon des définitions publiées par décret.
Le modèle de l’étalement urbain qui s’était massifié avec l’avènement de la voiture doit aujourd’hui céder la place au recyclage urbain comme modèle de développement pour demain. On pourra densifier certaines zones, mais dans un contexte social où l’acceptabilité de ce type d’opération est parfois compromise, il s’agira beaucoup de faire avec le déjà-là, avec l’obsolescence en moteur de mutabilité. Or, les mutations rapides et nombreuses que traverse notre société génèrent de nombreux facteurs d’obsolescence. Le e-commerce modifie les besoins en surfaces commerciales. Les évolutions dans le domaine de la santé rendent obsolètes les établissements d’un autre temps. Le secteur du bureau est chahuté, à la fois par les obligations de performance énergétique, par le flex office et le télétravail.
Notre métier de promoteur consiste désormais à recréer de la valeur pour ces actifs existants. Ce n’est plus seulement la création de m² qui viabilise le bilan de promotion, mais aussi la réhabilitation lourde des m² existants, voire le changement de destination des actifs existants.
Opérationnaliser le recyclage urbain
La transformation d’actifs est un modèle de promotion immobilière qui diffère en de nombreux points du modèle classique de construction neuve, et qui demande beaucoup d’ajustements pour être industrialisée. Dans le cadre de son positionnement de promoteur ensemblier citoyen, l’objectif ZAN 2030 de Vinci Immobilier, dont l’un des piliers est de dépasser 50 % de recyclage urbain en CA avant 2030, a entraîné tout un plan de transformation de l’entreprise mis en œuvre pour accélérer cette transition.
Le basculement d’un développement foncier diffus essentiellement B2C vers un modèle B2B entraîne des changements d’organisation et de compétences majeures. Être un promoteur partenaire, c’est avoir une organisation « Grands Comptes », des compétences et des outils pour apporter de la valeur dans le dialogue avec les propriétaires d’actifs.
Par ailleurs, les compétences à mobiliser très en amont sont bien plus nombreuses pour maîtriser un bilan en développement. Estimer les dépenses de désamiantage ou déplombage, optimiser le projet pour réduire les dépenses de dépollution… Pour incarner un promoteur créatif, certaines expertises qui étaient marginales deviennent stratégiques et sont désormais internalisées au service de notre compétitivité.
Mais le changement fondamental est dans le retour en force de la conception, qui s’était faite un peu plus discrète dans une production relativement industrialisée de logements collectifs en construction neuve. Désormais, il s’agit de composer avec le déjà-là.
Composer avec les hauteurs libres et les profondeurs et avec les trames, pour trouver les produits immobiliers qui pourront s’en satisfaire, comme par exemple, en donnant une nouvelle vie à un hangar de dirigeables en tiers lieux événementiel et espace muséographique à Meudon ou en transformant l’ancien bâtiment de l'école nationale supérieure des industries chimiques laissé à l’abandon, en résidence étudiants Student Factory à Nancy.
Composer avec la complexité de la structure existante et ses contraintes, parfois très prégnantes pour gérer les fluides d’opérations modernes de typologies différentes. Nous mobilisons alors des scans 3D et le BIM pour nous assister dans la conception, comme par exemple sur la transformation de l’hôtel Kimpton St Honoré en plein cœur de Paris.

Les équilibres économiques sont aussi challengés. Avec des coûts de portage, d’études et de travaux plus élevés, la transformation d’actifs est plus aisée dans les zones très tendues où les prix de ventes sont hauts, sans quoi la charge foncière restante n’est pas suffisante, voire même négative.
Néanmoins, une mécanique de portefeuille foncier peut permettre une péréquation financière entre les terrains, dont certains pourront accueillir des opérations à haute création de valeur qui compenseront le bilan négatif d’autres opérations. C’est avec ce principe, appliqué à un portefeuille de 50 terrains Engie, que Vinci Immobilier et son partenaire Brownfields ont pu faire des opérations de logements sur des terrains très pollués dans des villes moyennes, tel qu'à Fécamp où nous avons livré en juin 2023 une résidence intergénérationnelle construite sur les friches dépolluées d’une ancienne usine à gaz.

Tout cela demande de donner un cap clair aux collaborateurs, de les former, d’aligner leurs incentives avec la réalité différente de leur nouveau terrain de jeu, de mettre en place des procédures pour maîtriser les nouveaux risques, etc. Mais in fine, lorsque le dispositif est en place, les freins initiaux au changement laissent la place à une motivation retrouvée, dans des opérations qui ont plus de sens, plus d’alignement avec les sensibilités environnementales, plus d’intérêt technique, plus de cachet.
Retour vers le futur
Voilà comment Vinci Immobilier cherche à répondre aux grandes contraintes que notre secteur rencontre aujourd’hui. La première façon d’observer la concrétisation de ces évolutions sur le terrain, c’est d’observer leur acceptabilité sociétale, la façon dont les projets sont reçus par leurs parties prenantes dans les phases de montage. De ce côté, nous constatons que nos projets de recyclage urbain sont en effet mieux perçus par les élus, mieux acceptés par les riverains. Nous faisons face à plus de complexité technique, mais à moins d’opposition à la sortie des projets.
