
La directive AIFM fait peau neuve

Près de quinze ans après sa publication, le 8 juin 2011, la directive sur les gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs (FIA) de l’Union européenne (UE) fait peau neuve. A l’issue de plusieurs années de concertation, les instances européennes ont achevé leur travail d’harmonisation des règles de gestion au sein de l’UE avec la publication au JOUE du 26 mars 2024 d’une version amendée de la directive AIFM ( directive AIFM2).
Ce texte vise à harmoniser les règles applicables aux gestionnaires de FIA gérant des fonds qui octroient des prêts, à faciliter le recours aux outils de gestion de la liquidité dans l’ensemble de l’UE et à améliorer l’accès transfrontière aux services de dépositaire.
Les Etats membres disposent désormais d’une période de transition jusqu’au 16 avril 2026 pour adapter leur droit national aux nouvelles dispositions introduites par la directive AIFM2.
Régime harmonisé pour les gestionnaires de fonds de prêts
Pour la Commission européenne, il était devenu impératif d’intervenir pour harmoniser les approches réglementaires éparses adoptées par les différents Etats membres au niveau national. C’est donc chose faite avec la directive AIFM2 qui introduit, en son article 15, la notion de « FIA octroyant des prêts », notion absente de la version initiale de la directive. Il s’agit d’un FIA dont la stratégie d’investissement consiste principalement à octroyer des prêts, ou dont les prêts octroyés ont une valeur nominale représentant au moins 50 % de la valeur nette d’inventaire du fonds.
La directive AIFM2 ajoute que lorsqu’un FIA octroie des prêts à un seul emprunteur, son gestionnaire veille à ce que la valeur nominale de l’ensemble des prêts octroyés à l’emprunteur par ce FIA ne dépasse pas au total 20 % de l’actif net du FIA lorsque l’emprunteur est une entreprise financière (1), un FIA ou un OPCVM. Chaque FIA octroyant des prêts doit en outre conserver a minima 5 % de la valeur de chaque prêt octroyé (ce qui a pour objectif de responsabiliser le prêteur), et ce jusqu'à l'échéance pour les prêts de huit ans maximum et pendant au moins huit ans pour les autres prêts.
Par ailleurs, le texte prévoit que seul un FIA de type fermé (c’est-à-dire dont le rachat des parts ou actions n’est pas possible en cours de vie du fonds) peut octroyer des prêts. Par dérogation à ce qui précède, un FIA octroyant des prêts peut être de type ouvert si son gestionnaire est en mesure de démontrer à son régulateur que le système de gestion du risque de liquidité du FIA est compatible avec sa stratégie d’investissement et sa politique de remboursement.
Simplification du recours aux outils de gestion de la liquidité dans l’UE
Les évolutions instaurées par la directive AIFM2 relatives à la gestion de la liquidité s’inscrivent dans le cadre d’une volonté européenne commune de renforcer le cadre prudentiel des gestionnaires de FIA ouverts de l’UE afin de garantir une protection suffisante des investisseurs en période de crise.
La directive AIFM2 modifie l’article 16 de la directive de 2011 pour permettre aux gestionnaires de FIA de type ouvert de répondre aux demandes de remboursement en cas de tensions sur les marchés : les gestionnaires devront choisir au moins deux outils de gestion de la liquidité sur une liste figurant en annexe de la directive (2) et les inscrire dans le règlement ou les documents constitutifs du FIA.
Les gestionnaires devront en outre mettre en œuvre des politiques et procédures détaillées pour l’activation et la désactivation de tout outil de gestion de la liquidité sélectionné et définir les modalités administratives et opérationnelles d’utilisation de cet outil. Ils devront également prévenir dans un délai raisonnable leur autorité de tutelle qu’ils vont activer ou désactiver un outil de gestion de la liquidité.
Un meilleur accès transfrontière aux services de dépositaire
La directive AIFM2 amende l’article 21 de la directive de 2011 et introduit une exception au principe selon lequel le dépositaire d’un FIA doit être établi dans l'État membre d’origine dudit FIA. Selon la directive AIFM2, l’Etat membre d’origine d’un FIA de l’Union peut autoriser ses autorités compétentes à autoriser un établissement de crédit établi dans un autre Etat membre à être désigné en tant que dépositaire, sous réserve du respect de deux conditions :
- la transmission aux autorités compétentes par le gestionnaire du FIA d’une demande motivée visant à autoriser la désignation d’un dépositaire établi dans un autre Etat membre et démontrant l’absence de services de dépositaire dans l’Etat membre d’origine du FIA, et
- le montant agrégé, sur le marché national des dépositaires de l’Etat membre d’origine du FIA, des actifs confiés à des fins de garde ne doit pas dépasser un montant de 50 milliards d’euros.
