Les gérants cherchent à tirer le meilleur parti des données alternatives

Choisir et intégrer des informations non financières à un modèle de gestion reste un processus long et complexe.
Corentin Chappron

Des objets connectés aux data centers, le monde se noie sous les données : selon le World Economic Forum, leur volume total dans le monde en 2020 atteindrait 44 milliards de térabytes. Pas de quoi, certes, effrayer la finance : dans ce fourre-tout se trouvent les données dites alternatives, imageries satellites, analyses de textes, commentaires Twitter, capables de fournir des informations et un avantage que les traditionnelles données financières ne donneraient pas.

Malgré ces promesses, le marché des données alternatives reste minuscule : il est estimé par Grand View Research à 1,7 milliard de dollars par an. L’une des explications tient à la structure fragmentée du marché : il y existe plus de 2.000 fournisseurs de données alternatives, en général de petite taille, ce qui complexifie la recherche et l’intégration de ces données aux processus existants. Il est certes possible aux plus grandes maisons d’en sourcer une partie en interne. Mais pour des données plus fines, les gérants doivent se tourner vers des fournisseurs externes. Ces derniers proposent habituellement un échantillon de données en démonstration, pour permettre à leurs clients de s’assurer de leur pertinence. « La sélection de données alternatives par les gérants prend aujourd’hui plusieurs mois. Les données qui sont transmises par les fournisseurs doivent être retraitées et validées, leur format harmonisé… tout cela avant que le moindre test n’ait lieu », souligne Andrew Liddle, directeur des opérations du vendeur de données SigTech. Les données alternatives, à l’inverse des données financières, sont en effet dites non structurées, sans organisation ni définition claire, comme les vidéos ou du texte ; ou semi-structurées, lorsqu’elles présentent des caractéristiques cohérentes et définies, mais que leur contenu est variable et, dans une certaine mesure, incohérent. Il s’agit par exemple de photos, classables en fonction des métadonnées (date de capture, localisation de l’image...) mais pas de leur contenu.

Temps long

Une fois les données retraitées, le travail de validation d’un modèle est long. Par rapport à des analyses tierces, comme des notations d’agence, « l’intérêt d’un modèle intégrant les données alternatives est de proposer une analyse holistique et plus fine du risque, rappelle Chafic Merhy, responsable de la recherche quantitative chez Ostrum AM. La sélection des variables à intégrer est donc importante : nous retenons celles-ci en fonction de leur importance sur la question à laquelle nous essayons de répondre. Mais il faut aussi pouvoir proposer un modèle explicable, compréhensible ». Un algorithme cherche donc les liens que les séries de données peuvent avoir avec l’objectif recherché – mesurer le risque, par exemple, de voir la note d’un souverain diminuée – jusqu’à produire un modèle jugé pertinent. Une analyse du modèle par des équipes humaines permet ensuite de s’assurer de l’absence de biais. Entre la décision d’utiliser des données alternatives et leur utilisation effective, il s’écoule donc entre trois et six mois, en moyenne.

Accélération

L’enjeu est donc de diminuer cette attente. La question est cruciale car la surperformance qu’un jeu de données alternatives permet de générer se dégrade au fil du temps, à mesure que d’autres gérants s’en emparent. D’autant que l’essentiel des maisons disposent désormais des capacités informatiques pour employer cette donnée. « Le marché s’ouvre à d’autres clients – ce ne sont plus simplement les hedge funds quantitatifs qui disposent des capacités pour retraiter des données alternatives mais l’ensemble des gérants, remarque Andrew Liddle. Mais il reste complexe de vendre ces données. » SigTech espère donc que sa plateforme Data Showroom, sur laquelle il sera possible de vendre des données alternatives, facilitera ce processus. Les données seront prêtes à l’emploi, harmonisées et organisées de manière à permettre aux gérants de tester immédiatement leur pertinence : un outil de test est fourni. Les fournisseurs peuvent quant à eux suivre la manière dont leurs données sont utilisées par leurs clients. Ce afin que les données alternatives répondent aux problèmes des gérants, sans en poser davantage elles-mêmes.

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