
La Fed sera plus que jamais attendue sur son taux terminal

Les économistes ne sont pas d’accord avec les marchés. Les premiers voient le taux directeur de la Réserve fédérale américaine (Fed) à un minimum de 5,25% et maintenu jusqu’à 2024 alors que les seconds s’attendent à des taux de 5% mi-2023 avant de le voir baisser rapidement en fin d’année. Si un consensus se dessine autour d’une hausse quasi-certaine de 50 points de base (pb) à 4,50% - après quatre hausses successives de 75 pb - pour la réunion du Comité de politique monétaire (FOMC) de mercredi, «les marchés se concentreront sur les projections économiques du FOMC et sur la question de savoir si les gouverneurs ont révisé ses projections (dot plots) sur les hausses de taux», rappelle Tiffany Wilding, économiste Amérique du Nord chez Pimco.
N’en déplaise aux marchés, «leur estimation manque un peu de cohérence, juge Gilles Moëc, chef économiste d’Axa IM. Soit la Fed va trop loin parce que les données autour de l’inflation ne diminuent pas assez vite et alors elle remontera le taux Fed Funds au-dessus de 5,25% avec le risque de devoir le baisser plus vite aussi à cause de la récession induite, soit elle se contente d’une moindre hausse et elle risque alors de maintenir son taux à ce niveau plus longtemps», également par peur de retomber dans ses travers des années 70 - même si le contexte est différent.
L’emploi, facteur-clé
Mercredi, le comité de politique monétaire (FOMC) tiendra probablement compte de la publication préalable de l’inflation CPI, attendue en baisse de 7,7% à 7,3% et de 6,3% à 6,1% pour l’inflation sous-jacente. «Il me semble qu’il s’oriente petit à petit vers une logique plus restrictive malgré les effets que le resserrement monétaire commence à avoir sur la demande (fret) et sur certains secteurs : immobilier, techs, etc., indique Catherine Huguel, directrice générale d’Hugau Gestion et membre de la Nabe (National Association for Business Economics) avec laquelle elle a croisé quelques gouverneurs cet automne. Lael Brainard a été très claire sur le fait que la Fed redoute que l’inflation dans les services ne perdure, et qu’une hausse durable des salaires à 5% par an n’est pas compatible avec un retour de l’inflation ‘core’ à 2%. Or il y a un vrai problème démographique, avec près de 2 millions de départs en retraite suite au Covid, quand le soutien budgétaire lié à l’Inflation Reduction Act (IRA) lance un long cycle d’investissement, comme avec les usines Intel et TSMC en Arizona», ce qui devrait prolonger les tensions sur le marché du travail.
La Fed veut un ralentissement plus marqué sur l’emploi, alors que le rapport Jolts indique encore 1,7 offre d’emploi par chômeur. «Cela va redevenir un critère à suivre. Les premiers signes de détente restent ténus, même s’il y a des différences croissantes voire inédites entre l’enquête ménages et l’enquête entreprises - habituellement plus fiable -, et le ralentissement de la hausse sur les salaires discret, reconnaît Gilles Moëc. En outre, malgré le durcissement des conditions financières (voir par ailleurs), il faudra théoriquement six à neuf mois avant d’observer un ralentissement des loyers, qui comptent pour un tiers de l’indice d’inflation.»
En attendant, les hausses de salaires donnent au FOMC des raisons pour garder un ton ferme quant à la direction de la politique monétaire en 2023, «mais les marchés ignorent Jerome Powell», ajoute Axel Botte, stratégiste chez Ostrum AM, étonné par leur réaction après sa déclaration du 30 novembre. Hyper-sensibles, ils avaient déjà réagi en sens inverse aux propos de James Bullard (Fed de Saint-Louis) le 17 novembre.
Malgré ce contexte, la banque centrale américaine reste floue quant à son taux terminal. «A la Nabe, Charles Evans (Fed de Chicago) a dit au moins 4,50% pour être sûr de ne pas se tromper, poursuit Catherine Huguel. Mais beaucoup d’autres sont d’avis que 5% est un grand minimum et qu’il faudra plus si l’inflation se maintient durablement à 5%.» Tiffany Wilding souligne que «l’économie américaine conserve d’importants coussins - par exemple l’épargne des consommateurs. Il est donc possible que les délais de transmission monétaire prennent plus de temps. Nous nous attendons à une récession modérée, mais nous pensons aussi que la Fed en tiendra compte et marquera une pause autour de 5% avant d’envisager de resserrer davantage les taux, au second semestre si l’inflation ne baisse pas aussi rapidement que prévu», précise-t-elle, évoquant des ralentissements déjà notables dans les secteurs tels que le transport/entreposage qui avaient beaucoup embauché pendant le covid.
La projection médiane du FOMC sur les taux devrait remonter pour 2023 de 4,6% en septembre à plus de 5%, et il faudra aussi surveiller de combien les gouverneurs remonteront celle pour 2024 (3,9% en septembre). Avec le risque de décevoir les marchés, assurés de la récession à venir à en croire leurs positions sur la courbe des taux : l’inversion n’a jamais été aussi forte (-80 pb sur l’écart 2-10ans), et la Fed pourrait y remédier en accélérant la réduction de son portefeuille de bons du Trésor.
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