La banque centrale turque rechigne à relever ses taux

Dans un contexte politique et de marché tendu, la CBRT a préféré laisser ses taux inchangés. La lire turque a continué de dévisser.
Xavier Diaz

La Turquie s’enfonce dans la crise entraînant sa devise avec elle. La lire turque a cédé hier 1% à 2,89 pour un dollar, après la décision de la banque centrale (CBRT) de maintenir ses taux inchangés. Le taux de prêt au jour le jour reste à 7,25%, celui d’emprunt à 10,75% et le taux repo à une semaine à 7,5%. Ce statu quo faisait consensus mais les économistes sont déçus par le manque de réaction des autorités face à la chute de la lire.

La monnaie turque s’est dépréciée de 19% depuis janvier face au billet vert, l’une des pires performances sur le marché des changes cette année.

C’est la récente baisse des prix alimentaires et de l’énergie, réduisant les pressions inflationnistes, qui a poussé la CBRT à maintenir sa politique dans un contexte tendu. Le premier ministre, qui dirige aussi le parti AKP du président Recep Tayyip Erdogan, devrait démissionner après l’échec des négociations avec l’opposition pour former un gouvernement de coalition ouvrant la voie à des élections, probablement fin novembre. A cela s’ajoute une situation géopolitique dangereuse à l’est de la Turquie. Résultat: les investisseurs fuient les actifs turcs entraînant la chute de la devise. Ces derniers ont vendu plus de 4 milliards de dollars d’emprunts turcs depuis le début de l’année. Le taux à 2 ans a bondi à 10,6%.

La CBRT était aussi attendue sur la simplification des outils de politique monétaire, réclamée par les investisseurs, les institutions internationales (FMI) et les agences de notation. Elle a bien publié une feuille de route décrivant les mesures préparant le pays à la normalisation des politiques monétaires dans le monde, et particulièrement à une prochaine hausse des taux aux Etats-Unis, mais cela n’a pas suffi. «Cette réunion était une occasion en or pour stopper la panique sur les marchés mais ni la décision de la CBRT ni la feuille de route n’ont réussi à arrêter la dépréciation de la lire, souligne Selim Cakir, chef économiste chez TEB (BNP Paribas) qui anticipait une hausse des taux. Le marché n’aura pas la patience d’attendre que la banque centrale réagisse compte tenu de l’incertitude politique et la fuite des capitaux dans les marchés les émergents».

D’autant qu’en affirmant qu’une hausse des taux ne serait pas dans l’intérêt de la Turquie, le ministre de l’Economie a laissé planer peu de doute sur la volonté du gouvernement de préserver l’indépendance de la banque centrale. Le risque est qu’elle doive relever ses taux dans l’urgence.

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