Mais au-delà de la perception des projets, qu’en est-il objectivement en matière environnementale ? Sur le plan de l’artificialisation, pour laquelle une métrique est en place sur tous les projets de Vinci Immobilier, on constate qu’en moyenne on renature plus qu’on artificialise sur ces programmes. On le constate dans nos résultats annuels 2022 : la croissance importante de nos opérations de recyclage urbain (22 opérations sur 44 lancées en travaux), combinées à l’arrêt des opérations les plus artificialisantes, nous a permis de diviser par deux notre artificialisation par rapport à notre baseline de 2020.
Restons humbles, si les premiers résultats sont très satisfaisants, nous savons que les derniers mètres pour atteindre le ZAN d’ici 2030 seront plus ardus. En tant que promoteur citoyen, nous poursuivons la transformation de notre modèle opérationnel, en intégrant le ZAN dans nos indicateurs core business, dans la volonté de continuer à mener cette course pour protéger le bien commun que sont nos sols.
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Paris - Les réassureurs, qui se retrouvent à partir de samedi pour plusieurs jours à Monaco pour leurs traditionnels «Rendez-vous de septembre», s’apprêtent à faire face à une baisse des prix dans ce secteur, qui ne bousculera toutefois pas leur stabilité, selon les analystes. Les réassureurs, dont le métier consiste à assurer les assureurs, commencent à l’automne les négociations annuelles avec leurs clients assureurs sur le montant des primes que ces derniers leur versent. En échange, les réassureurs prennent en charge une partie des risques portés par les assureurs, en se positionnant sur les risques les plus extrêmes et moins fréquents (tempêtes, feux de forêt, émeutes, attentats terroristes...). En 2024, le marché de la réassurance mondiale s'élevait à 400 milliards de dollars, près de 20 fois moins que celui de l’assurance traditionnelle. Lors des précédentes années, les principaux réassureurs mondiaux, comme Munich Re ou Swiss Re, avaient imposé une hausse des prix et établi des conditions tarifaires et contractuelles qui leur étaient plus favorables. Mais, selon les analystes, le pic des prix de la réassurance est aujourd’hui passé. «On a atteint un point haut en 2024. Et depuis, on le voit au niveau du renouvellement (des contrats), les prix ont tendance à baisser», a expliqué à l’AFP Manuel Arrivé, de l’agence de notation Fitch. «On pense que cette tendance va perdurer» car «il y a une dynamique d’offre et de la demande de plus en plus en faveur des assureurs et en défaveur des réassureurs». L’agence de notation considère que le secteur sera «détérioré» en 2026. Elle met entre autres en avant l’augmentation des coûts des sinistres. Ceux des incendies dévastateurs de Los Angeles, évalués à 40 milliards de dollars, pèsent eux seuls pour la moitié des sinistres liés aux catastrophes naturelles. «On a déjà 80 milliards (de dollars) de sinistres à fin juin. Il fait peu de doute qu’on va dépasser 100 milliards avec le deuxième semestre», a précisé Alexis Valleron, délégué général de l’Association des professionnels de la réassurance en France (Apref), devant la presse vendredi. 2024 a été la cinquième année consécutive où le coût des sinistres des périls naturels a dépassé 100 milliards de dollars dans le monde. Risque émeutes en hausse Face à la multiplication des catastrophes naturelles, la plupart des réassureurs ont décidé ces dernières années de moins s’exposer à certains périls. Dans ce contexte, les réassureurs peuvent compter sur leurs capitaux. S&P Global considère «le secteur mondial de la réassurance comme stable, soutenu par le capital robuste des réassureurs, des marges de souscription solides, des rendements d’investissement élevés et des perspectives de bénéfices encore favorables au-dessus du coût du capital du secteur», décrit l’agence de notation dans un rapport. Les dirigeants de l’Apref ont également évoqué le risque émeutes après des années marquées par les troubles sociaux en France, notamment en 2023 après la mort de Nahel, adolescent tué par un tir policier, ou l’insurrection en Nouvelle-Calédonie à l'été 2024. Les émeutes en Nouvelle-Calédonie ont, à elles seules, coûté un milliard d’euros aux assureurs (dont 500 millions aux réassureurs), sur un coût total des dégâts estimé à 2,2 milliards. Le bilan des émeutes de l'été 2023 en France avait été de 730 millions d’euros (200 millions pour les réassureurs). Selon un article des Echos publié jeudi, le gouvernement prévoit de créer un fonds de réassurance pour couvrir les dégâts liés aux émeutes, sur le modèle du régime des catastrophes naturelles. «Il faut qu’il y ait une définition précise et il faut savoir ce que prendra en charge un mécanisme d’Etat», a insisté Dominique Lauré, vice-président de l’Apref. Selon lui, «il faut qu’il y ait une incitation au maintien de l’ordre pour l’Etat». Et non pas «un mécanisme qui fait que l’Etat n’a finalement plus intérêt à maintenir l’ordre puisque les conséquences économiques sont prises en charge par un fonds», estime celui qui est également directeur général adjoint de Liberty Mutual Reinsurance. Maryam EL HAMOUCHI © Agence France-Presse -
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