Le Royaume Uni au seuil du saut dans l’inconnu

Philippe Mudry

Le grand jour du vote décisif est arrivé : le Parlement britannique s’apprête, selon toute probabilité, à rejeter l’accord avec l’Union européenne que lui propose Theresa May. Si le résultat paraît acquis, ce qui suivra l’est si peu que personne ne se risque à faire un pronostic sur le destin politique d’un Etat plus divisé que jamais.

Les scénarios qui suivront le vote de mardi dépendront du rapport de force entre ceux qui voteront pour l’accord et les autres. Un faible déséquilibre entre les deux camps avantagerait le Premier ministre ; mais une franche défaite, plus probable, donnerait la main à son opposition. Les Travaillistes se tiennent prêts à demander un vote de censure puis, en cas de victoire, à provoquer de nouvelles élections sans que l’on sache, d’ailleurs, s’ils iraient à la bataille sur une ligne pro-Brexit ou pas.

Bien d’autres schémas sont aussi possibles d’ici la date fatidique du 29 mars, qui tous consacrent une profonde évolution de la pratique institutionnelle. Mutatis mutandis, on risque d’assister, de même qu’en France, à un affaiblissement de l’exécutif mais pas pour les mêmes raisons : alors que de ce côté-ci du « Channel », c’est la rue qui a précipité son déclin, outre-Manche c’est le Parlement qui, au contraire, a imposé sa prééminence.

Plusieurs votes clés récents y ont imposé à Mme May de proposer, en cas de défaite, un « plan B » sous trois jours, tout en donnant à Westminster la main pour modifier l’ordre du jour de Downing Street sur le Brexit. Or celui-ci est massivement hostile à une sortie sans accord.

Cela pourrait sembler rassurant, mais l’apparence est trompeuse. D’abord la mécanique institutionnelle britannique est d’une telle complexité que la Grande Bretagne pourrait se trouver acculée à un « hard Brexit » à son corps défendant ; ensuite, même si l’organisation d’un second référendum ne peut plus être exclu, encore que le temps pour l’organiser menace de manquer, rien ne dit que le peuple Britannique ait sur le fond changé d’avis.

S’il maintenait son vote sur le Brexit, une sortie sans accord serait immédiate. Dans ce cas, à la célèbre division en trois de l’humanité que retenait Winston Churchill, entre « les ennuyés à mort, les endettés à mort et les angoissés à mort », il faudrait dans le cas britannique en ajouter une quatrième : « les enragés à mort ».

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