
Le gel des fonds de H2O rattrape Natixis

En prenant début août la direction générale de Natixis, Nicolas Namias avait trouvé H2O Asset Management dans le haut de sa pile de dossiers à traiter. Le voilà servi : en proie depuis plus d’un an à des difficultés, la boutique de gestion dont le groupe détient 50% du capitala annoncé vendredi le gel temporaire de huit fonds de sa gamme, investis pour partie dans des actifs illiquides liés au financier allemand Lars Windhorst et que H2O ne parvient plus à valoriser. Depuis vendredi 12h30, impossible pour les clients de récupérer leurs avoirs, et ce pour une durée estimée à quatre semaines, le temps que la société cantonne ces titres à problème, qui pèsent au total 7% de ses actifs (lire par ailleurs).
«L’origine du sujet n’est pas récente et nous le suivions de très près. Aujourd’hui, les conditions sont réunies pour nous permettre de le traiter avec pour priorité claire l’intérêt des clients, dans un dialogue entre la société de gestion et les autorités», indique Nicolas Namias à L’Agefi.
Trois fonds - Allegro, Multibonds et Multistratégies - ont bloqué les souscriptions et les rachats à la demande de l’Autorité des marchés financiers, «afin de préserver l’intérêt des porteurs de parts et du public», selon le communiqué envoyé vendredi soir par le gendarme des marchés. Après le krach des marchés au premier trimestre, la part des titres illiquides dans l’actif de ces véhicules avait dépassé la limite de 10% fixée dans leurs prospectus d’investissement, et leur cession à des investisseurs tiers, une opération baptisée Evergreen, prenait du retard. Ces deux éléments ont déclenché la décision de cantonner les actifs à risque, après des semaines de discussions entre Natixis, sa filiale et l’AMF.
Dans la foulée, H2O AM a également gelé, de sa propre initiative, cinq autres fonds de sa gamme qui respectaient leurs ratios mais étaient investis dans les mêmes titres liés à Lars Windhorst. Il s’agit d’Adagio, Moderato, MultiEquities, Vivace ainsi que du fonds d’investissement alternatif H2O Deep Value. Au total, près de la moitié des 21,7 milliards d’euros d’encours de l’asset manager sont concernés par ces mesures.
Un frein à l’action Natixis
Pour le secteur de la gestion française, c’est un choc. Quelques sociétés, comme Exane AM et Axiom AI, ont bien dû bloquer des fonds durant cette crise, mais H2O AM boxe dans une autre catégorie. Créée en 2010, la boutique a connu une très forte croissance jusqu’en 2019 pour atteindre les 30 milliards d’euros d’encours. Grâce à leurs performances stratosphériques, ses fonds sont devenus les chouchous de nombreux banquiers privés et conseillers en gestion de patrimoine et d’assureurs qui les référençaient dans leurs contrats en unité de compte. Collecte et commissions de surperformance d’un côté, rétrocessions de l’autre, chacun trouvait son compte à cette success story. «Certains ont oublié que le rendement des fonds était fonction des risques pris. H2O AM les gère comme un ‘hedge fund’ et ne s’en est jamais caché», commente le patron d’une société de gestion concurrente.
Natixis relativise les difficultés de sa filiale, dont les commissions de surperformance étaient un gros contributeur aux revenus et aux résultats de la gestion par le passé. «Les commissions de surperformance sont par nature volatiles et nous en tenons compte dans nos projections. Les éléments récurrents de la contribution de H2O au résultat net du groupe sont de l’ordre de 2%. Il n’y a pas d’impact financier pour Natixis, ni au bilan, ni au compte de résultat», souligne Nicolas Namias. La banque rappelle dans un communiqué publié vendredi soir que H2O lui a apporté 150 millions d’euros de produit net bancaire en 2019 (moins de 2% du total) et 30 millions de résultat (2,5%). La contribution au résultat est tombée à 4 millions au deuxième trimestre 2020. Par ailleurs, les investissements de Natixis dans les fonds de H2O AM s’établissent à 20 millions d’euros sous forme d’amorçage (seed money) et à 60 millions d’euros au travers de la trésorerie de H2O investie dans ses fonds. La banque ne porte pas d'écarts d’acquisition sur H2O, puisqu’elle a créé la société avec l'équipe dirigeante.
Le dossier pèse sur la perception de l’action Natixis depuis la révélation, en juin 2019, des liens entre H2O et la galaxie Windhorst. Celle-ci avait provoqué une décollecte massive à l'été 2019, de 8 milliards d’euros en quelques jours, une hémorragie que la société avait réussi à juguler. H2O AM pourra-t-il se remettre du krach de 2020 et de ce nouveau revers ? L’affaire a comme un air de déjà-vu. Dans les années 2000, la gamme des fonds VaR du Crédit Agricole, gérée notamment par Bruno Crastes, fondateur de H2O, avait connu une croissance spectaculaire avant d’exploser en vol.
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