
Archegos, la finance en roue libre

C’est un mauvais remake de Margin Call, le film qui retraçait la chute de Lehman Brothers. La déconfiture du fonds Archegos Capital fait passer un frisson bien connu à Wall Street. Incapable de répondre aux appels de garanties de ses contreparties, le hedge fund a forcé ses banques à liquider en quelques jours plusieurs dizaines de milliards de dollars de positions, avec de lourdes pertes à la clé pour au moins deux d’entre elles, Credit Suisse et Nomura. Les ingrédients de la catastrophe ont un goût de déjà-vu : des paris concentrés sur quelques valeurs boursières grâce à des produits dérivés taillés sur mesure, un usage immodéré de la dette pour les financer, des banques qui font passer la rentabilité avant la gestion fine de leurs risques, et des autorités de surveillance toujours aussi myopes.
L’affaire convoque les mauvais souvenirs de 2007 et plus encore de LTCM, ce hedge fund qui avait manqué déclencher une crise systémique en 1998. L’intervention coordonnée de la Réserve fédérale et des grands établissements financiers avait alors évité une débâcle générale. Mais Archegos n’est pas LTCM. Les effets de levier sont bien moindres, les marchés financiers bénéficient depuis dix ans d’un filet de sécurité permanent grâce à la politique monétaire, et les banques d’investissement s’appuient désormais sur des niveaux de fonds propres qui les mettent à l’abri d’une faillite. Bref, tout est sous contrôle – ou presque.
La déroute d’Archegos n’est en effet que le dernier craquement en date au sein d’une industrie financière en roue libre. Gel des fonds de H2O Asset Management, fronde des boursicoteurs chez GameStop, cocktail de fraude à l’affacturage et de titrisations douteuses chez Greensill… les signaux d’alarme se multiplient depuis quelques mois. Ils sont restés pour l’heure sans conséquence. Dans des marchés aux prix soufflés par le soutien des banques centrales, chaque correction passe pour une bonne occasion de remettre une pièce dans la machine. Pour un fonds envoyé au tapis, neuf autres continuent à prospérer dans les angles morts de la supervision financière. L’appât du gain est le plus fort, et les profits réalisés par les banques d’investissement dans le trading en 2020 reflètent une prise de risques accrue. Comment expliquer sinon que le discret Bill Hwang, le fondateur d’Archegos, mis à l’index par le gendarme boursier américain il y a près de dix ans, ait pu amasser autant d’actifs avec l’appui du gratin de Wall Street ?
Dans un marché boursier en correction, on n’ose imaginer les secousses qu’une telle débâcle aurait engendrées. Circonstance aggravante, la dernière crise financière a eu pour effet de concentrer des métiers tels que les services aux hedge funds dans un nombre réduit de mains. Espérons qu’après Archegos, tous les acteurs de ce film sortent enfin de la douce anesthésie dans laquelle ils se complaisent.
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