Cette dérogation apparait utile dans les cas des nouvelles stratégies de gestion comme les actifs numériques pour lesquelles nombre d’établissements refusent d’assumer la garde des actifs du FIA. Ainsi, un gestionnaire de fonds français gérant un fonds investi directement en actifs numériques et ne trouvant pas de dépositaire en France pourra se tourner vers un établissement étranger proposant cette solution, sous réserve du respect des deux conditions susvisées.
(1) Etablissement de crédit, entreprise d’assurance, entreprise d’investissement, etc.
(2) Comme la suspension des souscriptions, des rachats et des remboursements, des mesures de plafonnement des remboursements, un ajustement de la valeur liquidative (swing pricing), le régime du double prix, le cantonnement des actifs (side pockets), ou encore le remboursement en nature.
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Paris - Marine Le Pen va connaître lundi les dates de son procès à la cour d’appel de Paris dans l’affaire des assistants parlementaires européens, une échéance judiciaire et politique cruciale avant la présidentielle de 2027 pour la patronne de l’extrême droite, actuellement inéligible. Le 31 mars, le tribunal correctionnel de Paris a condamné la cheffe des députés du Rassemblement national (ex-Front national, FN) à quatre ans d’emprisonnement dont deux ferme, 100.000 euros d’amende et, surtout, une peine d’inéligibilité de cinq ans avec exécution immédiate. La justice l’a reconnue coupable, ainsi que 24 anciens eurodéputés, assistants, expert-comptable et le parti d’extrême droite en tant que personne morale, d’avoir mis en place un «système» entre 2004 et 2016 pour payer des salariés du parti avec l’argent du Parlement européen pour un préjudice économique évalué au final à 3,2 millions d’euros. Seules douze des personnes condamnées ainsi que le parti ont fait appel - notamment le maire de Perpignan Louis Aliot, le député Julien Odoul, l’eurodéputé Nicolas Bay, Wallerand de Saint-Just et Bruno Gollnisch, deux cadres historiques du RN - laissant entrevoir un procès plus court que le premier, lequel avait duré deux mois à l’automne 2024. La condamnation de Marine Le Pen à une peine d’inéligibilité avec exécution provisoire, l’empêchant en l'état de se présenter à toute élection, avait provoqué de vives réactions politiques, tant dans son camp que parmi ses adversaires, le Premier ministre François Bayrou faisant publiquement part de son «trouble». Elle avait en outre ouvert la voie à l’hypothèse d’un «plan B comme Bardella» pour représenter le parti à la flamme à la présidentielle de 2027. Malgré les stocks vertigineux de dossiers en attente de traitement à la cour d’appel de Paris, celle-ci a accéléré son calendrier pour ce dossier afin d'être en mesure de rendre son arrêt à l'été 2026. En parallèle, le RN est sous le coup d’une autre procédure après l’ouverture en juillet 2024 d’une information judiciaire notamment pour escroquerie au préjudice d’une personne publique et financement illicite des campagnes électorales, qui a entraîné une perquisition de son siège début juillet. L’enquête porte principalement sur des prêts de particuliers au parti pour financer ses campagnes présidentielle et législatives de 2022 et celles des européennes de 2024, selon le parquet de Paris. Recours devant le Conseil d’Etat Au-delà de l'échéance présidentielle, Mme Le Pen ne pourrait théoriquement pas se présenter en cas de dissolution de l’Assemblée nationale. Elle entend ainsi multiplier les recours pour tenter de faire déclarer inconstitutionnel le caractère immédiat de son inéligibilité. En juillet, l’ancienne avocate a formulé deux requêtes distinctes au Conseil d’Etat. La première, contre un jugement du tribunal administratif de Lille du 4 juin qui confirme sa démission d’office de son siège de conseillère départementale du Pas-de-Calais prononcée deux mois plus tôt par le préfet de ce département. La seconde, contre la décision du Premier ministre de ne pas accéder à sa demande d’abroger des dispositions du Code électoral qui prévoient sa radiation des listes électorales, précisément en raison de l’"exécution provisoire» de sa condamnation pénale. A l’appui de chacun de ces recours, la triple candidate malheureuse à la présidentielle a également déposé une question prioritaire de constitutionnalité (QPC), estimant que son inéligibilité immédiate est notamment contraire à «la liberté de candidature» et «la liberté des électeurs», selon elle protégées par le texte fondamental. Elle a pourtant déjà connu un revers: lors de l’audience devant le tribunal administratif de Lille, une première QPC a été rejetée, les magistrats ayant relevé que les articles de loi qui ont permis sa condamnation à l’inéligibilité immédiate ont déjà été reconnus conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel dans de précédentes décisions. Alexandre MARCHAND © Agence France-Presse