Transparence fiscale : un accord européen a minima

La clause de sauvegarde et la définition restrictive des paradis fiscaux retenue sèment le doute sur l’utilité de la nouvelle directive.
Antonia Przybyslawski, à Bruxelles
L’eurodéputé socio-démocrate Ibán García del Blanco, co-rapporteur du dossier, lors de la session plénière à Bruxelles le 10 novembre 2021.
L’eurodéputé socio-démocrate Ibán García del Blanco, co-rapporteur du dossier, lors de la session plénière à Bruxelles le 10 novembre 2021.  -  Crédit European Union

Le Parlement européen a adopté jeudi en session plénière le projet législatif visant à accroître la transparence fiscale pays par pays (public country by country reporting ou CBCR). La nouvelle directive obligera les multinationales qui opèrent dans l’UE et dont le chiffre d’affaires est supérieur à 750 millions d’euros, à faire preuve de transparence financière en publiant des déclarations indiquant dans quels pays elles réalisent leur bénéfice, elles paient leurs impôts ou encore le montant des bénéfices accumulés.

Ce texte avait été proposé en 2016 par la Commission européenne, alors dirigée par Jean-Claude Juncker, et était bloqué depuis cinq ans au niveau du Conseil de l’Union européenne, du fait de l’opposition de pays comme la Suède, la République tchèque, l’Irlande, le Luxembourg ou Chypre. Certains de ces Etats pourraient d’ailleurs contester l’accord finalement trouvé à la majorité qualifiée du Conseil, devant la justice communautaire.

«Pendant cinq ans, le Parlement s’est battu pour que soit adoptée une exigence de déclarations publiques pays par pays, pendant que certains gouvernements de l’UE freinaient des quatre fers» a lancé mercredi l’eurodéputé socio-démocrate Ibán García del Blanco, co-rapporteur du dossier, lors de l’ouverture du dernier débat en session plénière à Bruxelles.

«Il s’agit d’un très bon accord mais il n’est pas parfait. Nous avons donc inclus une clause de révision qui nous permettra d’ici quatre ans de renégocier la réglementation qui peut être améliorée», a encore expliqué l’Espagnol.

Un point de tension entre les colégislateurs concernait l’épineuse question des activités des entreprises européennes effectuées dans des pays tiers. Aux termes de l’accord, l’obligation de communiquer ces informations s’appliquera aux activités réalisées dans les pays tiers figurant sur la liste noire des juridictions non coopératives d’un point de vue fiscal, ainsi que dans les pays tiers qui figurent depuis au moins 2 ans sur la liste grise des pays ayant pris certains engagements en faveur de la transparence fiscale.

Trous dans la raquette

«La liste noire et la liste grise des paradis fiscaux de l’UE sont des outils politiques profondément défectueux. Nous ne pouvons absolument pas compter sur elles pour inclure les paradis fiscaux pertinents, explique dans une note Tove Maria Ryding, coordinatrice fiscale au sein du European Network on Debt and Development (Eurodad). À l’heure actuelle, vous ne trouverez pas la Suisse, ni Singapour, ni les îles Vierges britanniques ou les îles Caïmans. Au lieu de cela, y figurent des pays et des juridictions tels que Guam, Fidji, Samoa et la Thaïlande, qui ne sont vraiment pas la préoccupation majeure en matière d'évasion fiscale des entreprises.»

La clause de sauvegarde, qui permettrait à une entreprise concernée d’omettre certaines données comptables sensibles dont la divulgation porterait préjudice à sa position commerciale, fixée à cinq ans, fait aussi polémique. «L’expérience du reporting pays par pays des banques montre que les seules informations sensibles qui sont publiées sont les données prouvant que les sociétés continuent à transférer leurs bénéfices vers des juridictions à faible fiscalité. Si ce type d’information peut être retenu, on se demande quel est l’objectif du reporting.»

A la suite de l’accord, les États membres ont 18 mois pour transposer ces règles dans leur droit national.

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