Les auditeurs redoutent que Bruxelles impose une rotation rapide des cabinets

Le Conseil planche sur un projet de rotation tous les dix à douze ans. Les professionnels français souhaitent un allongement jusqu'à 24 ans
Solenn Poullennec

Les commissaires aux comptes français redoutent la réforme de l’audit lancée par Bruxelles pour déconcentrer le marché et renforcer l’indépendance des cabinets. Les négociations sont toujours en cours entre les eurodéputés et les représentants des Etats au Conseil mais le principe d’une rotation régulière des cabinets, rejeté par les auditeurs de l’Hexagone, gagne du terrain.

«La rotation est devenu un point tellement essentiel d’affichage politique. Aujourd’hui on a du mal à imaginer que ce soit quelque chose qui disparaisse des projets», a expliqué Laurent Vallée, représentant du ministère de la Justice, lors d’un forum organisé par Experts comptables et Commissaires aux comptes de France (ECF) le 14 février.

Les professionnels s’opposent à la rotation au nom de la qualité de l’audit. Certains assurent même qu’elle favoriserait la concentration des cabinets au profit des Big Four (KPMG, Deloitte, PricewaterhouseCoopers et Ernst & Young). «On est déjà en train de discuter sur comment faire pour que cette rotation soit quand même acceptable», a cependant expliqué jeudi Yves Nicolas, fraîchement élu à la présidence de la Compagnie nationale des commissaires aux comptes (CNCC).

En 2011, la Commission avait proposé d’imposer une rotation des cabinets au bout d’une période de 6 ans, étendue à 9 ans, en cas d’audit conjoint. Récemment, la présidence irlandaise du Conseil a fait circuler de nouvelles propositions. Elles suggèrent une rotation tous les dix ans, ou au bout de douze ans en cas d’audit conjoint.

«Deux ans, cela n’encouragera personne à faire du ‘joint-audit’, on vide ce dernier de sa substance», regrette Frédéric Burband, président d’Option Initiatives Audit, qui fédère les acteurs souhaitant défendre la spécificité française du co-commissariat aux comptes. Comme beaucoup de ses confrères il craint que l’obligation de rotation ne soit imposée au détriment du co-commissariat, jugé plus vertueux.

Les auditeurs français plaident pour une rotation de 12 ans, étendue à 18 ans pour l’audit conjoint voire à 24 ans en cas de rotation des tâches au sein du collège des commissaires aux comptes. Les eurodéputés spécialistes des affaires économiques devaient voter demain sur la réforme mais ils ont reporté le scrutin en mars. Le plus déterminant au Parlement sera celui de la commission des affaires juridiques, dont le rapporteur s’opposait à la rotation. Il est censé avoir lieu le mois prochain.

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