Climat, surtourisme, réseaux sociaux : comment un fonds sur le tourisme s’adapte aux tendances

La société de gestion espagnole GVC Gaesco Gestión, qui gère une stratégie actions sur l’industrie du tourisme, va lancer un fonds de capital-investissement sur le secteur d’ici décembre.
Venise Tourisme
En 2022, Venise a expérimenté la réservation obligatoire pour lutter contre le tourisme de masse.  -  Flickr Jean-Pierre Dalbéra [CC BY 2.0]

Depuis 2014, la société de gestion espagnole GVC Gaesco Gestión gère le fonds GVC Gaesco 300 Places Worldwide, investi dans les sociétés fournissant des services dans les 300 lieux les plus visités au monde. Une stratégie qui a été déclinée au Japon dans le cadre d’un mandat confié par le gestionnaire japonais Capital Asset Management en 2019 puis au Luxembourg en juin 2023. Cependant, les tendances et perspectives du tourisme mondial pourraient bien amener le gestionnaire d’actifs espagnol à amender le nombre de lieux inscrit tant dans la dénomination du fonds (300 Places), que dans sa politique d’investissement.

Pour comprendre cette possible évolution, il faut revenir un peu en arrière. Fin 2019-début 2020, la pandémie de coronavirus Covid-19 bouscule les marchés financiers. Les restrictions de mouvements à travers le monde engendrent des dégâts considérables pour l’industrie du tourisme. Durant les turbulences, le fonds GVC Gaesco 300 Places Worldwide dévisse, perdant alors jusqu’à plus de la moitié de ses encours sous gestion avant de remonter la pente.

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2019 s’ancre comme l’année de référence dans l’industrie du tourisme, constate Jaume Puig, directeur général et des investissements de GVC Gaesco Gestión et gérant du fonds GVC Gaesco 300 Places Worldwide. Comme une sorte d’année zéro. «Certaines sociétés se sont entièrement remises par rapport à 2019, d’autres pas encore en fonction de leur localisation géographique. Quoi qu’il en soit, l’activité s’est pleinement rétablie, mais pas les prix des actions. Il y a encore beaucoup de marge pour une hausse des prix», expose-t-il à L’Agefi.

Sur-réaction

Le fonds tourisme de GVC Gaesco Gestión a donc repris des couleurs depuis les turbulences du Covid-19. Jusqu’alors en 2023, il enregistre la meilleure performance annuelle de son histoire avec une hausse d’environ 25% par rapport à fin 2022. Cela ne surprend pas pour autant le directeur général et des investissements de la société de gestion espagnole.

«L’an dernier, les sociétés cotées de l’industrie du tourisme ont dépassé les attentes mais leurs actions ont chuté étant donné que les marchés avaient intégré une future récession qui n’est jamais venue dans les prix. En 2023, ces sociétés battent toujours les prévisions des analystes mais les investisseurs commencent à comprendre que la tendance peut durer plus longtemps qu’attendu», explique Jaume Puig. Selon lui, les investisseurs sont moins inquiets sur la dette et les augmentations de capitaux et commencent à s’intéresser de nouveau à leur rentabilité.

Mais le secteur du tourisme, dit-il, fait face à un dilemme qui ne pourra être résolu que dans deux ou trois ans. La consommation est très concentrée sur les services, une sur-réaction à la réouverture de l’industrie après la pandémie de Covid-19, poursuit Jaume Puig. «Certains disent que cette tendance va perdurer, mais nous restons prudents car les préférences des consommateurs ont changé». Aussi le tourisme international doit-il composer avec deux gros défis : son adaptation au changement climatique et au phénomène de surtourisme.

La durabilité est une tendance inévitable pour l’industrie qui veut doubler le chiffre de 1,5 milliard de touristes mondiaux enregistré en 2019. «Tous les nouveaux investissements dans le tourisme doivent être durables. Il y a dix ans, les sociétés faisaient beaucoup d’éco-blanchiment mais de nos jours, les plans de Capex incluent tous des objectifs de décarbonation ambitieuses pour 2030 ou après. Si les sociétés ne les atteignent pas, alors nous vendrons nos actions immédiatement», observe le directeur général de GVC Gaesco Gestión. Il ajoute que pour le moment, rien ne laisse penser qu’elles ne les atteindront pas.

De 300 à 350 lieux

Le changement climatique peut aussi affecter la liste des 300 lieux les plus visités utilisée pour la gestion du fonds, admet Jaume Puig. Mais les changements restent très marginaux et certaines villes dont Paris resteront dans la liste quoi qu’il advienne. Le gestionnaire espagnol porte son attention sur la façon dont les sociétés internationales agissent dans ces 300 lieux en matière de durabilité. «Par exemple, si deux compagnies aériennes proposent des vols vers ces 300 destinations, nous choisirons celle qui fait voler les avions les plus neufs et durables au détriment de l’autre», indique le gérant.

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Quant au tourisme de masse, Jaume Puig peut mesurer l’ampleur du phénomène sous ses fenêtres au quotidien, lui qui habite face à la Sagrada Familia à Barcelone. Le nombre de visiteurs payants de la célèbre basilique est passé «de 4.000 par an il y a cent ans à 4,7 millions par an en 2019». Le surtourisme doit être régulé, affirme-t-il tout en concédant que la tâche sera compliquée dans la mesure où la demande pour le voyage en Europe ne cesse de progresser. «Etablir des quotas de visiteurs ou augmenter le nombre de lieux à visiter sont les deux principales options pour tenter de résoudre le problème. Aujourd’hui, 85% des touristes internationaux voyagent dans les 300 lieux qui composent notre liste», décrypte Jaume Puig.

La deuxième option sera nécessaire si le nombre de touristes vient effectivement à doubler, ce qui pourrait aussi conduire GVC Gaesco Gestión à rehausser à 350 le nombre de lieux sur lesquels se basent le fonds pour sa stratégie. Les réseaux sociaux, Instagram en tête, jouent aussi un rôle non négligeable dans la définition de la liste des lieux les plus visités car ils contribuent à alimenter la demande pour le tourisme international.

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Tourisme non-coté

En attendant d’amplifier sa liste des lieux les plus visités, la société de gestion espagnole compte répliquer le modèle du fonds dans au moins cinq autres pays (après le Japon et le Luxembourg). Une nouvelle déclinaison de la stratégie devrait être ainsi lancée possiblement d’ici la fin de l’année. Elle concentre en outre ses efforts sur la distribution de la version luxembourgeoise du fonds dans plusieurs marchés tels que la Suisse et Singapour.

GVC Gaesco Gestión va aussi s’attaquer au segment non-coté du tourisme avec un fonds dédié qui sera lancé d’ici décembre, afin de capitaliser entre autres sur la digitalisation du secteur. «En complément de nos rendez-vous avec les sociétés cotées de l’industrie du tourisme, nous rencontrons celles qui restent privées. La plupart d’entre elles sont digitales ; par exemple cela inclut des voyagistes en ligne. C’est pourquoi nous allons lancer un fonds de capital-investissement sur le tourisme international. Nous comprenons que ces sociétés fournissent de nouvelles façons d’envisager le secteur et qu’elles proposeront quelque chose de différent à l’avenir», développe Jaume Puig.

L’occasion pour le gérant espagnol d’investir dans davantage d’entreprises hispaniques que dans le fonds GVC Gaesco 300 Places Worldwide mais des entreprises toujours axées sur le tourisme international et non local.

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